" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


vendredi 20 mars 2015

Le Temps de Notre Seigneur Jésus-Christ (3) : les partis religieux et politiques

Soumis aux païens, le peuple juif est un peuple divisé tant au niveau religieux que politique. « Au début de l'ère chrétienne constitue certainement un des moments où la multiplicité des courants se manifeste avec le plus d'intensité. »[1] Éparpillés dans l’empire romain et divisés en Palestine, les juifs ne forment guère un bloc monolithique. Le judaïsme au temps de Notre Seigneur Jésus-Christ est donc bien différent du judaïsme contemporain.

La diversité juive

Au temps de Notre Seigneur Jésus-Christ, la secte est un groupe de juifs qui se caractérise par « la faiblesse des effectifs et par un sentiment aigu d’une différence, d’une supériorité, d’une élection »[2]. Elle appartient au judaïsme officiel. Depuis Flavius Josèphe, nous avons l’habitude de reprendre cette terminologie pour désigner les groupes religieux de cette époque : les Pharisiens, les Sadducéens et les Zélotes. À ces sectes, nous pouvons rajouter les Esséniens sans oublier les groupes hérétiques. Sans être un groupe marginal ou une secte, nous devons aussi ajouter les Juifs de la diaspora, notamment autour de la mer Méditerranée. Parmi ces juifs, se trouvent aussi des hérétiques.

La diversité des juifs n’est pas simplement d’ordre religieux. Le peuple juif est aussi divisé politiquement et culturellement. Comment le juif doit-il se comporter avec l’occupant romain ou avec la culture hellénique ? Faut-il défendre la politique d’Hérode ? Entre les Zélotes et les Hérodiens, les Juifs doivent parfois choisir…

Les Pharisiens

Les Pharisiens semblent provenir de « Hassidéens » (ou « Assidéens »), qui ont combattu fermement au côté des Macchabées pour défendre la religion juive contre l’hellénisation d’Israël. Le terme vient d’« hasidim » ou « assidim »[3] qui signifie les pieux. Le nom de Pharisien apparaît au temps de Jean Hyrcan (135-104). Pour des motifs religieux, ils se sont cependant opposés aux rois asmonéens. Leur nom peut aussi être tiré d’un terme hébreu, « peroushim » (ou « perushim ») qui signifie « séparés ». Ce sobriquet leur est donné du fait qu’ils cherchent à vivre séparés du vulgaire, c’est-à-dire  des « ‘am-hâ’ârés », pour se garder de toute impureté légale et pratiquer de manière austère les prescriptions de la Loi. L’esprit séparatiste est « une note distinctive du pharisaïsme »[4].

Les rois asmonéens s’opposent en général à l’influence des Pharisiens. Ils se refusent en effet de se plier à leurs interprétations juridiques. Sous le règne d’Hérode le Grand, les Pharisiens perdent leur pouvoir. Ils refusent de lui prêter le serment de fidélité et ne se mêlent pas aux affaires politiques. Leurs actions ne s’exercent plus que dans le domaine religieux comme guides spirituels de la communauté juive. Leur ascendant sur le peuple est alors considérable. Sous l’occupation romaine, ils ne s’opposent pas en principe à la juridiction de Rome dans la mesure où la liberté d’observer la Loi est sauve. Ils conseillent même aux Juifs la soumission aux Romains tout en aspirant à l’instauration d’un régime théocratique qui permettrait à Israël d’assumer sa mission religieuse.



Les Parisiens proviennent de toutes les classes de la société juive. Ce sont surtout des laïques. Pour entrer dans cette sorte de communauté, il faut posséder :
  • une connaissance exacte des commandements et des traditions ;
  • adhérer à l’enseignement des docteurs du parti ;
  • accomplir minutieusement tous les préceptes relatifs à la Loi et aux traditions

Leurs chefs sont des scribes. La plupart des scribes professent les doctrines pharisiennes et c’est par eux que les Pharisiens influencent le peuple juif et le Sanhédrin. C’est pourquoi les noms de scribe et de pharisien sont interchangeables.

