" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


lundi 31 décembre 2018

Saint Pierre, chef des apôtres


La Sainte Écriture est d’une grande clarté pour celui qui veut bien L’entendre. Il ne s’agit pas de l’interpréter selon notre bon plaisir ou selon ce que nous voulons qu’elle nous dise. Nos interprétations n’ont pas pour but de confirmer ce que nous voulons croire ou de nous rassurer dans nos opinions. Il s’agit avant tout d’être docile à sa lumière, à la vérité. Il est si facile de l’interpréter selon nos désirs ou selon des doctrines auxquelles nous avons adhéré plus ou moins consciemment. C’est ainsi que certains commentateurs défendent leurs erreurs en se confortant sur la Saint Écriture ou plutôt sur une certaine interprétation. Le défenseur de la foi doit alors dévoiler leur forfaiture et montrer que leur regard sur les textes sacrés est biaisé. Mais des critiques plus subtiles peuvent alors nous reprocher le manque d’objectivité de nos interprétations. Nous ferions comme nos adversaires, usant des mêmes artifices, plus ou moins volontairement. Qui peut garantir que deux mille ans après avoir prononcé des paroles et les avoir retranscrites, nous soyons encore capables de les entendre ? L’attaque est redoutable. Il faut donc revenir au premier temps pour confirmer ce que nous croyons fermement.

La primauté de Saint Pierre est évidente pour celui qui veut entendre les Évangiles. Elles suffiraient à répondre à tous ceux qui veulent la remettre en cause. Alors pour ceux qui en doutent, allons au-delà des paroles. Revenons en ces premières années où les apôtres doivent bâtir l’Église.

Quelques décisions et faits significatifs témoignant l’autorité de Saint Pierre

Après l’Ascension de Notre Seigneur Jésus-Christ, les apôtres sont réunis dans le cénacle. Puis, Saint Pierre se lève et raconte l’histoire de Judas. Il propose de le remplacer par un « de ceux qui se sont unis à nous pendant tout le temps où le Seigneur Jésus a vécu parmi nous, à commencer du baptême de Jean, jusqu’au jour où il a été enlevé d’au milieu de nous. » (Act. Ap., I, 21) Saint Pierre est à l’origine de l’élection de Saint Matthias.

Au jour de la Pentecôte, se présentant avec les onze apôtres, Saint Pierre élève sa voix et parle aux hommes de Judée. C’est le premier à parler ouvertement et de manière publique. Il leur prêche longuement. « Et par beaucoup d’autres discours encore, il rendrait témoignage, et il les exhortait […] Ceux donc qui reçurent sa parole furent baptisés » (Actes des Apôtres, II, 40-41). C’est encore le premier à confirmer ses paroles par des miracles. Nous apprenons aussi qu’après ces discours et des miracles, le Grand Conseil arrête Saint Pierre et Saint Jean. 



À ces juges, Saint Pierre parle avec autorité. Plus tard, le roi Hérode l’emprisonne, « voyant que cela plaisait aux Juifs » (Act. Ap., XII, 3). Hérode a en effet compris la place que tient Saint Pierre chez les chrétiens. Alors qu’il a tué Saint Jacques, dit le Majeur, il ne le tue pas encore. Il est bien trop important.

La jeune communauté des fidèles connaît rapidement ses premières trahisons. Ananie et Saphire vendent un champ et fraudent sur son prix. Ils en apportent une partie aux apôtres. Saint Pierre dévoile à Ananie son mensonge et son vol. « Tu n’as pas menti aux hommes, mais à Dieu. » (Act. Ap., V, 4) La sanction est immédiate. « Or, entendant ces paroles, Ananie tomba et expira » (Act. Ap., V, 5) Quand Saphire ment à son tour à Saint Pierre, ignorant ce qui s’est passé, elle connaît le même sort. Dès que Saint Pierre a fini de parler, elle succombe, rejoignant son mari. C’est encore Saint Pierre qui confond Simon le Magicien.

