" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


vendredi 4 avril 2014

Acte de foi

L’acte de foi au sens général est le fait d’adhérer à une proposition comme étant une vérité parce qu’elle nous paraît digne d’être crue. Elle est tenue pour vraie d’après le témoignage d'une personne qui nous parait suffisamment crédible car informé et véridique. La foi humaine et naturelle est à l’origine de la plupart de nos connaissances [1]. Elle n’est pas un acte aveugle mais raisonnable puisqu'il s’appuie sur des arguments qui montrent qu’effectivement un tel témoignage est croyable.

Si Dieu en est l’origine, nous pouvons être convaincus que la proposition est vraie puisque non seulement Il ne peut se tromper mais encore Il ne peut nous tromper. Nous devons en effet distinguer dans la personne qui nous propose de croire sa science et son intention. Quand elle enseigne, elle peut commettre des erreurs car elle peut ne pas tout connaître et maîtriser ce qu’elle enseigne. La formulation de ses connaissances peut aussi nous induire en erreur. Elle peut aussi mentir pour diverses raisons : masquer son ignorance, manipuler son auditoire, se montrer supérieure, etc. D'autres raisons poussent aussi à croire : sa réputation, son expérience, … bref tout ce que nous savons d’elle concourt à sa crédibilité. Ainsi l'acte de foi se fonde sur des motifs internes et externes.

Dans le monde du renseignement, il est classique de noter l’information recueillie selon deux critères : la qualité de la source d’où elle est issue  et la qualité de l’information en elle-même. De même, nous croyons en une personne selon ce que nous savons d’elle et selon le contenu de son discours. La personne, est-elle crédible ? L’information est-elle raisonnable et cohérente ? Différents arguments viennent donc qualifier en quelque sorte le niveau de confiance que nous pouvons accorder à un témoignage et donc aux connaissances qu’il nous propose de croire.

Or Dieu est la Vérité même. Rien ne Lui est caché. Rien ne Lui est inconnu. En outre, Il est la Bonté même. Il ne veut que notre véritable bien. Il est notre Bien. Ainsi s’Il nous parle, nous pouvons Le croire avec certitude que non seulement ses paroles sont vraies mais qu’elles concourent à notre bien. Nous atteignons ainsi le "degré maximal" de certitude que nous pouvons accorder à un témoignage. La foi ne consiste pas simplement à croire ; elle nous oblige aussi à croire. Il y a bien une obligation morale

Mais avant de croire que Dieu est Vérité et Bonté, faut-il croire en Lui et croire qu’Il nous a donnés des vérités à croire.

La foi en Dieu est dite surnaturelle ou encore divine pour plusieurs raisons. Le témoignage ne vient pas d’un homme mais de Dieu. La vérité de foi est en effet une vérité révélée par Dieu. Elle est aussi dite surnaturelle parce que nous adhérons aux vérités de foi sous l’inspiration divine avec l’aide de la grâce divine. Nous ne pouvons pas croire en ce que Dieu nous propose de croire par nous-mêmes, par notre propre intelligence, par nos propres forces. Cela ne signifie pas que nous croyons obligatoirement quand la grâce divine nous touche. Nous pouvons en effet refuser cette grâce et ne vouloir par croire. Mais si nous l’acceptons, nous faisons un acte de foi divin ou surnaturel. « Si la Révélation est la parole de Dieu à l’humanité, la foi est la réponse de l’homme »[2].


Revenons à la foi naturelle. Quand un professeur de science nous enseigne une théorie scientifique, nous croyons en ce qu’il nous propose de croire car nous sommes convaincus qu’il sait ce qu’il enseigne et que son métier est de nous transmettre correctement ce qu’il enseigne. Sa fonction et son autorité sont à l’origine de notre acte de foi naturel. Nous avons besoin de peu de preuves ou de démonstrations pour être convaincus de la véracité de son discours. Posons-nous même la question ? Le contenu de son enseignement nous pousse aussi à adhérer à ces paroles. Plus son discours se rapporte à des évidences, plus nous sommes portés à le croire. Mais plus notre intelligence se développe en grandissant, plus nous pouvons l'exercer pleinement, plus le professeur doit nous montrer qu’effectivement ce qu’il nous enseigne s’appuie sur des motifs raisonnables qui dépassent même l'évidence. Notre acte de foi ne s’appuie plus totalement sur l’autorité du maître mais aussi sur notre raison. Toutefois, remarquons que dans les arguments qu’il nous propose, dans les démonstrations qu’il effectue, il y a toujours un acte de foi que nous réalisons. Le professeur lui-même tient une part de ses connaissances de cet acte puisqu'il ne peut tout connaître. Lui-même, il a été élève d’un maître…