La science juridique des Pharisiens se concentrent particulièrement sur trois points : 
  • l’observation du repos sabbatique ;
  • les purifications rituelles légales ;
  • les dîmes lévitiques, c’est-à-dire le paiement des redevances sacrées. 

Ils ont multiplié les interdictions touchant le sabbat, entrant dans les détails les plus intimes. Les règles les plus minutieuses se sont ajoutées aux prescriptions de la Loi sur la question des impuretés. Les Pharisiens ont ainsi érigé tout un ensemble de préceptes détaillés.

Sur le plan doctrinal, les docteurs pharisiens contribue à l’élaboration de concepts religieux plus précis ou plus spiritualistes à partir de la Sainte Écriture et de la tradition orale. Il semble que la tradition des anciens, élaborée par des déductions subtiles, est parfois placée au-dessus de la Loi. Les Pharisiens croient à l’immortalité de l’âme, au jugement après la mort, à la résurrection des corps, qu’ils restreignent aux seuls justes, et à l’existence des anges. Ils attendent fermement la venue du Messie et le règne de Dieu ici-bas.

Les Pharisiens se distinguent aussi des autres juifs par un amour sincère de la Loi allant jusqu'au culte excessif au point d’enfermer le peuple juif dans cette même Loi. Selon leurs doctrines, pour plaire à Dieu, il est nécessaire de connaître les préceptes et observances marqués dans la Loi ou fixés par la tradition des anciens puis de les accomplir. Le moindre commandement est obligatoire. Par conséquent, seule la connaissance exacte de la Loi et la pratique des commandements de la Loi procurent la possession de la justice. « L’idéal du pharisien était élevé, mais il n’avait pour l’atteindre que son orgueil »[5]. Leur application à observer minutieusement la lettre de la Loi sans se soucier suffisamment de l’esprit les fait verser dans un formalisme religieux mesquin. De ce formalisme découle notamment un profond mépris pour tous ceux qui ne s’astreignent pas à leurs observances.


La tentation est alors grande de voir la piété comme uniquement affaire d’intelligence et non de cœur. La religion du Pharisien risque aussi de dégénérer en un formalisme extérieur, où l’observation minutieuse du rite se trouve être l’objet principal de l’attention et de l’effort. Un autre danger menace le Pharisien : il risque de se croire l’ouvrier de sa justice et de sa sainteté, ce qui le porte à avoir de lui-même un sentiment d’estime exagéré, favorise l’orgueil et, dans bien des cas, mène à l’hypocrisie.

Le Pharisien et le Publicain
 (Gustave Doré)
Les Pharisiens finissent par mépriser tous ceux qui ne professent pas le même culte qu’eux, notamment les ignorants, les gens dont la moralité est inférieure à la leur ou relâchée mais aussi les prêtres peu soucieux des lois de pureté rituelle et les pécheurs publics. Parmi eux, les « ‘am hâ’âres », ou littéralement les gens de la terre ou du peuple. Les Pharisiens s’éloignent d’eux de peur d’en être souillés.

Les Pharisiens représentent une école religieuse autour duquel se groupent des sympathisants. Leur influence et leur autorité sur les Juifs n’ont pas cessé de grandir. « Le Judaïsme, les Pharisiens étaient le cœur. Comme tels, ils survivront à la catastrophe de 70, toujours semblables à eux-mêmes, souples en apparence, mais, en réalité, ne concédant que pour obtenir. »[6]



Les Sadducéens

Selon l’hypothèse la plus communément admise, le nom des Sadducéens est tiré de Sadoc, fils d’Achitob, de la race d’Eléazar, qui, au temps de Salomon, a supplanté Abiathar dans le culte suprême[7]. Il est le fondateur de la famille sacerdotale par excellence. Les prêtres sont en effet souvent appelés fils de Sadoc dans l’Ancien Testament. Selon Saint Jérôme, le terme peut aussi être dérivé de « tsaddiq » ou « zaddikim » qui signifie « juste ». Les Sadduccéens prétendent en effet observer rigoureusement la Loi seule

