" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


vendredi 8 décembre 2017

Les bienfaits du monachisme pour la société médiévale

La vie monastique abêtisse-t-elle l’homme ? Érasme et bien d’autres le prétendent. Pourtant, que serait notre brillante civilisation actuelle sans le travail des moines, qui ont œuvré du Ve au XIIe siècle, pour préserver inlassablement les plus œuvres intellectuelles de l’inéluctable oubli ? Quelle serait la Renaissance sans l’enseignement monastique et la formation d’une certaine élite ? Pouvons-nous aussi ignorer leur rôle dans le développement des sciences, du droit et des arts pendant les premiers siècles du Moyen-âge ? La critique n’est pas recevable. Même si elle n’a pas pour fonction d’élever le niveau culturel de l’homme, la vie monastique en soi ne peut être accusée d’abêtissement. Le monachisme et la raison ne sont ni opposés ni opposable. Mais allons encore plus loin. Interrogeons-nous sur la part des moines dans la société et dans notre monde dans d’autres domaines.

Le monastère, centre d’apostolat




Prenons l’exemple des moines irlandais. Le moine Saint Patrick convertit l’Irlande. Cent ans après son arrivée, l’île comprend déjà une centaine de monastères dont Clonard, Glendaloch, Clonenagh, Bangor. De manière foudroyante, le monachisme se répand comme en Orient. Mais au lieu de rechercher la solitude dans le désert, les moines partent au loin, sur l’Océan, là où le vent les conduit. Contrairement aux bénédictins, les moines irlandais ne sont pas attachés à vie à un monastère. Ce sont des missionnaires, ou plutôt « ce n’est pas le moine en tant qu’individu qui est missionnaire mais la communauté monastique en sa totalité. »[1] Ils parcourent l’Europe, implantent des monastères dans une région, plantent des croix jusque dans les îles Féroé, puis rayonnent et convertissent les populations. Ils atteignent la Bretagne actuelle, s’enfoncent en Gaule, traversant la Champagne, allant jusqu’à Bâle ou encore la Toscane. C’est par ces moines Irlandais que la vie chrétienne se réveille de sa tiédeur, voire de son agonie, et conquière de nouvelles terres. En 590, Saint Colomban (540-615) fonde dans un lieu isolé des Vosges le monastère de Luxeuil, promis à un grand avenir, puis les abbayes de Coutances, de Faremoutiers, de Saint-Gall, de Bobbio et bien d’autres encore. Il est de grands missionnaires de l’Europe

Certes, comme les premiers moines orientaux, leur ascèse est excessive, leur discipline rude et terrible. Elles sont à l’image de leur zèle et de leur tempérament. Mais sans leur générosité de feu, auraient-ils pu réveiller une Europe si infidèle? À peine convertis, les Irlandais ont permis aux peuples germaniques d’embrasser la foi…

Mais les moines celtiques ne sont pas les seuls à assumer la tâche d’évangélisation. Les bénédictins deviennent aussi des missionnaires. Saint Grégoire le Grand (590-604) envoie Saint Augustin de Cantorbéry en Angleterre pour convertir les anglo-saxons. Les moines répandent la foi en Scandinavie, en Belgique, en Hongrie, en Bavière, grâce notamment à l’action de Wilfrid, de Willibrod ou encore de Saint Boniface …

Ainsi l’Église poursuit sa mission d’évangélisation en Europe par les moines et les monastères en un temps pourtant troublé tout en réveillant les Chrétiens dont la foi a perdu de la vigueur et de la ferveur.

Le monastère, lieu de résistance

En effet, au VIe siècle, l’Europe n’est guère brillante. Elle est plutôt objet de désolation. Rome est au cœur des rivalités entre les Goths, les Grecs et les Lombards. Depuis un siècle, elle est disputée entre des prétendants. Ce n’est plus qu’une ville moribonde. Elle est aussi triste que l’Italie. Le christianisme est aussi ravagé par l’hérésie, la cupidité, les désordres. Les scandales sont nombreux. Les vices se répandent dans le haut clergé. Un monde semble s’écrouler. Et pourtant, Rome va se ressaisir. Devant l’impuissance des autorités romaines, le Pape Saint Grégoire le Grand mobilise la ville devant le danger des Lombards, rassemblent les troupes, secouent les fonctionnaires. Devant l’armée barbare menaçante, il négocie, il s’impose, il achète la paix. Et sans que le sang n’ait coulé, Rome est sauvée en 593. À partir de cette date, constatant la défaillance des autorités laïques, le Pape finit par se substituer à l’Empire déclinant et impuissant. Mais qui est ce Saint Grégoire qui est suffisamment fort pour sauver Rome ?