Finalement, au fur et mesure que l’intelligence grandit et que nous savons exercer notre intelligence, notre acte de foi naturelle s’appuie davantage sur notre raison. L’esprit critique se développant, nous devenons plus exigeants en matière de connaissance et de démonstration. L’habit ne faisant pas le moine, nous demandons davantage de preuves de la part de l’enseignant selon la force et la finesse de notre esprit critique. Ainsi la foi naturelle s’appuie sur divers motifs afin que nous puissions être convaincus de ce que nous apprenons. Ce premier acte fait, la raison confirme notre conviction. Non seulement nous trouvons raisonnables de croire en ce que nous propose le professeur mais par un acte de raison, nous savons que ces propositions sont vraies. C’est notre raison qui désormais nous propose des vérités à croire. 

Mais les faits ou les propositions que nous avons cru être vrais dans le passé peut nous apparaître faux aujourd'hui pour plusieurs raisons. Les motifs de crédibilité ne nous paraissent plus suffisants pour emporter notre adhésion. Mieux exercée et plus instruite, notre raison nous montre désormais leur fausseté. De nouvelles connaissances ont peut-être remis en cause leur véracité. Ainsi nos convictions peuvent évoluer. Notre ignorance, nos limites intellectuelles et notre orgueil peuvent aussi nous avoir trompé et égaré. L’obstination dans l’erreur est si courante. Comme notre expérience nous le montre parfois, ce n’est pas seulement une affaire de raison mais de volonté. Nous croyons parce que nous voulons croire.

Certaines vérités religieuses sont de l’ordre de la raison. Certaines d’entre elles peuvent en effet être objets de démonstrations qui nous convainquent davantage à nous y soumettre. Nous y croyons non pas parce que Dieu a parlé mais parce que notre raison nous a persuadés de leur véracité. 

La foi surnaturelle a quelques points communs avec la foi naturelle. N’oublions pas en effet que le surnaturel repose sur le naturel. Il ne le supprime pas. Il le présuppose. Comme tout acte de foi, la foi surnaturelle a en effet besoin d’arguments qui nous convainquent qu’il est raisonnable de croire. Cette croyance s’appuie sur l’examen des témoignages et des signes en faveur du fait de l’existence de Dieu et de celui de la Révélation. Ce sont des signes à la portée de notre intelligence, de toutes les intelligences.


Mais une différence fondamentale : notre conviction est absolue. La foi surnaturelle ne dépend pas de nos connaissances, de notre raison ou de nos capacités intellectuelles. Ce ne sont ni les motifs de crédibilité, ni l'objet de notre foi qui font que nous croyons de foi divine et qui nous convainc de la nécessité de croire. La foi surnaturelle est la conviction de la vérité de la Révélation produite sous l’influence de la grâce de Dieu. Comme Dieu est la source de notre adhésion, Il est aussi la cause de notre fidélité. Cependant, à tout moment, nous pouvons refuser son secours et retomber dans l’erreur. Car nous demeurons libres de croire ou de ne pas croire. Il est toujours question de volonté dans l’acte de foi. C’est bien une réponse que l’homme doit donner à Dieu. Nous pouvons ne pas vouloir croire.

En connaissant mieux le contenu de notre foi, nous pouvons certes y adhérer davantage en y admirant par exemple sa cohérence et sa force. Les motifs de crédibilité peuvent croître et s'affiner selon les progrès de nos connaissances. Ils peuvent aussi être remis en cause par de nouvelles questions, de nouvelles connaissances. Notre spiritualité peut aussi gagner en profondeur et nous permettre de mieux comprendre ce que nous croyons. Nous pouvons également éprouver la soif et la désolation spirituelles. Mais notre foi ne se repose pas sur ces motifs ou sur notre spiritualité.


L’acte de foi est et demeure un acte surnaturel. Quelles que soient nos capacités intellectuelles et nos connaissances, ou notre évolution dans la vie intérieure, nous ne pouvons pas croire que Dieu ait parlé sans la grâce divine. Notre croyance s’appuie fondamentalement sur la Révélation, fait admirable mais indémontrable. Elle est une nécessité qui nous oblige à croire.





Références
[1] Voir Émeraude, février 2014, articles Croire pour comprendre.
[2] Mgr Bernard Bartmann, Précis de Théologie dogmatique, édition Salvator, 1944.

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