Alors que l’effort des apôtres est concentré sur les Juifs, Saint Pierre convertit les premiers païens après en avoir reçu une vision. Un ange a aussi demandé à Corneille d’appeler Saint Pierre. « En vérité, je vois que Dieu ne fait point acception des personnes ; mais qu’en toute nation celui qui le craint et pratique la justice, lui est agréable. » (Act. Ap., X, 35) Et voyant le Saint-Esprit descendre sur eux, « il ordonna qu’ils fussent baptisés au nom du Seigneur Jésus-Christ. » (Act. Ap., X, 48) Devant son acte, les autres apôtres sont surpris. « Pourquoi es-tu entré chez des hommes incirconcis, et as-tu mangé avec eux ? » (Act. Ap., X, 3) Saint Pierre raconte les événements. « Ils se turent, et glorifièrent Dieu. » (Act. Ap., XI, 18)

Plus tard, une dispute sur les Gentils divise les chrétiens à Antioche. Certains fidèles veulent leur imposer la loi de Moïse alors que d’autres trouvent ce joug inutile. « Les apôtres et les prêtres s’assemblèrent donc pour examiner cette question. Mais après une grande discussion, Pierre, se levant […] » (Act. Ap., XV, 7). Saint Pierre est le premier à prononcer un discours qui défend la conversion des Gentils et professe la doctrine du salut. « C’est par la grâce du Seigneur Jésus-Christ que nous croyons être sauvés, comme eux aussi. » (Act. Ap., XV, 11) Saint Jacques confirme les paroles de Saint Pierre. La cause est donc entendue.

Ces faits montrent que Saint Pierre a exercé une autorité particulière dans l’Église. Quand les apôtres se réunissent pour prendre une décision, ou quand il faut parler aux apôtres après des discussions, c’est lui qui se lève et parle. Il prend aussi des décisions fondamentales. Il sanctionne des fidèles. Il parle devant des autorités. Personne ne conteste son autorité. Certes, les apôtres aussi prêchent, guérissent et décident comme nous le voyons dans les Actes des Apôtres, mais Saint Luc les mentionne sans les distinguer. Saint Pierre est le seul qui est nommément mentionné. Il y a bien Saint Pierre et les autres.

L'incident d'Antioche : Saint Paul réprimande Saint Pierre

Après sa conversion, Saül se rend à Jérusalem « pour voir Pierre », et il demeure avec lui quinze jours. (Galates, I, 18) Cette volonté de le rencontrer nous montre encore la place qu’il occupe dans l'Église. Pourtant, dans la même épître, Saint Paul revient longuement sur son attitude à l’égard de Saint Pierre, dont son comportement est jugé « repréhensible » (Galates, II, 11), à Antioche. Remarquons que certains commentateurs s’appuient sur ce récit pour nier la place de Saint Pierre dans l’Église.

Revenons donc sur ce récit[1]. Nous l'avons déjà évoqué pour traiter d’un autre sujet. Saint Pierre et Saint Paul mangent avec des Gentils convertis. Or, la loi juive interdit cette mixité afin que les fidèles ne contractent pas des impuretés au contact des Gentils. Quand des envoyés de Saint Jacques se présentent, Saint Pierre se sépare de ses compagnons, « craignant ceux qui étaient incirconcis »(Galates, II, 12). Certains suivent son attitude. Alors « quand je vis qu’ils ne marchaient pas droit selon la vérité de l’Évangile, je dis à Cephas devant tous : si toi, Juif tu vis à la manière des gentils, et non en juif, comment forces-tu les gentils à judaïser ? » (Galates, II, 14)

L’incident d’Antioche ne révèle pas un conflit d’autorité. Elle ne remet pas non plus en cause l’enseignement de Saint Pierre qui s’est nettement déclaré sur le sujet lors du concile de Jérusalem. En fait, Saint Pierre n’a pas d’autres intentions que d’éviter de scandaliser les chrétiens circoncis de Jérusalem, c’est-à-dire ceux envoyés par Saint Jacques, particulièrement soucieux des observances de la Loi, pratiques que les apôtres n’ont pas proscrites. Seuls sont dispensés à les suivre les Gentils convertis. C’est donc par condescendance envers les Juifs convertis et pour éviter un scandale qu’il quitte la table des incirconcis. Nous voyons ainsi manifester ce qui peut être considéré comme un geste de prudence de la part d’un chef. Mais en fait, ce geste est dangereux. Il semble faire croire à une dualité entre les Juifs et les Gentils convertis, compromettant ainsi l’avenir de l’Église. Le problème que soulève cet incident n’est donc pas doctrinal. 

Pouvons-nous cependant en conclure à une remise en cause de l’autorité de Saint Pierre ? Selon Saint Augustin, cet incident le confirme au contraire. Saint Paul ne serait pas intervenu de cette façon si Saint Pierre n’était pas le chef de l’Église. Toute son attitude est une confirmation de la préséance de Saint Pierre. Pour Saint Augustin, c'est un « exemple plus saint et plus rare que celui de Saint Paul, qui veut que nous osions résister à de plus grands que nous pour la défense de la vérité évangélique, sans jamais blesser cependant la charité fraternelle »[2]. Saint Paul nous éclaire également  sur l’importance de la charité qui doit dépasser le simple respect humain. Il montre enfin les problèmes concrets que soulève l'apostolat.

Saint Pierre ne dirige pas l’Église comme les maîtres de ce monde. Il est un Pasteur soucieux de ses brebis. Par son attitude, il peut se tromper, croyant bien faire. En dépit de ses privilèges, il demeure en effet un homme. Il ne dispose pas non plus d’une autorité absolue. Fort de son zèle et de ses activités apostoliques, Saint Paul est plus clairvoyant que Saint Pierre.

Mais faut-il alors voir, comme l’ont fait des adversaires de l’infaillibilité pontificale, Saint Pierre comme le chef des Juifs convertis et Saint Paul celui des Gentils convertis, égaux en termes d’autorité même doctrinale, remettant ainsi en cause l’unique autorité de Saint Pierre ? Certes, les activités apostoliques ont été réparties pour plus d’efficacité et pour répondre à Notre Seigneur Jésus-Christ mais cela n’implique pas une dualité dans l’autorité comme nous l’avons montré dans un précédent article[3].

Remarquons que Saint Pierre ne s’offusque pas des remarques de Saint Paul. Le chef de l’Église n’est pas un despote, cherchant à imposer une autorité absolue. Il y a en effet place à certaines autorités. Saint Jean et Saint Jacques le Majeur en sont aussi d’autres exemples. Comme le demande Notre Seigneur Jésus-Christ, Saint Pierre ne dirige pas l’Église comme les puissances d’ici-bas.

Conclusion




Notre Seigneur Jésus-Christ investit Saint Pierre comme chef de son Église. Telle est la conclusion évidente que nous tirons des Évangiles. Dans les premières années, alors que l’Église prend naissance, Saint Pierre assure en effet nettement une fonction de chef, même si d’autres apôtres assument des fonctions particulières, y compris doctrinales, comme Saint Paul. Il exerce une véritable autorité conformément aux paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ. Son attitude et ses décisions manifestent bien qu’il est le premier des apôtres. Dans l’Église, Saint Pierre n’exerce pas uniquement une primauté d’honneur. Il exerce une primauté de juridiction qu’il a reçue directement et personnellement de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il a été choisi et a vécu comme son vicaire sur terre…



Notes et références

[1] Voir Émeraude, mai 2015, article « Christianisme : la vocation des nations, l'universalité du salut ». L’incident d’Antioche est étudié pour montrer que le christianisme n’est pas le résultat d’une dualité entre les Juifs et les Gentils, les premiers représentés par Saint Pierre, les seconds par Saint Paul.
[2] Saint Augustin, Lettre à Saint Jérôme, LXXXII, 22, Œuvres complètes de Saint Augustin, sous la direction de M. Poujoulat et de M. l'abbé Raulx, Bar-le-Duc, 1864-1872, www.abbaye-saint-benoit-ch.
[3] Voir Émeraude, mai 2015, article « Christianisme : la vocation des nations, l'universalité du salut ». 

1 commentaire:

  1. Manifestations de la primauté de Pierre : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2016/02/03/les-manifestations-de-la-primaute-de-saint-pierre-dans-le-nouveau-testament/

    Sur l'affaire d'Antioche : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2016/03/05/lincident-dantioche-saint-paul-etait-il-superieur-a-saint-pierre/

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