Saint Grégoire appartient à une famille de grands fonctionnaires de l’Empire. À trente ans, il est déjà préfet de Rome, maire de la ville. Mais, vers 574, il renonce à sa fonction, quitte le monde, distribue sa fortune aux pauvres. Il devient alors moine dans la maison de ses ancêtres. Lors d’une mission en Orient, il découvre le monachisme oriental, puis de retour, accueillant les moines du Mont-Cassien, détruit par les barbares, il rencontre la vie bénédictine. Saint Grégoire se forme désormais à l’école de Saint Benoît jusqu’au jour où malgré lui, il devient Pape. Tout en étant sur le trône pontifical, assumant toutes ses responsabilités, il continue sa vie de moine autant qu’il peut, priant, jeûnant, s’offrant à Dieu jour et nuit.

Devenu Pape, entouré de moines, Saint Grégoire le Grand prend en main l’Église, remet de l’ordre et s’oppose aux forces de division. Il unifie les bonnes volontés, la mobilise, prend d’heureuses initiatives. Il envoie des missionnaires et rassemble les peuples.

Le monastère, centre d’accueil et de soin

Revenons en ce temps où le monde s’écroule. De grandes abbayes tiennent encore debout, insolentes face aux désordres et à la violence qui s’abattent sur les populations. Ce sont parfois des îles au milieu d’une mer agitée. Mais ce ne sont guère des îles puisqu’elles accueillent ceux qui ont besoin d’assistance ou qui recherchent une protection. N’oublions pas en effet que l’une des missions des monastères demeure l’hospitalité quelle que soit la Règle qui les régit. Saint Pakhôme prévoit déjà un bâtiment pour accueillir les étrangers. Saint Benoît insiste beaucoup sur l’hospitalité que doivent remplir les moines. Ainsi les monastères mettent ainsi un service d’accueil et d’assistance. Le rôle d’hospitalité et d’assistance auprès des pauvres, par exemple dans des endroits dangereux ou hostiles, prend parfois une telle importance que des abbayes se spécialisent avant que des communautés ne soient fondées pour assumer ce rôle, notamment à partir du XIIe siècle. Ainsi des établissements sont fondés dans les cols des Alpes ou dans les zones frontières entre l’Escaut et le Rhône par exemple.  

Le monastère est aussi terre d’asile ou de refuge pour les hommes et les femmes poursuivis par les autorités du moment. Il bénéfice en effet du droit d’inviolabilité. En dépit des efforts d’Henri II et des menaces de représailles, l’abbaye de Pontigny puis celle de Saint-Colombe de Sens accueillent et protègent Saint Thomas Beckett. Pépin le Bref ne peut rien contre les moines de Saint-Denis qui gardent Gascelin.

Les monastères s’occupent aussi des pauvres. Ils font même l’objet d’un cérémonial précis. Ils ont droit à une distribution quotidienne de nourriture. Le monastère distribue aussi chaussures et vêtements. Une bonne partie des ressources est consacrée à leur accueil et à leur prise en charge. Un tiers des revenus de Cluny est ainsi consacré à l’assistance. Des abbés, comme Odilon (994-1049), fait fondre des objets précieux à l’intention des démunis lors d’une période de disette. Vers 1145, alors que la région souffre d’une famine, entre 500 et 700 pauvres sont nourris par l’abbaye de Fleury-sur-Loire, qui vend tout sorte d’objet de valeur pour venir à leur aide. Chaque dimanche, l’abbé de Saint-Denis distribue 2 500 pains puis au XIIe siècle, assiste 600 pauvres de manière journalière. Chaque jour, l’abbé de Montauban réserve à 13 pauvres un repas de moine, Troarn nourrit 7 000 pauvres. Qui se souvient de ce « pain de mai » que les monastères distribuent pour aider les paysans à résister jusqu’à la prochaine récolte ?

