" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


vendredi 25 septembre 2015

Le temps d'Einstein (Partie 1)

Dans des articles anciens[1], nous avons étudié de manière simple et rapide une des sciences majeures de notre monde moderne : la physique quantique. En dépit de sa complexité, nous avons voulu aborder cette matière. Il n’est pas en effet judicieux de vouloir parler de la Création sans nous tourner vers la science qui tente de la décrire, voire d’en expliquer l’origine. En outre, certains adversaires de la foi s’appuient sur des conclusions scientifiques pour l’attaquer et remettre en cause le christianisme. Sans avoir de telles intentions, certains de nos contemporains peuvent être troublés par les discours scientifiques au point de refuser de croire ou de perdre une foi déjà fragile. Il est donc important de connaître ce discours. Nous suivons en fait les pas des écrivains apologétiques qui nous ont précédés. L’étude de la science quantique a aussi été riche en enseignement.

Une autre théorie a également émergé au XXe siècle au point de devenir aujourd’hui inévitable : la théorie de la relativité. Elle est souvent évoquée pour décrire l’univers. Comme la physique quantique, certains penseurs l’utilisent pour justifier un discours hostile au christianisme. La relativité ne relève-t-elle que de l’ordre de la science ? N’est-elle pas aussi valable dans l’ordre de la pensée et de la vérité ? Elle a aussi la particularité de traiter la notion du temps. Or cette notion est au coeur de l’évolutionnisme, une idéologie omniprésente et mensongère, si contraire à la foi. C’est pourquoi depuis quelques articles, nous étudions cette notion. Il est donc devenu inévitable d’aborder la théorie de la relativité[2].

Comme dans l’étude de la physique quantique, nous ne chercherons pas à nous encombrer de formules. Nous ne chercherons pas non plus à vulgariser la théorie de la relativité même si un tel danger est parfois difficile à éviter. La vulgarisation est en effet dangereuse car à force de simplifier des théories pour être comprises, nous finissons par les adapter au regard de l’opinion ou à une philosophie particulière au point de colporter, voire confirmer, des préjugés. Or, parfois, la science nous fait modifier notre façon de penser. Il faut aussi prendre le recul nécessaire pour mieux juger les principes et les interprétations d’une théorie. Or pour cela, il faut parfois être précis et approfondir des notions que l’effort de vulgarisation ne permet pas. Notre objectif est donc de présenter la théorie de la relativité de manière compréhensible et suffisamment précise pour pouvoir porter un jugement juste sur les discours qui l’évoquent.

Comme dans la physique quantique, nous traiterons de ses principes et de ses conclusions sans oublier les interprétations dont ils ont fait l’objet et le contexte dans lequel la théorie de la relativité s’est développée. Ainsi, nous demeurons hors du domaine scientifique, même si nous devons parfois nous y aventurer. Nous n’avons d’ailleurs aucune prétention scientifique. Nous laisserons en effet la parole aux hommes compétents.

Ce premier article traite du commencement, c’est-à-dire du contexte qui précède la naissance des théories de la relativité.
Retour au XIXe siècle

Le XIXe siècle est un siècle extraordinaire, notamment au niveau scientifique. C’est avant tout le siècle de l’électricité. Coulomb (1736-1806), Ampère (1775-1836) et Faraday (1791-1867) ont marqué ce siècle. Bien d’autres encore les sont suivis, chacun ayant apporté sa pierre à un édifice extraordinaire. Le XIXe siècle est aussi le siècle de l’électromagnétisme avec Maxwell (1831-1879) et ses quatre équations étonnantes. Nous oublions souvent que ces hommes ont contribué à forger le monde tel que nous le connaissons actuellement, un monde d’où émerge notre modernité.  

La révolution de Maxwell

Revenons sur James Clerk Maxwell. Le scientifique reprend toutes les découvertes de ses prédécesseurs et leurs résultats expérimentaux afin de les intégrer dans un modèle unique. Pour cela, il s’appuie sur un modèle préexistant, celui de la mécanique. Il conçoit les champs électriques et magnétiques comme un ensemble d’engrenages et de roues extrêmement complexe. Par ce mécanisme, il relie les phénomènes électriques et magnétiques. En agitant une charge électrique, on crée un champ électrique variable qui à son tour crée un champ magnétique variable qui lui-même produit un champ électrique variable, etc. Ainsi se propagent de manière continue les champs électriques et magnétiques. C’est ce que nous appelons l’électromagnétisme. Maxwell élabore quatre lois sous forme d’équations pour traduire les relations entre les champs électriques et magnétiques. Elles donneront naissance à de nombreuses inventions (moteurs, magnétophones, appareils électroménagers, téléphones, radios, etc.).



Certes, son modèle mécanique s’est vite révélé erroné et naïf. Il est depuis longtemps oublié. En manipulant ses équations, Maxwell va surtout faire une grande découverte, celle qui est la base d’une véritable révolution scientifique. Il s’aperçoit en effet que son modèle ressemble fort à la description mathématique du son. Or le son se propage sous forme d’onde. Il en déduit alors que la perturbation électromagnétique se propage aussi sous forme d’onde. Il découvre aussi que la vitesse de l’onde se rapproche de celle de la lumière. Il finit par conclure que la lumière se propage sous la forme d’onde traversant le champ électromagnétique selon les lois qu’il a définies. Il met en pièce la théorie corpusculaire de la lumière[3].

La fin de Newton ?

Rappelons que jusqu’à Maxwell, le monde scientifique travaillait selon les lois définies par Newton.  Le succès du modèle de Newton est très surprenant puisqu’en son temps, elles n’ont été guère acceptées. Fondamentalement, elles sont difficilement croyables. En effet, elles impliquent des actions à distance. Comment des objets peuvent-ils interagir sans aucun contact physique ? Cela ressemble fort à de la magie. La loi gravitationnelle semblait peu crédible pour la communauté scientifique Comment la Terre pouvait-elle agir instantanément sur un objet ? Quand nous songeons à l’aspect philosophique de la théorie de Newton, c’est-à-dire à l’essence même de son modèle, nous ne pouvons en effet qu’être perplexes. Mais la théorie de Newton a été si féconde qu’elle s’est imposée en dépit des critiques. 



Le modèle électromagnétique s'oppose à cette idée d’actions à distance. Les changements se transmettraient désormais sous forme d’ondes. En outre, au contraire de Marwell, Newton considère la lumière comme des corpuscules. Ainsi à la fin du XIXe siècle, la physique dispose de deux grandes théories, la mécanique et l’électromagnétisme, qui sur plusieurs points se contredisent. La lumière, est-elle corpusculaire ou ondulaire ? Les phénomènes agissent-ils de manière continue ou discontinue ?

Étrangeté de l’électromagnétisme

Auréolées de ses succès et de ses applications pratiques, les lois électromagnétiques se sont imposées à la communauté scientifique. Le modèle dans lequel elles étaient définies a aussi rapidement été oublié. Tout en les utilisant, les scientifiques ont vite abandonné l’idée d’un fondement mécanique aux phénomènes électromagnétiques. Les lois de Marwell sont en fait devenues des principes à partir desquelles s’est développée la science moderne. Le même phénomène s’est produit avec la physique de Newton. Ses lois ont été abondamment utilisées alors que leurs fondements ont été vite oubliés. Leurs succès les ont validées au point qu’elles sont devenues des vérités allant de soi jusqu’au jour où la science vient ébranler nos certitudes




Cependant, dès le départ, les lois de Marwell ont posé une réelle difficulté aux scientifiques. Si les phénomènes électromagnétiques se propagent en effet sous forme d’onde, il faut bien un milieu qui porte et transmet ces ondes. Sans air, il n'y point de son ; sans étendue d'eau, point d'onde. Il faut nécessairement un médium qui transmet la propagation de l'onde. Nous retrouvons la fameuse idée de l’éther. Les lois de Marwell imposent donc l’existence de l’éther sans lequel les ondes électromagnétiques ne pourraient se propager. Or s’il existait, il comporterait des caractéristiques étranges. L’éther se comporterait en effet comme un milieu subtil qui remplirait tout l’espace et pourtant se comporterait comme s’il était absent. Des expériences sont montées pour le détecter mais en vain, elles échouent toutes.

Les lois de Maxwell posent aussi d’autres problèmes aux scientifiques. Elles s’opposent en effet à la théorie de la relativité définie par Galilée, le fondement même de la physique …

La théorie de la relativité de Galilée


Galilée (1564-1642)
Contrairement à ce que nous pensons naïvement, la notion de relativité n’est pas nouvelle. Elle a été formellement définie par Galilée u XVIIe siècle. Elle traduit ce que nous voyons dans notre vie quotidienne.

Depuis Galilée en effet, nous ne pouvons pas parler de mouvement sans référentiel, c’est-à-dire sans définir le point de vue à partir duquel nous observons un mouvement. Une personne assise dans un train est immobile par rapport au conducteur du train alors qu’elle file à des centaines de kilomètres à l’heure pour un observateur immobile sur le quai de la gare regardant passer le train. De même, ancrés sur la Terre, nous pouvons dire que l’univers tourne autour de la Terre alors que si nous sommes dans l’espace, nous observerons une autre réalité. Ce sont deux observations d’un même phénomène mais vu selon deux points de vue ou encore deux référentiels différents. La description d’un mouvement, c’est-à-dire son observation, dépend du référentiel dans lequel on l’observe. Tout mouvement est donc relatif. 

Définissons deux termes importants. Un mouvement est dit uniforme rectiligne lorsque sa vitesse est constante et sa trajectoire est une ligne droite. Un référentiel peut être en mouvement par rapport à un autre. deux référentiels sont dit inertiels s'ils sont en mouvement uniforme rectiligne l'un par rapport à l'autre.

Dans un de ses ouvrages, Galilée prend l’exemple de poissons nageant dans un bocal. Si le bateau est à l’arrêt ou en mouvement uniforme, le mouvement du poisson reste identique pour un observateur sur le bateau. En un mot, les référentiels inertiels sont équivalents. Les descriptions d'un mouvement sont identiques dans les deux référentiels.

En outre, l’observateur ne perçoit pas le mouvement du bateau en regardant seulement le poisson. Le mouvement d’un référentiel inertiel n’est pas détectable par lui-même. Prenons un autre exemple. Asseyons-nous dans un train. A côté de nous, par la fenêtre, nous voyons un autre train. Quand ce second train démarre, nous avons l’impression que c’est nous qui bougeons. Mais dès qu’il disparaît, nous laissant seuls sur la voie, nous découvrons vite notre erreur. Le paysage fixe nous confirme en effet notre immobilité.



Dans son expérience virtuelle, Galilée ne décrit pas simplement le mouvement d’un poisson dans un bocal. Il décrit aussi une bouteille d’eau qui se vide goutte par goutte dans un grand récipient en dessous d’elle. De même que nous ne voyons aucune différence dans le mouvement du poisson dans son bocal, nous ne percevrons pas de différences dans le mouvement de ce goutte-à-goutte si le bateau est à l’arrêt ou en mouvement uniforme. Cela revient à dire que l’accélération est identique dans les deux référentiels, ou dit autrement les lois de la dynamique sont les mêmes dans un référentiel fixe ou en mouvement uniforme.

Selon Galilée, le mouvement est donc observé de la même manière dans un référentiel inertiel, c’est-à-dire en mouvement uniforme ou immobile. Aucune expérience interne au référentiel ne permet de déterminer si son mouvement est uniforme ou inexistant.

Les « transformations de Galilée »

Galilée confirme l’expérience par une démonstration mathématique. Il établit notamment une relation mathématique qui associe les descriptions d’un même mouvement observé dans deux référentiels inertiels. Elles sont appelées «  transformations de Galilée ». Les positions d’un objet, c’est-à-dire ses coordonnées dans l'espace, dans un référentiel peuvent alors se déduire de sa position dans un autre référentiel inertiel. Ainsi nous arrivons à concilier des observations d’un même mouvement mais selon des référentiels ou points de vue différents. Nous pouvons donc passer d’un référentiel à un autre sans difficulté.
Coordonnées X, Y, Z d'un point pour déterminer une position dans un référentiel


En soi, le mouvement demeure absolu. Il est vrai au sens où l’objet se déplace de la même façon quel que soit le point de vue de l’observateur. Son mouvement comme sa cause ne dépendent pas de l’observateur[5]. Dans la physique, les lois de Newton restent aussi identiques quelques soient les référentiels inertiels. Elles ne dépendent pas de l’observation. Effectivement, les lois de Newton ne changent pas lorsque nous leur appliquons les « transformations de Galilée ».

Les lois de Maxwell en danger

Or stupéfaits, les scientifiques découvrent que les équations de Maxwell changent si nous les soumettons aux « transformées de Galilée ». En effet, après transformation, les formules donnent des termes nouveaux qui viennent compliquer les équations. En outre, ces termes nouveaux décrivent d’étranges phénomènes que les expériences ne confirment pas. 

Si des phénomènes nouveaux apparaissent lorsque nous changeons de référentiel inertiel, nous en déduisons rapidement que l’observateur serait capable par lui-même d’identifier s’il est au repos ou en mouvement uniforme. En regardant le mouvement du poisson rouge, nous pourrions savoir si le bateau est à l’arrêt ou en mouvement uniforme. Nous sommes donc en contradiction avec la loi de relativité de Galilée. C’est pourquoi cette découverte bouleverse la communauté scientifique. Soit les lois de Maxwell sont fausses, soit la transformée de Galilée est fausse.

Lorentz au secours des lois de Maxwell

Mais si les équations de Maxwell sont fausses, comment pouvons-nous expliquer leur succès ? Les «  transformées de Galilée » seraient-elles fausses ? Lorentz (1853-1928) s’attaque au problème. Il parvient alors à corriger les « transformées de Galilée » afin que les lois de Maxwell respectent le principe de relativité. Ces équations seront appelées « transformation de Lorentz ». Elles ont l’avantage de conserver la structure de Maxwell tout en préservant les lois de Newton. Des expériences confirmeront aussi leur véracité.

L’erreur de Galilée est même justifiée. En effet, les « transformations de Lorentz » se réduisent à celles de Galilée pour des mouvements dont la vitesse est beaucoup plus basse que celle de la lumière. En un mot, les « transformées de Lorentz » prennent en compte tous les mouvements, y compris ceux qui ne sont pas discernables à l’œil alors que les « transformées de Galilée » ne sont vraies que pour des cas particuliers, conformes à nos observations quotidiennes. Les « transformées de Galilée » ne sont finalement que des approximations suffisantes pour notre expérience quotidienne quand les « transformations de Lorentz »  sont plus générales.

La communauté scientifique est alors soulagée. Elle se félicite même de ce progrès incontestable. Elle a amélioré sa connaissance du monde et peut poursuivre ses progrès.

Les transformées de Lorentz
c étant la vitesse de la lumière,.
x, y, z, t les coordonnées et le temps dans un référentiel R .
s', y', z', t',les coordonnées et le temps dans un référentiel ' inertiel par rapport à R .

Mais les « transformées de Lorentz » sèment à leur tour la panique

La  joie des physiciens est de courte durée. La découverte de Lorentz provoque à son tour une vive inquiétude dans la communauté scientifique. Si nous appliquons en effet les « transformées de Lorentz » à un mouvement à un temps donné, nous obtenons des valeurs de temps différents pour le même mouvement dans un autre référentiel inertiel. Le temps fait aussi l’objet d’une transformation ! En un mot, deux événements perçus comme simultanés dans un même référentiel cessent de l’être si nous les observons dans un autre référentiel ! Le principe de simultanéité n’est plus respecté. Le temps absolu de Newton n’existe plus !

Pire encore. Nous arrivons à des conséquences en apparence stupide. En manipulant les équations, Lorentz puis d’autres, comme Poincaré, découvrent que les dimensions d’un corps et le temps varient en fonction du mouvement du référentiel. En se déplaçant, les corps se rétrécissent et le temps passe plus lentement. Toujours avec « les transformées de Lorentz », Poincaré en vient à démontrer l’invariance de la vitesse de la lumière. Ils arrivent vite à une conclusion : les « transformées de Lorentz » ou le principe de simultanéité sont faux. Cependant, ils ne cessent pas leurs recherches. Des solutions très complexes sont élaborées pour concilier les théories. Mais la communauté scientifique est de nouveau en émoi.

Au début du XXe siècle, la physique se débat ainsi dans de profondes contradictions. L’édifice que les scientifiques ont édifié depuis plus de trois siècles se fissure dangereusement. Il finit par s’écrouler en 1905.

Une solution bouleversante

En 1905, trente-et-une page d’un article scientifique, intitulé Sur l’électrodynamique des corps en mouvement, apportent aux savants une réponse aussi extraordinaire qu’inattendue à leurs difficultés. L’auteur est un inconnu : Einstein (1879-1955). En quelques pages retentissantes, il leur dévoile une nouvelle théorie : la théorie de la relativité restreinte

Sa solution est en effet révolutionnaire. Il remet en cause la physique de Newton et plus particulièrement sa notion du temps[6]. Mais elle a l’immense avantage de réunir la mécanique classique et l’électromagnétisme dans une seule théorie dans un cas particulier (mouvement référentiel). Plus tard, de manière plus ambitieuse et plus approfondie, Einstein élaborera la théorie de la relativité générale qui fonde une nouvelle physique dans tous les cas. La communauté scientifique est abasourdie. Toute la tradition scientifique est balayée.

Einstein, un scientifique insolite ?

Qui était Albert Einstein avant son article ? Après un premier échec, Einstein intègre l’École polytechnique fédérale de Zurich, où enseignent de grands scientifiques comme Heinrich Weber, Adolf Hurwitz et Hermann Minkowski. Autrefois considéré comme solitaire et introverti, il s’y montre épanoui, assistant avec enthousiasme aux cours de physique. Mais rapidement, il se fait remarquer par son arrogance et son orgueil. Son professeur lui dira : « vous êtes intelligent, jeune homme, mais vous avez un défaut : vous ne laissez personne vous faire la moindre remarque. Pas la moindre. »[7] Son attitude finit par lui mettre à dos tout le corps professoral. Toute son enfance est en effet marquée par un refus du système scolaire. Avant son intégration à Polytechnique, les rapports qu’il a eus avec ses professeurs ont toujours été houleux. Pourtant, il n’était guère un cancre. Au contraire. Il n’a cessé de confirmer de bonnes dispositions en mathématiques et en physiques. Mais son attitude lui fermera une carrière académique classique

Peu soucieux des traditions, voire des conventions sociales, Einstein se montre un esprit indépendant et particulier convaincu de son intelligence. Il ne supporte pas notamment l’esprit qui règne dans les lycées allemands, tous empreints d’autoritarisme. C’est pourquoi il réussit à fuir l’Allemagne. Pour fuir aussi les obligations de service militaire, il prend la nationalité suisse. Il haït sans-doute l’esprit militaire. « Si quelqu’un peut prendre plaisir à marcher en rang aux sons d’une musique, cela suffit pour que je le méprise ; c’est par erreur qu’il reçu un cerveau, puisque sa moelle épinière lui suffirait amplement. »[8] Durant la première guerre mondiale, il se consacrera uniquement à ses travaux. Fondamentalement pacifiste, il prendra néanmoins conscience que face à la montée du nazisme, il sera nécessaire de prendre les armes. C’est sans-doute grâce à son intervention que les Américains réussiront à inventer la bombe atomique avant les Allemands.

Sa vie privée est aussi hors norme. Mileva Maric est son premier véritable amour. Scientifique et chercheur comme lui, elle donne naissance une fille de manière quasi-clandestine, hors mariage. Contre l’avis de ses parents, il l’épouse. L’avenir donnera raison à sa mère. Cette idylle se finira en tragédie. Plus tard, il divorcera pour se marier avec sa maîtresse. Einstein n’est pas non plus un véritable père comme nous l’entendons. Selon ses biographes, de manière générale, il méprise les sentiments naturels qu’il qualifie de primitifs.

A la sortie de l’école polytechnique de Zurich, contrairement à la carrière classique d’un élève, Einstein ne trouve aucun poste d’enseignement et de recherche. Il accusera ses maîtres d’en être responsables. « Ces gens-là considèrent instinctivement tout jeune intelligent comme une menace à leur dignité momifiée. » [9] Après divers petits métiers, en 1902, il trouve un poste au Bureau fédéral de la propriété intellectuelle de Berne grâce à un de ses camarades d’étude. S’il n’est guère prestigieux, son poste lui assure toutefois salaire et loisir, deux conditions indispensables pour mener des études scientifiques en toute liberté. Son emploi lui donne aussi l’opportunité de découvrir les nouvelles inventions et de revenir à un passe-temps de sa jeunesse, les machines électriques.

Le père d’Einstein, Hermann, était un des premiers entrepreneurs en approvisionnement d’électricité d’Allemagne. Avec son frère Jacob, il a fondé en 1885 une compagnie d’ingénierie électrique. Jacob en était le responsable technique quand Hermann en était plutôt le responsable des activités commerciale jugés insolubles par les techniciens.

Lorsqu’en 1905, il publie son article, Einstein est un scientifique en marge du système. Ses écrits sont pourtant révolutionnaires. Il publie quatre articles. Ils traitent de la nature quantique de la lumière, du mouvement brownien, de l’équivalence entre la masse et l’énergie puis de sa théorie de relativité. Contrairement à la tradition, dans ce dernier article, Einstein ne se réfère à aucun scientifique de son temps. Le message est clair : il ne leur doit rien.



Ainsi le XIXe siècle est souvent décrit comme le siècle de la modernité. Pendant des années, les scientifiques ont fait de bouleversants progrès dans le domaine de la connaissance, progrès qui ont aussi conduit à l’amélioration de la vie. Mais au fur et à mesure des progrès, le fondement de la science s’est aussi dangereusement fragilisé. Les découvertes successives ont apporté son lot de surprises, de joies et de déconvenues. Les désillusions se sont succédées. Les certitudes se sont effritées. Les évidences se sont envolées. Quand s’achève le XIXe siècle, la physique de Newton vacille. Le nouveau siècle bouleversera les esprits. Scientifique hors norme, Einstein est un des auteurs de la révolution qui s’annonce. Pour comprendre la théorie de relativité et ses conséquences, il est important de prendre en compte ce contexte particulier.





Notes et références
[1]
 Voir Émeraude, février, mars et avril 2014
[2] Ou plutôt les théories de la relativité puisqu’elle comprend une théorie restreinte et une théorie générale.
[3] Voir Émeraude, article Qu'est-ce que la lumière ?, janvir 2014.
[5] Nous excluons le domaine quantique où l’observation intervient dans ce qu’il observe. La physique quantique est exclue de notre raisonnement.
[6] Voir Émeraude, article Le temps de Newton, mars 2015.
[7] Cité dans Einstein et la Relativité, L’espace est une question de temps, collection Grandes idées de la science, présentée par Etienne Klein, 2014.
[8] Einstein, cité dans Einstein, la joie de la pensée, François Balibar, Découvertes Gallimard, 1993.
[9] Cité dans Einstein et la Relativité, L’espace est une question de temps.

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