Les Sadducéens forment le parti des prêtres. Leurs principaux représentants appartiennent à l’aristocratie sacerdotale. Issus des familles fortunées, ils forment une véritable aristocratie juive dont l’influence est très importante. Certains grand-prêtres y sont issus. Ils sont ainsi les maîtres du Temple, les chefs du personnel cultuel, héritiers de la tradition des prêtres, versés dans la connaissance du cérémonial liturgique.

Du le IIIe siècle avant Jésus-Christ jusqu'à l’avènement des rois asmonéens, le pouvoir est exercé dans l’état juif par le grand prêtre qu’assiste un conseil composé de représentants des grandes familles. Les rois asmonéens prennent ensuite la direction des affaires religieuses et politiques. D'origine lévitique, les rois sont aussi grand-prêtre. Ainsi cumulent-ils les pouvoirs religieux et politiques, cumul unique dans l’histoire du peuple juif.

Plus dociles aux Pharisiens, Jean Hyrcan (135-104) réduit le pouvoir des prêtres. Les membres de l’aristocratie sacerdotale et laïque se liguent contre les docteurs pharisiens en un groupement rival, celui des Sadducéens. Ils finissent par être influents sous la fin du règne de Jean Hyrcan puis de celui de son successeur. Mis à l’écart temporairement, les Sadducéens redeviennent puissants sous Aristobule II (67-63) avant d’être durement traités et décimés par Hérode. L’annexion de la Judée à la province de Syrie leur redonne de l’importance. Sous l’occupation de Rome, le grand prêtre est le représentant officiel des Juifs. Très présents au Temple et jouissant d’une autorité très grande au Sanhédrin, les Sadducéens participent activement à la direction des affaires public de l’an 6 à 70. Le parti disparaît à la destruction du Temple de Jérusalem.

Fondé pour s’opposer aux docteurs pharisiens, considérés plutôt comme progressistes, le parti sadducéen représente le conservatisme religieux qui s’en tient en matière religieuse à la lettre de la Loi et repousse tout développement dogmatique qui s'appuient uniquement sur la tradition des anciens. Ils refusent toute vie d’outre-tombe, toute idée d’immortalité personnelle, tout jugement individuel après la mort, toute résurrection des défunts. Au niveau du droit, les Sadducéens appliquent rigoureusement la loi du talion contrairement aux Pharisiens qui admettaient parfois des adoucissements et des compensations pécuniaires. 

Le peuple juif ne les aime guère pour leur dureté et leur arrogance à l’égard de tous ceux qui n’appartiennent pas à l’aristocratie juive. Les Sadducéens apparaissent à ses yeux comme surtout soucieux de garder leur rang social et leurs privilèges, s’accommodant assez bien de la domination romaine. « C’étaient des gens ambitieux, opportunistes en conséquence, et très larges sur la question des alliances, ententes et compromissions avec les païens et demi-Juifs […] »[8]

Les Esséniens


Dans un article précédent [12], nous avons déjà évoqué le cas des Esséniens. Certains historiens remettent en cause leur existence. D'autres pensent qu’ils sont à l’origine des manuscrits de Qumrân.

Depuis le début du dernier siècle avant Jésus-Christ, ils forment une sorte de communauté qui s’est développée à Jérusalem, en plusieurs bourgs de Judée et à Engaddi, sur la rive occidentale de la mer Morte. Après un noviciat, s’il est accepté à entrer dans la communauté, l’Essénien promet d’obéir à la règle, de pratiquer ses rites et de garder secret ses doctrines et ses traditions. Il renonce au mariage et à tout bien. 