Le portier est responsable de l’accueil des pauvres. Il gère normalement le dixième des revenus du monastère, des aumônes et des dons de toute nature, en argent et en nature. Le terme de « porte » est devenu une dénomination classique au Moyen-âge pour désigner un lieu d’accueil pour les hôtes étrangers, les pauvres, les malades et les infirmes. La « porte » résume ainsi toute une série de service au profit des extérieurs du monastère. L’assistance des pauvres et l’accueil de tout étranger, y compris les plus fortunés, font partie de ces services.

Le soin à apporter aux malades est aussi une des tâches du monastère. L’hôpital que fonde L’abbaye de Corbie fonde un hôpital au VIIIe siècle, l'Hôpital de la Porte. À Saint Benoît-sur-Loire, à Saint Gall, à Malmédy, des maladreries sont construites aux portes des monastères. Des monastères peuvent diriger des hospices et des maladreries. Certains disposent de structures de soin comme l’infirmerie. À partir du IXe siècle, avec le développement de l’Ordre de Cluny, les hôpitaux monastiques sont nombreux. Chaque monastère clunisien doit avoir un hôpital dans lequel peuvent travailler des médecins, ces derniers ne faisant pas partie du monastère. La sauvegarde et la transmission des livres médicinaux antiques par les moines, la traduction des œuvres arabes par les cisterciens, et l’expérience médicinale acquise en Orient permettent à la médecine de se développer. À partir du XIe siècle, des abbayes distinguent certaines fonctions concernant les soins des malades. Nous pouvons citer ceux qui sont chargés des saignés ainsi que les infirmiers, les médecins, les physiciens. Puis, à la même époque, apparaît l’Hôtel-Dieu.

Les moines, des agriculteurs, des industriels, des entrepreneurs

Prenons un autre rôle qu’assument les moines de manière parfois involontaire. Prenons l’exemple de l’abbaye de Cluny. En 909, Cluny n’est qu’un lieu désert et sauvage, dans une vallée au creux de laquelle serpentent les méandres d’une rivière, une forêt giboyeuse forte appréciée par les chasseurs. Douze moines s’installent dans ce site sévère. Moins de trente ans après, l’abbaye de Cluny devient le phare du monachisme occidental, à la tête d’un ordre qui rayonnera sur toute l’Europe par son organisation, sa discipline, sa saine administration. Cluny n’est pas le seul exemple. D’autres lieux déshérités se transforment et deviennent des aires fertiles. Les moines défrichent, percent des clairières dans les forêts, assèchent les marécages, installent des élevages et des fermes, frayent des routes, des canaux, construisent des moulins. Selon B. Chauvin, les Cisterciens sont de « véritables entrepreneurs de (re)mise en état de friches, landes et tourbières »[2]. De considérables travaux de grande envergure sont entrepris pour aménager les terres. Au XIIe siècle encore, plusieurs centaines d’hectares sont grignotés sur les espaces forestiers en France.

Quittons la vallée de Cluny pour nous rendre rapidement à Cîteaux. Ce qui n’était que marais est devenu plaine féconde et champ nourricier au profit de toute une région. Comme à Cluny et dans bien d’autres lieux, des déserts sont devenus fertiles. Lorsque nous avons visité cette abbaye, nous avons pu découvrir une belle exposition. Elle expose notamment une maquette montrant les travaux d’irrigation qu’ils ont menés pour répondre aux besoins d’eau. Les Cisterciens ont en effet excellé dans la mise en valeur des terres et dans l’organisation des ressources naturelles. Leurs connaissances dans la gestion de la terre ne peuvent que nous surprendre, nous qui abusons de la nature pour répondre à nos soifs de consommation !

