" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


vendredi 2 novembre 2012

Les hadiths, une source de l'islam controversée...

Rien ne garantit l'infaillibilité du Coran, si ce n'est le Coran. Il n'existe pas dans l'islam une autorité capable de la garantir, encore moins d'assurer sa bonne interprétation. Certes, des spécialistes musulmans (1) (imam, mufti, cheikh, mollah) peuvent répondre à toute sorte de questions sur leur livre sacré mais ce ne sont que des docteurs, des experts et non des gardiens de la foi. Le terme même d'autorité peut paraître inadapté pour les musulmans qui ne connaissent qu'une seule autorité : Allah. Mais, en dépit de son autorité considérable, unique dans l'islam, le Coran n'est pas suffisant pour les musulmans. Il doit en effet être complété par les hadiths. Nous allons dans cet article revenir longuement sur ce sujet, objet de polémiques et de divisions dans l'islam. 

Un hadith désigne à proprement parler une communication orale et par extension un recueil qui reprend l'ensemble des traditions relatives aux actes et aux paroles de Mahomet et de ses compagnons. La plupart des hadiths sont consacrés aux problèmes de la foi, d’autres sont des recommandations qui traitent du comportement personnel dans la vie de tous les jours. Ils reconstituent aussi des faits, considérés comme historiques, qui se seraient produits depuis le jour où Mahomet aurait reçu la révélation jusqu'au jour de sa mort. Les hadiths constituent la sunna (2).


Il existerait à ce jour environ 700 000 hadiths, dont 100 000 authentiques. Les hadiths sont rapportés dans divers recueils dont six sont reconnus par les sunnites, c'est-à-dire environ par 90% des musulmans. 

Selon la tradition musulmane, les hadiths ont été compilés 150 ans après la mort de Mahomet dans le but de sauvegarder et de répertorier ses actes. En revanche, les spécialistes occidentaux, dont Goldziher (3) (1850-1921), émettent de grandes réserves sur leur valeur historique. 

Quelle est la valeur des hadiths ? Il est très difficile de la connaître avec certitude tant les opinions divergent tant chez les pratiquants que chez les spécialistes musulmans. Nous pouvons parler en effet d'opinions en absence d'autorité dans l'islam. 

Que de débats en effet entre les musulmans pour savoir si tel hadith mérite obéissance au même niveau que celle du Coran ? Certes, tous ne mettent jamais en cause l'autorité du Coran. Aucun hadith authentique ne peut contredire un verset du Coran, sauf si ce dernier a été abrogé par le Coran lui-même. En effet, n'oublions pas que dans le Coran, des versets anciens peuvent être abrogés par de plus récents en cas de contradiction. Cela est parfois pratique. Encore faut-il savoir s'il a été abrogé... 

Dans les documents érudits décrivant l'islam, les hadiths sont considérés comme une source importante de la doctrine et des pratiques musulmanes. Leur rôle est même primordial. Selon un témoignage, « le Coran révèle la doctrine fondamentale ; le Hadith apporte les éclaircissements aux points obscurs du Coran et explicite ses décrets » (4). Selon l'éditeur du livre Quarante Hadiths de l'imam Nawawi, un des recueils officiels, « le Coran parole de Dieu révélée à Muhammad et les hadiths enseignements du Prophète sont les deux sources de l'Islam. La connaissance de cette religion ne saurait se passer de ces deux textes.». Ainsi, « les musulmans puisent leur croyances religieuses à deux sources : le Livre (le Coran) et la Sunna, sans marquer de distinction entre les deux car la Sunna forte ou authentique est révélation. ». Ainsi, un hadith authentique doit être accepté, même sans confirmation du Coran. 

Les hadiths apparaissent donc essentiels, y compris pour comprendre le Coran. Par conséquent, le Coran n'est pas suffisant par lui-même. 

Cette opinion n'est pas partagée par tous, notamment par le chiisme, où la place des hadiths est largement secondaire par rapport au Coran. Les chiites considèrent le Coran autosuffisant et seule d'origine divine. En effet, « nous n'avons rien omis d'écrire dans le Livre » (5) (sourate 6, verset 38). 


Et pourtant, Allah semble avoir omis quelques détails dans le Coran. Il donne l'ordre aux musulmans de prier mais sans leur apprendre à prier. Seuls des hadiths précisent, et de manière dispersée, la façon de prier. Faut-il alors attendre le IXème siècle, c'est-à-dire plus d'un siècle après la mort de Mahomet, pour pouvoir effectivement suivre les ordres d'Allah ? On pourrait me répondre que les hadiths ne sont que des retranscriptions écrites d'une tradition orale qu'ont scrupuleusement suivie les musulmans, mais alors se pose la question de la pertinence des hadiths pour un tel sujet. Et cela ne résout pas le problème de l'incomplétude du Coran... 

La détermination de la valeur des hadiths est très complexe et peut dérouter le plus patient des hommes. Quels sont les hadiths authentiques et quels sont ceux qui ne le sont pas ? Car les spécialistes musulmans ont rapidement constaté que d'innombrables hadiths n'étaient pas authentiques. Ainsi, un des grands spécialistes, auteur d'un recueil hadith le plus reconnu, Bukhari, n'a retenu comme authentiques 7397 hadiths sur 600 000, ou encore 2762 en supprimant les répétitions. Le nombre de hadiths non authentiques est donc très considérable. 

Comment s'explique cette prolifération ? Les hadiths pouvaient légitimer des opinions et des mouvements religieux ou soutenir la politique des califes et justifier leurs décisions. Encore aujourd'hui, on soulève des hadiths pour appuyer une opinion religieuse sans cependant vérifier leur authenticité. « La confusion est entretenue par les chefs religieux et les conférenciers qui continuent de s'appuyer sur les hadiths douteux quand ceux-ci vont dans le sens de leur argumentation » (6). Le Coran ne peut pas répondre à tous les besoins... 

Bref, quand nous voyons le nombre incroyable de hadiths, authentiques ou non, nous pouvons comprendre les interrogations des musulmans. Combien cela doit leur être incroyablement difficile de se prononcer sur la validité d'un hadith donné ! Un spécialiste musulman pose la question : « Comment pouvons-nous nous fier à des hadiths qui n'ont aucun support dans le Coran? » (7). Il déclare alors qu'un hadith doit être confirmé par le Coran, contredisant une autre opinion que nous avons énoncée précédemment. Quelle est la vérité ? Qui peut la dire ? Tel est le drame de l'islam et de ses dérives. Il n'y a pas de dogmes mais des opinions. Il n'y a aucune autorité légitime ! 

Nous explorons progressivement l'islam, et dans notre recherche, nous découvrons des incohérences de plus en plus grandes, qui peuvent aussi dérouter les musulmans eux-mêmes. Tout semble simple dans leurs pratiques mais tout est complexe et tortueux dans leurs relations avec leurs textes, sources de la doctrine islamique. La doctrine du Coran incréé les conduit à une impasse. Il est l'autorité suprême mais il est incomplet donc impuissant à satisfaire tous les besoins des musulmans, y compris spirituels. Les hadiths ont été probablement le moyen de combler ses lacunes. Ils répondent aussi à une besoin de codification et de légitimation, devenus nécessaires devant la prolifération incontrôlée des faux hadiths. Mais l'absence d'autorité empêche à l'islam d'avoir une véritable légitimité, capable d'édifier une religion cohérente et vivante ... 


1 Un imam est un musulman qui dirige la prière. Il apporte aussi à ses coreligionnaires ses connaissances et ses conseils. Le calife était le chef de la communauté. En 1924, le califat a été aboli par Mustafa Kemal. Le mufti est un savant musulman habilité à donner des consultations juridiques à partir des traités de droit musulman. Le cheikh est un titre qui indique une grande connaissance scientifiques ou religieuses. Le mollah ou l'ouléma est un érudit musulman. 
2 Nous avons bien de difficultés à distinguer la sunna des hadiths. 
3 Ignaz Goldzihern, éminent spécialiste de l'islam, un des principaux fondateur de l'islamologie moderne. 
Le hadith et la sunna, dans http://islam.faq.free.fr/livres/coranbib/hadith.htm.
5 Qui est ce « nous » ? Est-ce Allah sous sa forme plurielle de majesté ? Ou Mahomet ? Ou encore ceux qui ont écrit le livre ? Dans le Coran, Allah parle en effet à la première personne du pluriel, ou du singulier, ou encore à la troisième personne. Il y manque une certaine unité qui peut surprendre.
Le hadith et la sunna, dans http://islam.faq.free.fr/livres/coranbib/hadith.htm.
7 'Abd-ar-razzaq Naufal cité dans Le hadith et la sunna

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