Les Esséniens s’appliquent à suivre rigoureusement la Loi et se montrent particulièrement scrupuleux en matière de pureté légale. La recherche de pureté absolue est une de leurs caractéristiques. Leur piété se manifeste par des prières et des offrandes au Temple et par tout un ensemble de pratiques ascétiques. Ils se montrent finalement plus radicaux que les partisans du pharisaïsme.

Les Esséniens croient en l’immortalité de l’âme mais aussi en sa préexistence au corps. Après la mort, elle devait retourner dans les régions célestes d’où elle venait. Ils croient aussi en la rétribution au terme de la vie présente sans admettre la résurrection corporelle des justes.

La communauté de Qûmran se présente plutôt comme une communauté coupée du Temple depuis que les rois asmonéens ont accaparé le pouvoir religieux. Elle forme même le seul Temple légitime auquel il faut présenter des offrandes spirituelles. La recherche de la pureté légale est encore accentuée.

Les Zélotes

Les Zélotes forment plutôt un parti politique reconnu comme étant particulièrement extrémiste. Comme leur nom l’indique, ils sont zélés pour les observances. Ils partagent la croyance des Pharisiens dont ils se sont détachés. Mais, contrairement aux Pharisiens, leur « nationalisme » prend le pas sur la religion. Ce sont des patriotes ardents, farouches, qui ne reconnaissent d’autre seigneur et maître que le Dieu d’Israël. Ce sont donc des adversaires acharnés de la domination étrangère.

Les Zélotes se sont organisés au temps du recensement de Quirinus en l’an 6 ou 7 de notre ère, sous la direction de Judas le Gaulonite. Véritables révolutionnaires, ils usent de tous les moyens, y compris l’assassinat, pour combattre l’occupant et punir les croyants tièdes ou trop conciliants avec les Romains. Jusqu'à la révolte de 66, ils mènent une lutte, parfois ouverte et violente, contre les païens installés en Palestine. Ils provoqueront la catastrophe de 70.

Les Hérodiens

Moins importants, les Hérodiens forment un parti que citent seulement les Évangiles[9]. Peut-être Flavius Josèphe parle d'eux orsqu'il mentionne ceux qui partagent les sentiments d’Hérode ?

Ce sont les partisans de la famille d’Hérode et du gouvernement des Hérode et tous ceux qui se sont ralliés à l’autorité romaine. Ce sont probablement des courtisans ou tous ceux qui n’ont guère été lésés par les Iduméens. Ils ne semblent avoir aucune influence sur le peuple juif.

Les « ‘âm hâ’ârés »

Le terme d’« ‘am hâ’ârés » signifie « gens du pays ». Ils ne sont pas véritablement une secte ou un parti. Les Pharisiens désignent par ce terme le bas peuple qu’ils considèrent comme ignorant et peu digne de confiance en termes de religion. Les Sadducéens les méprisent aussi.

Les Samaritains

Les Juifs attribuent ce nom aux habitants de la Samarie après la conquête de la ville par les Assyriens en 722 avant Jésus-Christ. Après les déportations, le roi assyrien, Sargon II, en déporte la majorité de la population et installe des Assyriens dans le royaume du Nord. Les colons emportent avec eux leurs dieux. L’adoration au Dieu d’Israël n’a pas cependant disparu. Il a été même remis en honneur sur demande des colons eux-mêmes. Un mélange s’est alors opéré. L’ancien royaume de Judée devient une terre idolâtre. Les juifs d’Israël méprisent les Samaritains qu’ils considèrent comme des païens, voire des « suppôts de Satan ». Ils évitent leur contact.

Lors de leur retour de l’exil de Babylone, les Juifs veulent reconstruire le Temple de Jérusalem. Les Samaritains demandent à participer à cette œuvre, aide que les juifs rejettent aussitôt avec mépris. Les Samaritains se séparent alors définitivement d’Israël et élève sur le mont Garizim un temple concurrent à celui de Jérusalem. Ils sont aussi rejoints par un grand nombre de juifs qui ont refusé de se séparer de leurs épouses étrangères comme le demandaient les autorités religieuses juives de retour d'exil. En 128 avant Jésus-Christ, Jean Hyrcan détruit le temple samaritain. Toutefois, le mont Garizim reste un lieu de culte.