Conformément à la règle de Saint Benoît, le monastère doit être autonome afin ne pas dépendre du monde extérieur et de préserver la solitude des moines. Or comme dans toute collectivité, il est nécessaire de se nourrir, de se loger, de se vêtir, même lorsque le dénuement est prôné et suivi, surtout lorsque la communauté comprend une centaine de personnes. La liturgie, mise en valeur par les Ordres religieux, réclame aussi un fort besoin de produits. L’assistance publique, l’accueil des pauvres, les hôpitaux que nous avons évoqués augmente encore ce besoin. Enfin, le monastère doit fournir des services et diverses contributions financières au Pape, à l’évêque du lieu, aux seigneurs…

Pour répondre à ses nombreux besoins, le monastère doit exploiter son domaine qui parfois peut être considérable. Les biens qu’il détient proviennent de son fondateur et de leurs bienfaiteurs. Des maisons religieuses possèdent ainsi des champs, des forêts, des mines, des marais, parfois dispersés dans le pays. Dès le IXe siècle, certains monastères prennent des dimensions de véritables villes, d’où rayonne une intensité activité économique. Ainsi l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés s’étend sur 33 000 hectares, presque tous situés en Île-de-France, dont la moitié est réservée aux moines. Sur près de 17 000 hectares, vivent 2900 familles, chacune cultivant une manse, héréditaire, d’une superficie moyenne de 6 hectares, en échange d’un loyer. « Sur toute la campagne soumise à sa loi, l’abbaye étend la paix féconde de sa régularité et de son immutabilité. »[3]

Les monastères aménagent leurs terres pour répondre d’abord à leurs besoins. Des marais sont asséchés, des canaux sont creusés. Le canal de l’Anglée est ainsi l’œuvre de l’abbaye de l’Absie-en-Gâtine. Pour avoir du pain, des moulins sont construits sur des rivières dont le cours a été régularisé. Pour avoir du poisson, des étangs sont creusés. Pour les saler, des marins salants sont entretenus. Les salines du Saintonge et d’Aunis ou de Guérande sont leurs œuvres. Pour avoir de l’huile, la culture du noyer se développe. Les crus de Bourgogne, de Bordeaux, de Beaujolais, etc. sont nés de leurs mains.

Les moines sont aussi de bons agriculteurs, parfois innovateurs. Ils sont capables de faire fructifier leurs biens avec talent. La Beauce tient sa richesse à l’abbaye de Morigny par exemple. Les monastères possèdent aussi de grands troupeaux. En Angleterre, en raison de la pauvreté des terres, l’abbaye de Winchester élèvent plus de 20 000 moutons. Il fournit ainsi de la laine pour l’usage du monastère et pour le commerce. Les moines travaillent à améliorer la qualité des races par leur croisement comme ils œuvrent pour se doter de méthodes, de semences et d’outils efficaces. Indirectement, ils ont contribué à encourager et faciliter le commerce. Certains monastères organisent des foires annuelles comme Saint-Germain-des-Près ou hebdomadaires comme Saint-Martin-des-Champs ou Romainmoutier.

Enfin, le monastère a aussi bien des tanneurs, tapissiers, forgerons, orfèvres, fondeurs. Il peut se spécialiser dans la verrerie, dans l’émaillerie ou dans la pisciculture, ou à l’extraction du fer, de l’ardoise, du plomb. Des moines peuvent s’adonner à la construction et à l’entretien des ponts et des routes. Ainsi, par leurs activités, diverses et grandes, certaines abbayes sont riches, ce qui leur permet de tenir un rôle dans l’activité économique du Moyen-âge et de renforcer leur puissance temporelle.

De nouveaux villages, de nouvelles villes

Pour les aider dans leurs œuvres, les moines peuvent faire appel à des laïcs qu’ils installent sur leurs terres. De nombreux villages et villes naissent ainsi de ces regroupements. Et comme les terres récemment défrichées sont souvent exemptes de dîmes, le peuplement est encore plus facilité. Grâce aux immunités et aux privilèges monastiques, les populations sont  protégées contre les impôts, contre l’arbitraire et les exactions des grands. « Il fait bon vivre sous la crosse des abbés » selon un proverbe du Moyen-âge. « Soyons justes, autant étaient maltraités, pillés, spoliés les paysans entourant le château, autant étaient secourus et protégés les paysans entourant le monastère. […] Au lieu d’être bâtonnés, vendus et acheté comme du bétail, dit un écrivain du temps, ils étaient traités comme des hommes ! »[4] Enfin, à l’ombre des monastères, les populations rurales trouvent non seulement de quoi vivre mais surtout la sécurité et les moyens de salut. Cela est surtout vrai pour les enfants. « Pour beaucoup d'enfants le monastère apparaît comme un refuge. Là ils trouvent de quoi se vêtir, se nourrir et ce qui est encore plus important, ils trouvent le moyen de faire leur salut et celui de leur famille. »[5]

Ainsi le monastère est un acteur économique indispensable du Moyen-âge jusqu’au XIIe siècle. Le rôle qu’il joue attire alors de nombreux marchands, une population en quête de travail ou de paix. Des villages puis des villes naissent ainsi. En Poméranie orientale, les monastères ont fondé 1 400 villages et 16 villes. « Comment les moines auraient-ils vécu dans le mystère de la solitude, les splendeurs liturgiques, une retraite studieuse et même dans la haute spiritualité sans le concours du droit et de l'économie ? C'est le concours de ces deux sciences et de ces deux arts qui leur a permis l'isolement, la prière, l'étude et jusqu'aux élans mystiques. »[6]

Conclusion

Le passé nous a légué une belle contradiction qui peut nous faire sourire, d’un sourire paisible. Regardons, dans cette lointaine histoire, ces hommes et ces femmes, nombreux et fervents, qui ont voulu se retirer du monde et renoncer à ses biens, et pourtant, ce sont eux que les gens du monde ont recherchés pour les sauver des désastres qu’a conduit leur folie ! Saint Martin, Saint Augustin, Saint Grégoire le Grand, leurs contemporains sont venus les rechercher quand tout s’écroulait. Regardons aussi ces hommes qui en ont attiré d’autres ou ces monastères autour duquel se sont rassemblés artisans, paysans, familles.

En outre, qui a assumé de hautes responsabilités quand le monde fuyait les siennes ? Étranges, ces moines qui devient évêques, papes, administrateurs, diplomates ! Enfermés derrière une clôture et retirés dans le silence d’une cellule, ils deviennent finalement des hommes d’action. Et lorsqu’ils s’engagent sur cette voie, ils regrettent leur vie monastique et cherchent, autant qu’ils peuvent, la vie contemplative qu’ils ont dû abandonner. Ils se font même violence à eux-mêmes pour accepter leur charge. Pourtant, que d’œuvres sorties de leurs mains, que de ruines relevées, que d’espoirs retrouvés ? Comment de tels hommes ont-ils pu alors remettre de l’ordre, préparer l’avenir, mobiliser les forces  alors qu’ils ont renoncé à vivre dans le monde et selon l’esprit du monde ? Quel paradoxe ! Pourquoi le contemplatif, l’homme du silence, a fini par modeler l’Europe ? Mais justement, qui aurait pu porter de tels fardeaux si ce n’est pas celui qui a tout renoncé ?

Certes, du V au XIe siècle, les monastères n’ont pas toujours brillé. Certains ont commis des erreurs, des moines ont trahi leur vocation, l’esprit du monde a parfois guidé certains abbés. Mais ces fautes ne reflètent qu’une vérité : un arbre sans sève ne donne plus de fruits et finit par périr. Faut-il détruire toutes la forêt parce que certains arbres sont malades ?...





Notes et références
[1] Sophie Hasquenoph, Histoire des ordres monastiques et congrégations religieuses, 2ème Partie, IV, Champ Vallon, 2009.
[2] B. Chavun, Économie cistercienne ou économie des Cisterciens ?, Les Dossiers de l’Archéologie, n°229, déc. 1997-janv. 1998.
[3] Michel Mourre, Histoire vivante des moines des Pères du désert à Cluny, X.
[4] Antony Réal, Histoire philosophiques et anecdotique du bâton, depuis les temps les plus reculs jusqu’à nos jours, BnF, collection ebooks.
[5] Riché Pierre. Éducation et enseignement monastique dans le Haut Moyen Age dans Médiévales, n°13, 1987, Apprendre le Moyen-âge aujourd'hui, pp. 131-141, www.persee.fr.
[6] Le Bras Gabriel, La part du monachisme dans le droit et l'économie du Moyen Âge.

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