" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


mardi 25 octobre 2022

Sainte Marie, Mère de Dieu, "Theotokos"

Vers la fin de l’année 428, dans la magnifique église de Sainte-Sophie, les fidèles entendent prêcher un prêtre d’Antioche en présence du patriarche de Constantinople. Ils sont surpris de ses paroles qui les bouleversent. Ils se tournent alors vers leur patriarche et le pressent d’intervenir pour le désapprouver. Mais celui-ci le laisse poursuivre et comme le ton monte et que les chrétiens s’agitent, il leur promet une réponse pour Noël. Le jour venu, contre toute attente, il défend la doctrine du prêtre, et à son tour, il se met à prêcher le même discours, provoquant une véritable colère populaire. Puis, un jour, un rhéteur appelé Eusèbe finit par interrompre sa prédication et fort de l’appui populaire, il affiche sa contestation sur les portes de Sainte-Sophie. C’est ainsi que commence une histoire malheureuse qui provoquera la naissance d’une nouvelle hérésie, appelée nestorianisme du nom de son fondateur, Nestorius, patriarche de Constantinople.

L’affaire qui a secoué l’Église et l’a divise encore, où se mêlent des questions religieuses et politiques, est instructive pour notre étude sur le culte et la doctrine mariale. Bien que Sainte Marie ne soit pas directement au centre de cette crise, l’affaire illustre et explique son rôle et son importance en tant que Mère de Dieu. C’est pourquoi nous allons nous y attarder sans néanmoins la décrire sous tous ses aspects …

La remise en cause du titre de « Theotokos »

Que se passe-t-il dans la cité impériale pour provoquer tant de remous ? Dans sa prédication, le prêtre d’Antioche, Anastase, s’en prend aux chrétiens qui utilisent une expression pour vénérer Sainte Marie, celle de «Theotokos », que nous traduisons communément par « mère de Dieu », expression qu’il juge erronée et qui pourtant est très chère à la population.

Dans son explication, Nestorius réfute aussi le titre de « Theotokos », acceptant plutôt celui de « Theotokos », « celle qui a reçu de Dieu ». Son explication est simple. Écoutons-là : « Plusieurs d’entre vous souhaitent apprendre de moi-même s’il faut donner à la Vierge Marie le titre de Mère de Dieu ou celui de Mère de l’homme. Qu’ils écoutent ma réponse : dire que le Verbe divin, seconde personne de la Sainte Trinité, a une mère, n’est-ce pas justifier la folie des païens qui donnent des mères à leurs dieux ? Dieu, pur esprit, ne peut avoir été engendré par une femme ; la créature n’a pu engendrer le créateur. Non, Marie n’a point engendré Dieu par qui est venue la rédemption des hommes ; elle a enfanté l’homme dans lequel le Verbe s’est incarné, car le Verbe a pris chair dans un homme mortel ; lui-même n’est pas mort, il a ressuscité celui dans lequel Jésus s’est incarné. Jésus est cependant un Dieu pour moi car il renferme Dieu. J’adore le vase en raison de son contenu, le vêtement en raison de ce qu’il recouvre ; j’adore ce qui m’apparaît extérieurement, à cause du Dieu caché que je n’en sépare pas. »[1]

L’ancienneté du titre « Theotokos »

Papyrus du manuscrit grec
de la prière
‘sub tuum praesidium
’.

Pourtant, et c’est une des leçons que nous devons retenir, le titre de « Theotokos » est très antique. Contrairement à certains discours que nous pouvons entendre, il ne date pas du Ve siècle ou du concile d’Éphèse (431), qui le défend plutôt et le proclame solennellement. Nous pouvons déjà la trouver dans l’antienne mariale grecque Sub tuum praesidium, la plus ancienne que nous connaissons, et qui remonterait au IIIe siècle[2]. L’expression serait encore plus ancienne puisque Origène (v. 185- v.253) l’aurait utilisée comme nous l’apprend l’historien chrétien Socrate (380-450) : « Origène lui-même, dans le premier tome de ses commentaires sur l’Épître de l’Apôtre aux Romains, explique comment elle est appelée Mère de Dieu et examine cela largement. »[3]