Les Samaritains sont plutôt conciliants avec Rome. Ils acceptent de servir dans les armées romaines et hérodiennes. Au cours de la période trouble qui suit la mort d’Hérode, la Samarie demeure calme. Une cohorte de Samaritaines est envoyée contre les Judéens révoltés contre le pouvoir romain. Cependant, sans doute las des exactions commises par les procurateurs romaines, ils se soulèvent avec les Juifs lors de la grande révolte vers 67 contre l’autorité de Rome. Vespasien les assiègent sur le mont Garizim. Dix mille cents mourront…

Les Juifs de la diaspora

Au début de l’ère chrétienne, il existe de nombreuses communautés juives dans le monde connu des Grecs et des Romains. Leur expansion est extraordinaire, surtout autour de la Méditerranée.

Nathan (6ème) - http://lastel-histoire-geo.wifeo.com/

Disséminé dans tout l’empire romain, les Juifs forment des groupes très solidaires, que reconnaît et protège la loi romaine. Dirigés par un conseil d’anciens, ils sont libres d’exercer leur culte et de régler leurs affaires intérieures ou privées selon les lois et coutumes du droit juif. Ils peuvent obtenir le titre de citoyen romain soit par privilège, soit par affranchissement, ce qui leur assure une meilleure protection de la part des autorités et les exempte de certaines charges. Ils peuvent aussi obtenir le droit de cité. Cependant, ils appartiennent toujours à la communauté juive.

Les Juifs de la diaspora demeurent généralement fidèles à la croyance monothéiste et garde intacte la foi aux destinées glorieuses d’Israël. Jérusalem reste leur capital. Ils envoient régulièrement des offrandes au Temple et, chaque année, plusieurs milliers d’entre eux se rendent à Jérusalem pour passer la Pâque dans la Ville sainte. Ils sont assidus aux réunions liturgiques de leur synagogue, conservent jalousement les coutumes et traditions reçues de leurs ancêtres. Ils se sentent attachés par le double lien du sang et de la religion.

Ils connaissent le grec. Seuls les rabbins connaissent l’hébreu. Les textes sacrés et les prières sont lus en grec. Certains de ces juifs ont été influencés par l’hellénisme comme par exemple Philon, platonicien juif, qui a tenté de faire une synthèse entre la révélation de la Sainte Écriture et la philosophie de Platon. 

Sans pourtant se mélanger aux païens qui les entourent, les Juifs éprouvent moins de répulsion à leur égard que chez leurs frères de Palestine. Ils sont aussi moins préoccupés de pureté légale.

Parmi les Juifs de la Diaspora, nous trouvons des hérétiques, notamment les thérapeutes alexandrins. Localisés à Alexandrie, ils ressemblent aux Esséniens préoccupé « d'éthique et de cosmologie, d'allégorie et de mystique, plus que de casuistique, de messianisme et d'eschatologie » [10].

Les « craignant Dieu », les « metuentes »

St Pierre et Corneille
Les Juifs de la Diaspora mènent une grande activité missionnaire. Ce prosélytisme remonte au temps de l’exil, de la captivité de Babylone. Un certain nombre d’étrangers sont admis dans la communauté juive. Des païens en Palestine et dans le monde gréco-romain ont en effet embrassé la religion juive, parfois de manière forte. Les rois asmonéens ont ainsi imposé la circoncision aux populations des territoires qu’ils ont conquis. Ils ont « rejudaïsé » la Galilée.  Les Juifs de la Dispersion sont animés de la même volonté sans toutefois employé les mêmes méthodes.

De nombreux écrits apologétiques ont été diffusés soit pour faire connaître aux païens la foi et l’histoire juives, soit pour défendre la religion contre les attaques dont elle fait souvent l’objet. Une littérature apocryphe apparaît aussi pour exalter le Dieu d‘Israël et décrire le peuple juif comme le dépositaire et le révélateur de la science et de la philosophie.

Les Juifs atteignent surtout les païens par leurs vertus religieuses et morales et par leur enseignement. Ils présentent une doctrine religieuse très claire et très haute sur Dieu, un culte tout spirituel élevé, une moralité supérieure et un code de règles précis pour la conduite de la vie. Les Synagogues sont ouvertes aux païens. Quand les païens admettent la foi en un seul Dieu et abjure leur idolâtrie, ils peuvent prendre part aux assemblées liturgiques. Ils deviennent alors les « craignant Dieu ». Pour faire réellement partie de la communauté et se soumettre à toutes les prescriptions de la Loi, ils doivent être circoncis après avoir pris le bain rituel de purification.

Or la circoncision est un obstacle souvent difficile à surmonter. Non seulement elle est regardée comme étant une humiliation mais surtout parce qu’elle leur faisait perdre le droit de cité. « La circoncision, elle, était plutôt un frein, expliquant qu’il y ait eu plus de convertis parmi les femmes »[11]. Ainsi les juifs se contentent souvent d’une adhésion à la foi en Dieu. 

Des juifs généralement peu appréciés

Si les Juifs sont ainsi divisés pour des questions religieuses ou politiques, ils font généralement tous l’objet d’un mépris général de la part des païens. Ces derniers ne les apprécient guère. Ils ne supportent pas le caractère national très accentué de leur religion et leur intransigeance religieuse. Ils ne supportent guère non plus leur mépris à l’égard de tout autre culte que celui du Dieu unique, leur fierté d’être si différents des autres peuples et leur jalousie à sauvegarder leur caractère propre. Parfois, un incident sans grande importance transforme cette méfiance en haine, cette animosité en hostilité violente. Des juifs ont été massacrés par milliers en Égypte et en Syrie. Nous oublions souvent : l’antisémitisme est d’abord une réalité païenne.





Références
[1] Jean Hadot, Revue de l'histoire des religions, tome 162, n°1, 1962, synthèse de la lecture du livre de Marcel Simon, professeur de l’Université de Strasbourg, Les sectes juives au temps de Jésus, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Mythes et Religions », 1960, www.persee.fr.
[2] Marcel Simon, Les sectes juives au temps de Jésus cité par Jean Hadot, Revue de l'histoire des religions.
[3] Du terme « chassidim », les pieux.
[4]  R. P.J. Renié, Manuel d’Écriture Sainte, Tome IV, 2ème  partie, n°142. 
[5] Prat, La théologie de Saint Paul, tome I, Beauchesne, 1930 cité dans Manuel d’Écriture Sainte, R. P.J. Renié, Tome IV, 2ème partie, n°143.
[6] Abbé Lusseau et abbé Coulomb, Manuel d’études bibliques, tome IV, chapitre VII, §II, Téqui, 1938.
[7] Voir I. Chronique, XXIX, 22 et I. Reg., II, 35.
[8] P.de Grandmaison, Jésus-Christ, I, cité dans Manuel d’études bibliques, abbé Lusseau et abbé Coulomb, tome IV, chapitre VII, §II, Téqui, 1938.
[9] Voir Matth., XXII, 16 et Marc, III, 6.
[10] Marcel Simon, Les sectes juives au temps de Jésus cité par Jean Hadot, Revue de l'histoire des religions.
[11] Mireille Hadas-Lebel, Rome, la Judée et les Juifs, Picard, 2009, dans GéoHistoire, « Une longue soumission à l’empire », décembre 2006-Janvier 2005, n°18.
[12] Voir Émeraude, janvier 2015, Les Manuscrits de la mer Morte.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire