" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


mardi 13 novembre 2012

Les limites de l'horloge moléculaire

Les espèces sont caractérisées par leur ADN et plus précisément par leur génome (1). Aujourd'hui, nous savons définir avec précision le génome de chaque être vivant et donc identifier les différences de séquences génétiques entre les organismes. Constatant que les changements dans les macromolécules biologiques s'accumulent de manière relativement constante au cours du temps, des scientifiques ont eu l'idée de transposer ce phénomène dans la génétique. Le degré de divergence génétique entre deux espèces peut alors déterminer l'âge de leur différenciation et donc de leur ancêtre commun le plus récent. C'est la théorie de l'horloge moléculaire (2). « Le nombre de différences observées entre deux séquences est proportionnel au temps écoulé depuis que ces deux espèces se sont séparées » (3). Cet article montre les limites de la théorie de l'horloge moléculaire (4). 

Si cette théorie a été largement acceptée et appliquée, elle fait aujourd'hui l'objet d'un débat dans le milieu scientifique. La paléontologie et l'horloge moléculaire ont en effet donné lieu à des divergences « difficilement réconciliables » (5) dans la datation. On arrive parfois à 500 millions d'années de différences ! Compte tenu de l'âge supposé de l'apparition de la vie (3,5 milliards), l'écart est considérable.

Les nœuds de l'arbre sont placés aux âges estimés par la technique de l'horloge moléculaire par Peterson et al, 2004. Arbre phylogénétique d'après Paterson et al.2005

Quelles sont les hypothèses de la théorie de l'horloge moléculaire ? Toute science travaille à partir d'hypothèses pour modéliser son objet d'étude. Ainsi, en les définissant, nous pourrons mieux distinguer le modèle et la réalité. 

1ère hypothèse : plus des organismes partagent un ancêtre proche, plus leurs génomes se ressemblent, et par conséquent, plus le degré de leur divergence génétique est faible. Ou encore, plus cette divergence est important, plus leur ancêtre commun est lointain. Cela revient à dire que cette théorie s'appuie sur la théorie de l'évolution. Elle entre dans le cadre de l'évolutionnisme. Elle ne peut donc le justifier. 

2ème hypothèse : toute dissemblance observée entre deux séquences de gènes est vue comme une modification unique et définitive. On détermine les différences génériques entre deux espèces, puis on calcule le degré de divergence de leur séquence pour dater leur différenciation. La théorie ne prend donc pas en compte la possibilité qu'un gène ou un nucléotide mutent à plusieurs reprises à travers le temps, ce qui est bien réducteur pour un phénomène aléatoire qu'est la mutation génétique (6). L'hypothèse suggère finalement que le génome conserverait fidèlement la totalité du passé. Or, le « présent » n'est pas capable de mémoriser tout le « passé ». Il n'a que l'image du résultat fini. Pour cela, il faudrait identifier les lignages les plus proches, c'est-à-dire les espèces qui se suivent au plus près dans l'évolution, puis déterminer leur génome pour calculer leur divergence. La mémoire génétique seraient ainsi plus fidèle. Or, la démarche est différente. C'est par la divergence génétique qu'on identifie la proximité des espèces ... 

Mais, dans la pratique, les scientifiques ne comparent pas tout le génome mais certaines séquences spécifiques. Parfois, des datations sont obtenues à partir d'un gène ou de quelques gènes. La prise en compte de nombreux gènes rend en effet les calculs extrêmement longs, voire irréalisables. Finalement, la datation est calculée à partir d'un échantillon limité de séquences. La méthode connue comme étant la plus fiable ne peut pas être utilisée pour plus de cent séquences. 

3ème hypothèse : la vitesse de mutation est constante à travers le temps pour toutes les lignées sur une longue période (7). Elle ne varie donc pas en fonction des organismes ou de leur environnement. Si la sélection naturelle est le moteur de ces mutations, comme le suppose le néodarwinisme, nous en déduisons que la pression de cette sélection est restée en moyenne la même sur tous les organismes au cours du temps dans les différentes lignées. Il y aurait alors continuité dans le passé. Nous sommes dans le cadre de la théorie de l'uniformitarisme, que nous étudierons dans l'article suivant. Ce principe est fondamental. 

4ème hypothèse : la vitesse d'accumulation des séquences est du même ordre de grandeur au sein d'une même classe fonctionnelle de protéines et elle est différente pour des protéines qui ont des fonctions différentes. Cette hypothèse est une amélioration de la précédente. Aujourd'hui, la science nous révèle qu'il est impossible de connaître le rôle d'une protéine ou d'un gène dans la réalisation d'une fonction. Les interactions entre les protéines ou entre les gènes sont beaucoup trop complexes. Comment pouvons-nous alors répartir les gènes entre classes fonctionnelles et par conséquent identifier sa vitesse de mutation propre ? 

5ème hypothèse : on ne prend en compte qu'un nombre réduit de mutations, les substitutions fiables (8). La théorie exclue en effet toutes les mutations qui modifient les séquences de manière latérale ou les recombinent. Les méthodes considèrent uniquement les séquences alignées. En outre, les positions génétiques évoluent indépendamment les unes des autres, ce qui revient à dire que le codage est aléatoire. Les mutations n'ont pas de finalité. Toutes les mutations ne sont donc pas fiables. Elles ne donnent pas systématiquement un individu vivant et fécond. Il existe aussi des mutations neutres qui donnent aucune évolution de caractères. Toutes les mutations non fiables et neutres sont donc ignorées... 

Ces différentes hypothèses sont finalement très éloignées de la réalité. Certes, elles sont nécessaires pour déterminer les dates de différenciation entre deux espèces, mais elles sont peu réalistes. L'une d'entre elles, la principale, est en outre considérée comme fausse par la communauté scientifique : « les taux de substitution que subit une même molécule dans différentes lignées diffèrent au cours du temps et différent entre eux ». L'horloge moléculaire n'est pas constante, elle serait épisodique. « Li conclut en 1993 à l'absence de toute horloge moléculaire » (9). De nombreux scientifiques évolutionnistes ont donc remis en cause la théorie de l'horloge moléculaire. « Les discours triomphalistes occultait les difficultés liées à l'obtention des séquences des données brutes, mais surtout certains problèmes liés à la reconstruction phylogénétique appliquée aux caractères moléculaires, problèmes qui étaient pourtant déjà perceptibles. L'optimisme de l'époque devait vite s'accompagner de précautions » (10). Pourtant, elle demeure encore appliquée. 

La théorie de l'horloge moléculaire présente, à notre avis, deux erreurs fondamentales
  • elle considère que le présent contient intégralement le passé
  • elle oublie la forte interdépendance des gènes et donc des mutations, ou encore plus simplement la forte et nécessaire unité et cohérence de l'être vivant. 
Elle a en fait simplifié la complexité de la réalité pour construire un modèle dans lequel il est possible de réaliser des calculs, mais ce modèle est terriblement éloigné de la réalité. « Quelle que soit la méthode utilisée, des hypothèses très simplificatrices sont faites sur l'évolution biologique des séquences » (11). Les calculs ont-ils alors un sens ? En effet, pouvons-nous évaluer la marge d'erreurs entre la datation réelle et la datation estimée

Deux résultats scientifiques nous paraissent intéressants. Dans une première étude (12), des scientifiques ont étudié les avantages et les inconvénients des méthodes utilisées. Toutes ont des limites et leur fiabilité est différemment reconnue. Les méthodes dépendent notamment de nombreux paramètres arbitraires et peu objectifs (nature des séquences utilisées, qualité de l'alignement, nombre de séquences incluses dans l'alignement, etc.). 
Une seconde étude a cherché à calculer des arbres phylogéniques à partir de plusieurs méthodes. Les différences de résultats peuvent compter en 100 millions d'années. « De manières importantes, les différentes approches d'horloge assouplies produisent des estimations d'âges de divergences couplées à des incertitudes généralement exprimées sous forme d'intervalles de crédibilité. Les incertitudes ont souvent été négligées dans les datations moléculaires classiques, ce qui a fait artificiellement croire à une grande précision des horloges moléculaires. En fait, la connaissance de cette incertitude est essentielle non seulement pour quantifier la précision du signal de datation moléculaire présent dans les données génomiques mais encore pour permettre une meilleur comparaison avec le registre fossile » (13)... 

En conclusion, hors du monde de la recherche, notamment dans les écoles et dans les médias, on présente l'arbre phylogénique comme un résultat scientifique incontesté de l'évolutionnisme, sans jamais préciser ses limites et la marge d'erreur des résultats obtenus. Il est décrit comme un fait avéré au point d'annoncer des dates et des filiations alors que le monde de la recherche doute désormais de leur fiabilité. Par différentes méthodes séparées, les scientifiques recherchent plutôt l'arbre phylogénétique le moins erroné dans le modèle de la théorie. Il y a véritablement un fossé entre l'école et la science, entre la certitude de l'enseignement et l'incertitude des chercheurs. Et les médias, que font-ils lorsqu'ils abordent la question de l'évolutionnisme ? Ils ne font qu'amplifier l'enseignement scolaire et renforcer cette certitude infondée. C'est ainsi qu'une théorie devient progressivement un dogme. Comme elle a acquis le statut de vérité, il n'est même plus la peine de démontrer sa véracité, voire sa vraisemblance. 

L'arbre phylogénétique n'a en fait de valeur qu'en le replaçant dans le modèle qui a permis de l'élaborer. Or, ce modèle est éloigné de la réalité. Les arbres phylogéniques ne sont donc que des constructions intellectuelles, abstraites, qui ne correspondent pas à une réalité mais à un modèle ! 

La principale limite de cette théorie est de croire que le présent peut contenir tout entier le passé. N'est-ce pas le reflet d'une certaine prétention ? Celle de croire que nous sommes capables par le présent, c'est-à-dire par nous-mêmes, de construire le passé tel qu'il était ? Quelle folie !... 


1 Voir Émeraude, octobre 2012, article « l'ADN, la clé de la vie »... 
2 Élaborée par Emile Zuckerkandl et Linus Pauling dès 1962-1965, et par Wilson en 1977.
3 Cours Terminal S du lycée Montaigne de Paris, MmeMorin-Ganet, 2006, www.freesvt.free.fr.
4 Cours 2004\Polys2004\Phylogénie moléculaire\Les arbres phylogénétiques, www.bioinfounice.fr, 2005. 
5 Emmanuel J.P. Douzery, Fréderic Delsuc et Hervé Philippe, article « les datations moléculaires à l'heure de la génomique », dans M/S : médecine sciences, vol.22, N°4, 2006, http:/id.erudit.org/derudit/012809. 
6 Voir Émeraude, octobre 2012, article « Les mutations, mécanismes d'évolution ». 
7 Article « les datations moléculaires à l'heure de la génomique ». 
8 Cours 2004\Polys2004\Phylogénie moléculaire\Les arbres phylogénétiques, www.bioinfounice.fr, 2005. 
9 Guillaume Lecointre, article les « phylogénies moléculaires », page « les données de séquence finirent par prendre le dessus », www.cnrs.fr
10 Guillaume Lecointre, article les « phylogénies moléculaires ». 
11 Cours « la phylogénie », www.info.univ-anger.fr .
12 Cours « la phylogénie », www.info.univ-anger.fr
13 Article « les datations moléculaires à l'heure de la génomique ».

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