D’autres sources plus sûres nous apprennent aussi qu’au IVe siècle, il était déjà en usage. Dans sa lutte contre l’arianisme, Saint Alexandre d’Alexandrie (v. 250-326) puis Saint Athanase (v.296-373) défendent dans leurs écrits le titre de « Theotokos » qu’ils attribuent à Sainte Marie. Nous pouvons alors penser que Sainte Marie était déjà vénérée sous ce titre avant le IVe siècle. D’autres Pères de l’Église l’ont aussi employée au point que Julien l’Apostat (v. 331-363) remarquait que « les chrétiens ne cessent pas d’appeler Marie Theotokos. »[4]

Finalement, comme l’affirme déjà au IVe siècle Sainte Grégoire de Nazianze (329-390), « si quelqu’un pense que Sainte Marie n’est pas Mère de Dieu, il est en-dehors de la divinité »[5]. Il écrit sans-doute contre Apollinaire (v.310-v.390), évêque de Laodicée et condamné pour hérésie. Ce dernier s’est approprié du titre et l’a interprété d’une manière à défendre sa doctrine erronée, nous montrant indirectement par là son usage ancien. Finalement, Jean, patriarche d’Antioche (429-442), peut naturellement affirmer à Nestorius que ce mot a été « composé, écrit, prononcé par de nombreux pères. »

Compte tenu de l’ancienneté du l’usage du titre de « Theotokos », nous pouvons comprendre l’agitation populaire quand le patriarche de Constantinople le remet en cause. Il attaque une dévotion ancienne, ancrée dans la piété chrétienne

Alors qu’Apollinaire utilise le titre de « Theotokos » comme argument pour défendre et justifier des idées condamnées, Nestorius le refuse en raison même de sa doctrine. Les deux hérésiarques sont en fait confrontés au même problème, celui du mystère de l’unité de Notre Seigneur Jésus-Christ ou tout simplement du mystère de l’Incarnation.

Le Verbe fait chair selon Apollinaire d’Antioche

Commençons par Apollinaire. Celui-ci veut défendre l’unité de Notre Seigneur Jésus-Christ, non au plan de la personne, mais au plan de la nature. Par sa nature, l’homme est composé d’un corps et d’une âme, cette dernière étant principe d’activité. De même, dans le Christ, il n’y a qu’un seul principe d’activité, le Verbe. Or, celui-ci ne peut être l’unique principe s’il y a déjà dans le Christ une âme raisonnable. Apollinaire en déduit alors que le Verbe lui-même est l’âme de la chair pour s’unir à elle en un seul être concret, une seule nature, « le même étant tout entier Dieu et tout entier homme ». Notre Seigneur Jésus-Christ est donc un, grâce à l’union naturelle du Verbe éternel et de la chair. « En enfantant la chair, c’est le Verbe que la Vierge enfanta depuis le début, et elle était mère de Dieu. »[6]

Or, selon son argumentation, ceux qui admettent les deux natures en Notre Seigneur Jésus-Christ, ils n’ont pas d’autre choix que d’affirmer deux fils, Fils de Dieu pour celui qui est descendu du ciel, et fils de l’homme pour celui qui est né de Sainte Marie. Par conséquent, il n’est plus possible pour eux d’affirmer que Sainte Marie est Mère de Dieu, ce qui est contraire à l’usage courant et à la piété populaire

La doctrine d’Apollinaire n’est guère satisfaisante puisqu’elle compromet le mystère de la Rédemption. En effet, en niant l’âme humaine de Notre Seigneur Jésus-Christ, il remet en cause le salut même de l’homme. Car « cela seul est sauvé qui est assumé »[7]. C’est justement parce qu’Il a sur lui toute notre humanité qu’Il peut la sauver et la diviniser. « Ce n’est pas le corps seul, mais l’âme aussi qui a été sauvée dans le Verbe »[8], nous rappelle Saint Athanase. Enfin, Apollinaire nie une réalité, celle de la nature humaine du Christ. « C’est méconnaître tout le réalisme concret de l’Évangile, oublier tout ce qu’il nous révèle de l’âme sainte, et du cœur humain de Jésus. »[9] Dans la Sainte Écriture, le terme « chair » désigne l’homme tout entier, corps et âme.

Soulignons, et c’est un fait permanent dans l’histoire de l’Église, les deux mystères que sont ceux de l’Incarnation et de la Rédemption sont intimement liés. La compromission de l’un conduit à celle de l’autre.

D’où vient alors l’erreur d’Apollinaire ? Il confond en fait deux concepts, celui de la nature et celui de la personne. Cherchant l’unité de personne, il en vient à vouloir l’unité de nature.

Les dangers d’une unité mal comprise

Nombreux sont ceux qui s’insurgent contre les erreurs d’Apollinaire et sa négation de l’âme du Christ, notamment Théodore (v. 350-428), évêque de Mopsueste en Cilicie. Celui-ci défend fermement la nature humaine de Notre Seigneur Jésus-Christ et la distingue nettement de sa nature divine. Mais à force de les distinguer et de les séparer, on risque de diviser et de séparer Notre Seigneur Jésus-Christ. À force aussi de souligner la réalité de sa nature humaine, on finit par la considérer comme une personne, revenant ainsi encore à une confusion entre les concepts de nature et de personne.

Si Théodore défend l’unité de Notre Seigneur Jésus-Christ, évitant toute confusion de nature et toute division de personne, il éprouve des difficultés pour l’expliquer, laissant entendre qu’elles se sont unies pour donner finalement le Christ, c’est-à-dire que celui-ci n’est pas identiquement l’unique Fils de Dieu. Il parle en effet de « conjonction ». « Unique est le Fils, à cause de la conjonction exacte des deux natures opérées par la volonté divine »[10]. C’est pourquoi Mopsueste refuse de dire clairement que Marie est Mère de Dieu : « quand on nous demande si Marie est mère d’un homme ou mère de Dieu, disons que pour nous, elle est l’une et l’autre, l’une par la nature des choses, l’autre par relation. Mère d’un homme, elle l’est pas nature, puisque c’est un homme qui en est sorti ; mère d’un Dieu, elle l’est, puisque Dieu était dans l’homme qu’elle a enfanté… »[11] Finalement, son discours reste clair : « c’est une folie de dire que Dieu est né d’une vierge… ce qui est né de Marie, c’est l’homme. »[12] Prêtre d’Antioche, Nestorius ne fait que finalement reprendre la doctrine de son maître poussée à l’extrême

Notre Seigneur Jésus-Christ, la conjonction de deux natures selon Nestorius

De quelle unité parle en effet Nestorius à propos de Notre Seigneur Jésus-Christ ? « Nous appelons Dieu le Christ selon la chair, à cause de la conjonction qu’il a avec le Dieu Verbe, mais nous savons que ce qui apparaît est un homme […] Gardons donc sans les confondre la conjonction des deux natures, confessons Dieu dans l’homme, vénérons l’homme adoré avec le Dieu tout puissant à cause de la divine conjonction. »[13] Est-ce une union purement psychologique ?

Comme Apollinaire, Nestorius confond nature et personne. Puisqu’il distingue les natures en Notre Seigneur Jésus-Christ, nature humaine et nature divine, il en vient à distinguer en Lui les personnes, personne humaine et personne divine, deux sujets autonomes. Quand il entend que Marie est mère de Dieu ou que Dieu a souffert, il comprend que Marie est la mère de la divinité ou que la nature divine a subi la passion et la mort, ce qui peut évidemment ne pas accepter.

Pour expliquer l’unité de Notre Seigneur Jésus-Christ, Nestorius utilise le terme de « prosopion ». Il parle de « la distinction des natures, quant à l’humanité et à la divinité, et leur conjonction en un seul prosopion »[14]. Le « prosopion » ne serait-il en fait que le terme et le résultat de la conjonction des deux natures et de l’union de deux natures existant d’abord séparément ? Distinguant si nettement le réalisme des deux natures, Nestorius ne parviens pas à les ramener une seule personne clairement conçue, mettant ainsi en péril l’unité du Christ. Il en vient alors à d’habiles distinctions, à des « exercices d’équilibre »[15], à des subtilités qui dépassent et heurtent le sentiment chrétien, qui ne veut point séparer dans le Christ l’homme et le Dieu, que traduit finalement le titre de « Theotokos ». Notre Seigneur Jésus-Christ est Notre Seigneur et Notre Dieu tout simplement. Mais si ce n’est pas Dieu qui a souffert pour nous sur la Croix, comment cette même Croix peut-elle nous sauver ?...

Il est dangereux de se heurter au sentiment du peuple chrétien. Par ses discours et ses affirmations malencontreuses, Nestorius déclenche un véritable scandale qui provoque des troubles et des agitations. Les incidents se multiplient. Un tract finit par accuser le patriarche Nestorius d’hérésie…

Le Verbe fait chair

Devant Nestorius, Proclus, évêque de Cyzaque, lui rappelle le mystère de l’Incarnation et exalte les grandeurs de Marie, « la sainte Mère de Dieu » : « Dieu a habité du sein de la Vierge […] Dieu est né d’une femme […] Le Christ n’est pas devenu Dieu au terme d’un progrès, mais il s’est fait homme, par miséricorde, comme nous le croyons. Nous ne prêchons pas un homme divinisé, mais un Dieu fait chair. »[16]

Saint Cyrille, évêque d’Alexandrie, précise l’expression « le Verbe fait chair » qu’utilise Saint Jean dans son premier chapitre de son évangile, c’est-à-dire son humanité complète, douée d’une âme raisonnable. « De même que le Verbe de Dieu le Père est parfait quant à la divinité, ainsi est-il parfait quant à l’humanité : il n’a pas pris un corps sans âme, mais bien un corps animé d’une âme raisonnable. » L’incarnation n’implique ni changement ni confusion dans le Verbe ou dans chacune des deux natures. Plus fidèle à la tradition, Saint Cyrille d’Alexandrie refuse toute explication qui semble compromettre cette union « ineffable et inexprimable ». En Notre Seigneur Jésus-Christ, il n’y a qu’une seule Personne, celle du Verbe qui s’est fait chair. « Nous n’appelons pas Christ séparément le Verbe de Dieu, ni séparément aussi un autre Christ né de la femme, mais nous ne connaissons qu’un seul Christ, le Verbe du Dieu Père avec sa propre chair. »[17] S’il est alors le même que le Verbe de Dieu, en hypostase, Sainte Marie, mère de Notre Seigneur Jésus-Christ, est alors mère du Verbe et mère de Dieu, Theotokos.

Dans une précédente lettre, Saint Cyrille est encore plus clair pour justifier le titre de « Theotokos » que les chrétiens attribuent à Sainte Marie. « Ce n’est pas un homme ordinaire qui a d’abord été engendré de la sainte Vierge et sur lequel ensuite le Verbe serait descendu, mais c’est pour avoir été uni à son humanité dès le sein même qu’il est dit avoir subi la génération charnelle, en tant qu’il s’est approprié la génération de sa propre chair […]. C’est ainsi que [les saints Pères] se sont enhardis à nommer la sainte Vierge Mère de Dieu, non que la nature du Verbe ou sa divinité ait reçu le début de son existence à partir de la Sainte Vierge, mais parce qu’a été engendré d’elle son saint corps auquel le Verbe s’est uni selon l’hypostase et pour cette raison est dit avoir été engendré selon la chair. »[18]

La maternité divine défendue et enseignée par l’Église

En 431, le concile d’Éphèse condamne finalement la doctrine de Nestorius, défendant le titre de « Theotokos » que les chrétiens attribuent à Sainte Marie.

En 451, le concile de Chalcédoine définit clairement le symbole de foi que nous devons professer : « nous enseignons tous unanimement que nous confessons un seul et même Fils, Notre Seigneur Jésus-Christ, le même parfait en divinité, et le même parfait en humanité, le même vraiment Dieu et vraiment homme, [composé] d’une âme raisonnable et d’un corps, consubstantiel au Père selon la divinité, et même consubstantiel à nous selon l’humanité, en tout semblable à nous hors le péché, avant les siècles engendré du Père selon la divinité, et aux derniers jours le même (engendré) pour nous et notre salut de la Vierge Marie, Mère de Dieu selon l’humanité. »[19]

En 680-681, Le IIIe concile de Constantinople répète cette profession de foi tout en la renforçant en précisant que la Sainte Vierge « est de plein droit et véritablement Mère de Dieu, selon l’humanité »[20].

Sainte Marie a vraiment enfanté et, par conséquent, elle est véritablement Mère comme toutes les autres mères le sont par suite de la conception et de l’enfantement, et elle a, au sens propre, enfanté Dieu, le Verbe ou la seconde Personne de la Trinité et non une nature humaine sans subsistance et pas davantage une nature humaine subsistant en elle-même. Sainte Marie n’a pas en effet enfanté une nature abstraite mais bien une Personne concrète, Notre Seigneur Jésus-Christ. Elle n’est pas la cause de l’union de cette divine Personne avec la nature humaine, mais l’humanité formée d’elle et non pas du néant fut, dès le premier moment de son existence, unie au Verbe, et le Verbe, en tant que possesseur de la nature humaine, est né d’elle. « Dieu est né d’elle, non pas comme si la divinité du Verbe avait pris d’elle le principe de son Être, mais parce que Dieu, le Verbe même, qui, en dehors du temps et avant tout le temps, est né du Père et qui existe sans commencement et éternellement, ainsi que le Père et le Saint-Esprit, a, dans les derniers jours, à cause de notre salut, séjournée dans son sein et, sans changer, a pris chair en elle et est né. Car ce n’est pas simplement un Homme qu’enfanta la Sainte Vierge, mais un Dieu véritable, non pas un Dieu sans chair, mais le Dieu devenu chair. »[21]

Conclusions

Bien avant le IIIe siècle, les chrétiens vénéraient Sainte Marie sous le titre de Mère de Dieu. La crise que déclenche Nestorius en rejetant cette dévotion bien ancrée dans l’âme du peuple chrétien ne résulte pas d’une querelle de mots, d’une piété qu’il juge mal éclairée ou encore d’un affrontement de forte personnalité. Elle est due à une erreur sur le mystère de l’Incarnation de Notre Seigneur Jésus-Christ et par conséquent sur celui de la Rédemption. Elle touche donc le cœur de la doctrine chrétienne. « C’est bien de l’incarnation qu’il s’agit en fait […]. La vraie piété envers Marie suppose en effet une théologie de l’incarnation. »[22] De nos jours, si des chrétiens refusent de nouveau ce titre ou le gardent uniquement par respect tout en le vidant de son véritable sens, ils révèlent indubitablement des erreurs dans le mystère de l’Incarnation…

Pour répondre aux erreurs de Nestorius, le concile d’Éphèse a justifié le fondement théologique de la dévotion chrétienne à la « Theotokos », fondement qui réside dans le mystère du Verbe incarné. Les Pères du concile n’ont donc pas craint de l’appeler « Mère de Dieu » et ont enseigné explicitement la maternité divinité de Sainte Marie en sa liaison avec le mystère de l’union hypostatique. Comme le rappelle encore le pape Pie XI [23], le dogme de la maternité divine de la Sainte Vierge est une conséquence nécessaire du dogme de l’Incarnation tel qu’il a été défini par l’Église. « Toute cette dispute sur la foi n’a été engagée que parce que nous étions fermement convaincu que la Sainte Vierge est Mère de Dieu. »[24]

Croyons-nous alors que la maternité divine n’est pas sans conséquence pour Sainte Marie ? Par cette maternité, elle a acquis une telle dignité et contracté des relations si intimes avec le Verbe fait chair, comme avec la divinité d’une manière générale, qu’on doit faire dériver de cette maternité tous ses privilèges de grâce et d’honneur. « Tout ce que Marie est, elle l’est par son Fils ; tout ce qu’elle a reçu, elle l’a reçu à cause de son Fils. C’est pourquoi « Mère de Dieu » est son titre d’honneur dogmatique le plus élevé, un titre auquel nulle autre créature ne peut atteindre. »[25]



Notes et références

[1] Marie, Mère de Dieu, Christian-Philippe Chanut, revu Tu es Petrus, n°31, 1993, calves.org, 9 février 2022.

[2] L’antienne a été retrouvée sur un papyrus égyptien, découvert en 1917. Il repose à l’université de Manchester. « Sous la protection de ta miséricorde, nous nous réfugions, ô Mère de Dieu ». Voir L’antienne mariale grecque la plus ancienne, P. F. Mercenier.

[3] Socrate, Histoire ecclésiastique, VII, 32, PG 67, 812 A.

[4] Voir Contre Julien, Saint Cyrille d’Alexandrie, I, 9.

[5] Saint Cyrille de Nazianze, Épitre 101, 16, Sources chrétiennes, 208.

[6] Apollinaire, De fide et incarnatione, 6.

[7] Saint Grégoire de Nazianze, Épître 107.

[8] Saint Athanase dans Les conciles d’Éphèse et de Chalcédoine 431 et 451, P.-TH. Camelot.

[9] P.-TH. Camelot, Les conciles d’Éphèse et de Chalcédoine 431 et 451, Introduction, Tome II de l’Histoire des conciles œcuméniques, publiée sous la direction e Gervais Dumeige, s.j., 1962.

[10] Théodore de Mopsueste, Homélie catéchétique, m, 10.

[11] Théodore de Mopsueste, De I’Incarnation, XV.

[12] Théodore de Mopsueste, Contre Apollinaire.

[13] Nestorius dans Socrate, Histoire ecclésiastique, VIII, 29, 32.

[14] Nestorius, deuxième lettre à Saint Cyrille d’Alexandrie dans Les conciles d’Éphèse et de Chalcédoine 431 et 451, P.-TH. Camelot.

[15] Aman, Dictionnaire de théologie catholique, 11, 1, Paris, 1903.

[16] Proclus, PG65, 680.

[17] Saint Cyrille d’Alexandrie, Troisième lettre de Cyrille à Nestorius, novembre 430, PG 77,105-112, dans Les conciles d’Éphèse et de Chalcédoine 431 et 451, P.-Th. Camelot, texte III.

[18] Saint Cyrille d’Alexandrie, Deuxième lettre de Cyrille à Nestorius, 22 juin 431, lue au concile d’Éphèse (431), et approuvé par lui, Denzinger 251.

[19] Concile de Chalcédoine, Profession de foi de Chalcédoine, 5ème session, 22 octobre 451, Denzinger 301.

[20] IIIe concile de Constantinople, 18e session, 16 septembre 681, Denzinger 555.

[21] Saint Jean Chrysostome, De la foi orthodoxe, III, 12.

[22] P.-TH. Camelot, Les conciles d’Éphèse et de Chalcédoine 431 et 451, chapitre II.

[23] Voir encyclique Lux veritatis, Pie XI, 25 décembre 1931.

[24] Saint Cyrille, PG 77, 172-181.

[25] Mgr Bernard Bartmann, Précis de théologie dogmatique, Tome I, Appendice, §110, 5ème édition, éditions Salvator, 1944.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire