" La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau de verre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquer la faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le vérifier ? "(Saint Irénée, Contre les hérésies)


lundi 9 juin 2025

Les dérives dangereuses de la théologie de la libération

Que faire devant la misère humaine ? La question n’est pas sans importance pour le chrétien, qui, animé des exigences de la charité, ne peut rester indifférente à la réalité qui l’entoure. L’Église, non plus, ne peut demeurer insensible au monde dans lequel elle évolue. Toute son histoire illustre les efforts qu’elle a menés pour soutenir la croix qui pèse sur les hommes et les femmes. Elle n’a pas manqué de générosité, d’imagination et d’investissement pour apporter aux faibles, aux démunis, aux malades ce dont ils avaient besoin. Nombre d’œuvres témoignent encore la foi vive qui porte l’Église vers la misère humaine sous toutes ses formes.

Pourtant, en Amérique Latine, dans les années 60 et 70, l’Église a fait l’objet de vives critiques pour son attitude à l’égard de la pauvreté. De bons penseurs, évêques, théologiens et experts de toute sorte, lui reprochent non seulement de ne pas faire assez pour ce combat mais de concevoir les pauvres comme objets de charité au lieu de les rendre acteurs de leur propre histoire. Et comme dans d’autres matières, ils lui demandent de rompre avec sa doctrine traditionnelle afin d’agir en faveur de la libération intégrale de l’homme par lui-même. Tout un courant de pensée, connu sous le nom de théologie de la libération [1], draine ces critiques et, par ses réseaux et son dynamisme, parvient à influencer de nombreuses autorités ecclésiastiques, y compris au sein de deuxième concile de Vatican. En 1968, prenant pour appui ce concile, la conférence de Medellin [2] apparaît comme son heure de victoire, une nouvelle Pentecôte, à partir de laquelle naît une nouvelle forme d’Église.

Mais, à partir de la fin des années 70, elle provoque la réaction des évêques et de Rome, jusqu’ici plutôt favorables pour ce mouvement. Dès l’arrivée du pape Jean-Paul II (1978-2005), la théologie de la libération est en effet remise en cause au point qu’en 1982, la congrégation pour la doctrine de la foi finit par la condamner dans l’instruction Libertatis nuntius [3] Revenons sur ce texte qui définit les dérives théologiques d’un courant de pensée dangereux pour la foi et le christianisme…

Un temps de forte aspiration à la justice et de profond sentiment de frustration

L’instruction constate « la puissante et quasi irrésistible aspiration des peuples à une libération »(I, 1), « à la justice et à la reconnaissance effective de la dignité de chaque être humaine (II, 1). Or cette dignité est opprimée par différentes manières et méprisée par de nombreux scandales : profonde misère de nombreuses populations en un temps pourtant prodigieux de progrès de la science et de la technique, inégalités croissantes entre riches et pauvres, entre les états et les couches sociales d’un même pays, opposition entre abondance et gaspillage pour les uns, et indigence et privations pour les autres, gigantesque course d’armement aussi menaçante que coûteuse. Ces populations demeurent aussi traumatisées et blessées par le souvenir de méfaits d’un certain colonialisme. Cette situation génère un sentiment de frustration auprès des peuples du tiers-monde contre les pays industrialisés et anciennement colonisateurs.

L’Église n’est pas insensible à la misère de son temps. L’instruction rappelle les nombreuses interventions du Magistère de l’Église, depuis Paul VI, « pour répondre au défi lancé à notre époque par l’oppression et la faim » dans le but de réveiller les « consciences chrétiennes au sens de la justice, de la responsabilité sociale et de la solidarité avec les pauvres et les opprimés »(V, 1). De même, il ne peut être oublié « la somme immense de labeur désintéressé dépensé par des chrétiens […] qui s’efforcent d’apporter aide et soulagement aux innombrables détresses qui sont les fruits de la misère. »(VI, 1)

Objectif de l’instruction : alerter sur des dérives théologiques

Cependant, comme le répète à plusieurs reprises l’instruction, ce zèle et cette compassion, qui doivent être ceux de tout pasteur, « risquent d’être dévoyés et détournés vers des entreprises plus ruineuses pour l’homme et sa dignité que la misère que l’on combat si l’on ne se montre pas suffisamment attentif à certaines tentations. »(VI,1) L’instruction précise alors les deux tentations qui peuvent conduire à des « erreurs mortelles », celle de suspendre l’évangélisation pour répondre à l’urgence du partage du pain ou de réduire l’évangélisation à une lutte purement terrestre. En outre, de « nombreux mouvements politiques et sociaux se donnent comme les porte-paroles authentiques de l’aspiration des pauvres, et comme habilités, fût-ce par le recours aux moyens violents, à opérer les changements radicaux qui mettront fin à l’oppression et à la misère du peuple. » (II, 2)

L’instruction prévient que cette « mise en garde » ne doit pas être mal interprétée. Elle n’est pas une remise en cause de l’aide indispensable que des chrétiens apportent aux démunis « dans un authentique esprit évangélique à l’option préférentielle pour les pauvres »(avant-propos), ni un encouragement ou un appui à tous ceux qui demeurent « indifférents ou neutres devant les problèmes tragiques et pressants de la misère et de la justice. » L’Église continue à condamner « les abus, les injustices et les atteintes à la liberté, où que ce soit et quels qu’en soient les auteurs », mais ce n’est pas le but de l’instruction. Celle-ci a pour raison d‘être de signaler des dérives théologiques qui « aboutissent inéluctablement à trahir la cause des pauvres. »(avant-propos)

C’est pourquoi l’instruction s’applique, à la lumière de l’Évangile, à étudier le sens de l’aspiration des peuples à la justice et discerner les expressions, théoriques et pratiques, qui sont données de cette aspiration. Elle vise en fait rapidement à l’expression « théologie de la libération », qu’elle définit comme « une préoccupation privilégiée, génératrice d'engagement pour la justice, portée aux pauvres et aux victimes de l'oppression. »(III, 3) Mais, de cette approche, elle distingue « plusieurs manières, souvent inconciliables, de concevoir la signification chrétienne de la pauvreté et le type d’engagement pour la justice qu’elle requiert. »(III, 3)

Un faux combat

L’avant-propos de l’instruction rappelle les principes fondamentaux de ce qu’entend l’Église par « libération de l’homme », principes que la théologie de la libération ne respecte pas. C’est pourquoi il est indispensable de la lire avec attention.

L’instruction affirme dès le départ ce que l’Église entend par « libération de l’homme ». Celle-ci est « d’abord et principalement libération de la servitude radicale de péché. »(avant-propos) Le péché est, selon la définition de l’Église, « un manquement à l’amour véritable, envers Dieu et envers le prochain » ou encore plus précisément et concrètement « la désobéissance volontaire à la loi de Dieu » [4].

Par le péché, l’homme se détourne de Dieu au point que, s’il est grave, il perd la vie surnaturelle de l’âme qui lui a été donnée par la grâce divine. Séparée de Dieu, son âme est dans un état de mort spirituel. C’est pourquoi le péché est dit mortel. S’il est plus léger, l’âme est affaiblie et abîmée. Le deuxième effet du péché est l’obligation de subir une peine selon l’acte commis. Le pécheur se met dans un état d’injustice et de colère. Alors que Dieu lui a promis son bonheur éternel, l’homme se met, par sa faute, dans un état de déchéance, se rendant esclave du péché.

Nous comprenons alors tous les efforts que l’Église mène pour éviter à l’homme de tomber dans le péché et dans sa servitude, et en cas de chute, pour le libérer de son état de pécheur afin qu’il retrouve la voie que son maître et fondateur lui a ouvert au prix de son sang. Ainsi, « son but et son terme est la liberté des enfants de Dieu. »(avant-propos)

Ainsi, l’instruction rappelle que la liberté pour un chrétien consiste en « la vie nouvelle de grâce, fruit de la justification »(IV, 2) ou qui se caractérise par « la vie dans l’Esprit ». Pour vivre libre, Notre Seigneur Jésus-Christ « nous a libérés du péché et de la servitude de la loi et de la chair, qui est la marque de la condition de l’homme pécheur. »(IV, 2)

Erreur de priorité…

Ce n’est qu’ensuite, l’Église peut se préoccuper de libérer les hommes « de multiples servitudes d’ordre culturel, économique, social et politique, qui dérivent toutes, en définitive, du péché, et qui, constituent autant d’obstacles empêchant les hommes de vivre conformément à leur dignité. »(avant-propos) Le péché introduit un désordre dans l’homme et cause en lui bien des maux. Le péché du premier homme, appelé « péché originel »[5] d’une gravité encore plus élevée, a introduit la mort dans le monde, expulsant l’humanité du bonheur qui lui était promise. Le mal qu’il connaît dérive non seulement de ce péché d’Adam mais aussi du péché actuel des hommes.

Ainsi, dès son introduction, l’instruction rappelle l’ordre de ses priorités quand nous devons étudier la libération de l’homme. « Discerner clairement ce qui est fondamental et ce qui appartient aux conséquences est aussi une condition indispensable d’une réflexion théologique sur la libération. »(avant-propos) Elle condamne donc tous ceux qui mettent au premier plan et de manière unilatérale « la libération des servitudes d’ordre terrestre et temporel, de telle sorte qu’ils semblent faire passer au second plan la libération du péché, et par-là ne plus lui attribuer pratiquement l’importance première qui est la sienne. »(avant-propos)

Une mauvaise cible

L’instruction précise que le premier effet du péché est « d’introduire le désordre dans la relation entre l’homme et Dieu ». Ainsi, « seule une juste doctrine du péché permet d’insister sur la gravité des effets sociaux. »(IV, 12) Il est donc faux de restreindre le champ du péché à ce qu’on appelle le « péché social ».

Il est alors faux de considérer les structures économiques, sociales ou politiques comme la cause principale et unique du mal et donc de remédier à ce mal ou de créer un « homme nouveau » par l’instauration de nouvelles structures. Certes, il faut avoir le courage de changer des structures iniques et génératrices d’iniquités, mais, « fruit de l’action de l’homme, les structures, bonnes ou mauvaises, sont des conséquences avant d’être des causes» (IV, 15). Car « la racine du mal réside donc dans les personnes libres et responsables, qui doivent être converties par la grâce de Jésus-Christ, pour vivre et agir en créatures nouvelles, dans l’amour du prochain, la recherche efficace de la justice, de la maîtrise de soi et de l’exercice des vertus. »(IV, 15)

Si le premier impératif est de révolutionner radicalement les rapports sociaux et de critiquer la recherche de la perfection personnelle, dont le principe demeure la charité, cela revient à ne plus distinguer « le caractère absolu de la distinction du bien et du mal »(IV, 15), et par conséquent à ruiner les fondements de l’éthique.

Fausse interprétation de la Sainte Écriture

L’instruction justifie la légitimité de l’expression « théologie de la libération » quand elle désigne « une réflexion théologique centrée sur le thème biblique de la libération et de la liberté et sur l’urgence de ses incidences pratiques »(III, 4) tout en ajoutant que « la signification de cette rencontre ne peut être correctement comprise qu’à la lumière de la spécificité du message de la Révélation, authentiquement interprété par le Magistère de l’Église. »(III,4)

L’instruction précise donc l’interprétation correcte des textes bibliques qu’utilisent les « théologies de la libération », principalement l’Exode. Si effectivement Dieu a libéré les Hébreux de la domination des Égyptiens, « cette libération est ordonnée à la fonction du peuple de Dieu et au culte de l’Alliance célébré au Mon Sinaï. »(IV, 3) Elle ne peut donc être réduite à « une libération de nature principalement et exclusivement politique. »(IV, 3) Cet événement annonce aussi une autre libération, une libération définitive que Dieu a promis à son peuple. De même, dans les psaumes, c’est de Dieu seul qu’est attendu le salut et le remède de toute misère et détresse, et non de l’homme. Et comme en témoigne encore le récit de l’exode, Dieu ne cesse d’intervenir pour soutenir son peuple.

Les livres prophétiques insistent sur le devoir de pratiquer la justice à l’égard des hommes pour demeurer fidèle à Dieu. C’est pourquoi Amos fulmine contre les riches qui oppriment les pauvres et les puissants qui commettent des iniquités.

Le Nouveau Testament reprend ses exigences tout en les élevant et en les approfondissant, ou encore en les perfectionnant. Car il n’y a pas de limite pour la charité. L’’instruction note que Notre Seigneur Jésus-Christ ne réclame pas un changement de conditions politiques et sociales. L’affranchissement qu’Il apporte est offert aux hommes libres comme aux esclaves. Saint Paul souligne dans ses épîtres les exigences de la charité fraternelle et de la miséricorde. Il nous révèle encore davantage que « le péché est le mal le plus profond » et que « la première libération, référence de tous les autres, est celle du péché. »(IV, 12)

Emprunts à l’idéologie marxiste incompatibles avec la foi

L’instruction se plaint de l’usage dans la théologie de la libération d’instruments de pensée d’inspiration idéologique, c’est-à-dire marxiste, incompatible avec la foi chrétienne et avec les exigences éthiques qui en découlent, dans le but de connaître les causes exactes des servitudes.

L’instruction définit en quoi le marxisme est incompatible avec la conception chrétienne de l’homme et de la société. Il contient des erreurs qui menacent directement les vérités de foi sur la destinée éternelle des personnes ainsi que sur la dignité humaine. Intégrer une analyse qui s’intègre dans le marxisme ne peut que produire de « ruineuses contradictions ».

L’usage d’expressions telles que « lutte des classes » n’est pas neutre. Ces expressions portent une signification que la doctrine marxiste lui a donnée et demeurent imprégnées de l’interprétation marxiste. Un tel usage est alors source de grave ambiguïté.

L’instruction reproche alors aux théologiens de la libération leur manque de précaution et de critique suffisante. Ainsi, elle « entend attirer l’attention des pasteurs, théologiens et de tous les fidèles, sur les déviations et les risques de déviation ruineux pour la foi et la vie chrétienne, que comportent certaines formes de théologie de la libération qui recourent, d’une manière insuffisamment critique, à des concepts empruntés à divers courants de la pensée marxiste. » (avant-propos) L’instruction demande un examen critique nature épistémologique et théologique.

Science et idéologie inséparables dans le marxisme

Des théologiens appliquent l’analyse marxiste, qu’ils jugent comme « une analyse scientifique des causes structurelles de la misère »(VII,2), à la situation du tiers-monde et spécialement à celle de l’Amérique latine. Or, le terme de « scientifique » appliqué à l’analyse, qui « exerce une fascination quasi-mystique », est faux. L’erreur de ces théologiens est de l’accepter sans porter d’examen critique de nature épistémologique.

Le marxisme constitue « une conception totalisante du monde » qui intègre des données de la réalité à une structure philosophico-idéologique, des « a priori idéologiques […] présupposés à la lecture de la réalité sociale. » ou encore un « amalgame épistémologiquement hybride » (VII, 6) au point d’être dans l’incapacité de distinguer ce qui relève de la science ou de l’idéologie. Ainsi, en croyant accepter ce qui se présente comme une analyse, nous sommes entraînés à accepter en même temps l’idéologie. « C'est pourquoi il n'est pas rare que ce soient les aspects idéologiques qui prédominent dans les emprunts que nombre de « théologiens de la libération » font à des auteurs marxistes. »(VII, 6)

L’instruction reprend la mise en garde de Paul VI sur le lien existant entre la pensée et la pratique dans le cadre du marxisme : « il serait illusoire et dangereux d'en arriver à oublier le lien intime qui les unit radicalement, d'accepter les éléments de l'analyse marxiste sans reconnaître leurs rapports avec l'idéologie, d'entrer dans la pratique de la lutte des classes et de son interprétation marxiste en négligeant de percevoir le type de société totalitaire à laquelle conduit ce processus. »[6]

Absence de discernement de nature théologique

Puisque « c’est à la lumière de la foi qui fournit à la théologie ses principes »(VII,10), le théologien doit faire l’objet d’un discernement critique de nature théologique avant d’apporter dans ses réflexions des éléments philosophiques, des sciences sociales ou d’autres disciplines. Cette utilisation ne peut qu’être d’ordre instrumental. « Autrement dit, le critère ultime et décisif de vérité ne peut être, en dernière instance, qu'un critère lui-même théologique. »(VII, 10) C’est à la lumière de la foi qu’il doit juger de la validité et du degré de la validité de cet apport.

Enfin, « la première condition d'une analyse est la totale docilité à l'égard de la réalité à décrire. C'est pourquoi une conscience critique doit accompagner l'usage des hypothèses de travail que l'on adopte. »(VII,13) Or, par principe, ces hypothèses reflètent un point de vue particulier, soulignant des aspects du réel au détriment d’autres. Or en recourant à une conception totalisant telle que le marxisme, cette limitation est ignorée.

Une subversion du sens de la vérité

L’instruction définit alors les composantes du noyau idéologique auquel se réfère des théologies de la libération et en arrive à conclure à une subversion du sens de la vérité, une vérité qui n’existe que dans et par la praxis, c’est-à-dire dans le combat de la classe révolutionnaire.

En outre, « la loi fondamentale de l'histoire qui est la loi de la lutte des classes implique que la société est fondée sur la violence »(VIII, 6), une violence à laquelle doit répondre la contre-violence révolutionnaire, permettant de renverser le rapport de domination des riches sur les pauvres. En entrant dans ce processus, on « fait » la vérité, on agit « scientifiquement ». « En conséquence, la conception de la vérité va de pair avec l'affirmation de la violence nécessaire, et par là avec celle de l'amoralisme politique. »(VIII, 7) Les réformes radicales et courageuses ne se réfèrent donc plus à une éthique.

Et cette loi de la lutte de classe touche toutes les disciplines et en constituent l’élément déterminant. « De fait, c'est le caractère transcendant de la distinction du bien et du mal, principe de la moralité, qui se trouve implicitement nié dans l'optique de la lutte des classes. »(VIII, 9) C’est un système totalisant qui n’épargne rien.

La subversion du christianisme

Conscients ou non, en acceptant comme principe la théorie de la lutte des classe, les théologiens de la libération en viennent à l’appliquer dans l’Église et à juger sa réalité en fonction d’elle et à pervertir le message chrétien dans sa globalité.

Le sens même du pauvre est perverti. « L’Église des pauvres » telle qu’ils la définissent « signifie alors une Église de classe, qui a pris conscience des nécessités de la lutte révolutionnaire comme étape vers la libération et qui célèbre cette libération par la liturgie. »(IX, 10) Nous retrouvons la même perversion dans l’expression « Église du peuple », « l'Église du peuple opprimé qu'il s'agit de « conscientiser » en vue de la lutte libératrice organisée »(IX, 12), une Église où, pour certains, le peuple est objet de foi. Une nouvelle conception de l’Église apparaît donc…

Cette conception de l’Église conduit à la critiquer dans sa structure sacramentelle et hiérarchique. La hiérarchie et le Magistère sont désignés comme des représentants la classe dominante qu’il faut combattre. « Théologiquement, cette position revient à dire que c'est le peuple qui est la source des ministères et qu'il peut donc se doter des ministres de son choix, selon les besoins de sa mission révolutionnaire historique. »(IX, 13) Et puisque la hiérarchie et le Magistère appartiennent à la classe des oppresseurs, ils ne font que refléter les intérêts de leur classe. Par conséquent, leurs discours sont par principe discrédités. Le point de vue de la classe opprimée et révolutionnaire constitue le seul point de vue de la vérité. « Dans cette perspective, on substitue à l’orthodoxie comme droite règle de la foi, l'idée d'orthopraxie comme critère du vrai. »(X, 3) Donc la Tradition est écartée.

Un christianisme dénaturé

Après avoir nié toute autorité dans l’Église, toutes les thèses les plus radicales de l’exégèse rationaliste peuvent être acceptées. Est alors refusé le « Jésus de la foi » au profit du « Jésus de l’histoire ». La figure du Christ est modifiée pour intégrer les exigences de la lutte des opprimés. Le « Jésus de l’histoire » est possible de l’atteindre à partir de l’expérience révolutionnaire de la lutte des pauvres pour la libération. La mort du Christ est interprétée sous un regard exclusivement politique, lui rejetant toute valeur salvifique. L’Eucharistie devient la célébration du peuple dans sa lutte. Il est inutile de parler de don de Dieu, encore moins de l’amour de Dieu. « La nouvelle interprétation atteint ainsi l'ensemble du mystère chrétien. »(X, 13)

En considérant la lutte des classes comme moteur de l’histoire, celle-ci devient une « notion centrale ». Il n’y a plus qu’une histoire. En supprimant la distinction entre histoire du salut et histoire profane, des théologiens de la libération tendent par là à « identifier le Royaume de Dieu et son devenir au mouvement de libération humaine et à faire de l’histoire elle-même le sujet de son propre développement comme processus, à travers la lutte des classes, de l’autorédemption de l’homme. »(IX, 3) Des théologiens vont même identifier Dieu et l’histoire et à définir la foi comme « fidélité à l’histoire », c’est-à-dire à un engagement politique à l’égard d’un messianisme temporel. « En conséquence, la foi, l'espérance et la charité reçoivent un nouveau contenu : elles sont « fidélité à l'histoire », « confiance dans le futur », « option pour les pauvres ». Autant dire qu'elles sont niées dans leur réalité théologale. »(IX, 6)

Finalement, les vérités de foi sont subordonnées à un critère politique, lui-même dépendant de la théorie de la lutte des classes. La lecture de la Sainte Écriture se plie aussi à ce critère.

La vérité de Notre Seigneur Jésus-Christ nous rend libre

Or, comme le souligne l’instruction, toute libération authentique a « pour piliers indispensables, la vérité sur Jésus-Christ, le Sauveur, la vérité sur l’Église, la vérité sur l’homme et sur sa dignité »(XI, 5) et que « la défense efficace de la justice » doit s’appuyer sur « la vérité de l’homme, créé à l’image de Dieu et appelé à la grâce de la filiation divine ».

Ce combat doit être mené avec des moyens conforme à la dignité humaine et ne peut recourir systématiquement et délibéré à la violence aveugle. S’il est nécessaire de réformer radicalement des structures, il ne faut pas oublier que « la source des injustices est dans le cœur des hommes. »(XI, 8) C’est en convertissant les hommes que des changements sociaux pourront se faire. « L'inversion entre moralité et structures est imprégnée d'une anthropologie matérialiste incompatible avec la vérité de l'homme. »(XI, 8) Et la naissance d’un homme nouveau ne peut s’obtenir par de structures nouvelles. Car toute vraie nouveauté vient du Saint Esprit. Et « Dieu est le maître de l’histoire. »(XI, 8)

Les dangers de certaines théologies de la libération

Ainsi, des théologies de la libération reposent sur le mythe de la lutte des classes et sur des illusions. Ce n’est qu’un mirage que nous devons justement nous libérer. Ainsi, elles « proposent du contenu de la foi et de l’existence chrétienne une interprétation novatrice qui s’écarte gravement de la foi de l’Église, bien plus, qui en constitue la négation pratique. » (VI, 10) L’instruction définit comme source de corruption du « généreux engagement initial en faveur des pauvres » deux fautes : « des emprunts non critiqués à l’idéologie marxiste » et « le recours aux thèses d’une herméneutique biblique marquée par le rationalisme ». Enfin, l’instruction s’étonne que les « théologies de la libération » ne portent que vers les pauvres et délaissent les jeunes. Il est vrai aussi qu’elle néglige d’autres catégories de personnes faibles et démunis, comme les malades et les personnes âgées.

L’instruction s’achève par différents appels aux pasteurs pour qu’ils forment davantage les fidèles sur le sens véritable et intégrale du salut.

Le renouvellement des condamnations dans une approche plus positive

Sur demande du pape Jean-Paul II, jugeant l’instruction Libertatis nuntius trop sévère, la congrégation de la foi en publie une nouvelle, intitulée Libertatis conscientia [7] le 22 mars 1986, qui vise davantage à définir à souligner sa doctrine positive en matière de liberté et de libération.

La nouvelle instruction ne remplace pas la précédente. Elle rappelle en effet que les aspirations à la libération « revêtent parfois, aux plan théorique et pratiques, des expressions qui ne sont pas toujours conformes à la vérité de l’homme telle qu’elle se manifeste à la lumière de sa création et de sa rédemption »(1). Ainsi, nous renvoie-t-elle vers l’instruction Libertatis nuntius. Les avertissements que celle-ci dénonce « apparaissent toujours plus opportuns et pertinents. »(1).

Sans être aussi ferme que la précédente, l’instruction condamne donc de nouveau « la théorie qui voit dans la lutte des classes le dynamisme structurel de la vie sociale », le « mythe de la révolution » ou encoure le recours systématique à la violence. Il y a « une moralité des moyens »(78)

Elle conclue qu’« une théologie de la liberté et de la libération [..] constitue une exigence de notre temps » mais elle en avertit les dangers. « Ce serait une grave perversion que de capter les énergies de la religiosité populaire pour les détourner vers un projet de libération purement terrestre, qui se révélerait très tôt être une illusion et une cause de nouvelles servitudes. Ceux qui ainsi cèdent aux idéologies du monde et à la prétendue nécessité de la violence ne sont plus fidèles à l'espérance, à sa hardiesse et à son courage, tels que les magnifie l'hymne au Dieu de miséricorde que la Vierge nous enseigne »(98) dans son Magnificat.

Une reprise des principaux thèmes des théologies de la libération

L’instruction utilise les expressions en usage dans les théologies de la libération mais en leur donnant un cadre plus fidèle à l’enseignement de l’Église. Ainsi, elle rappelle « l’option privilégiée » pour les pauvres » mais en précisant qu’elle est « sans exclusive » et par conséquent ne peut être exprimée « à l'aide de catégories sociologiques et idéologiques réductrices, qui feraient de cette préférence un choix partisan et de nature conflictuelle. »(68) Les théologiens peuvent partir de l’expérience pour développer leur réflexion mais ils doivent l’interpréter à la lumière de l’expérience de l’Église elle-même, dont l’authenticité revient aux pasteurs de l’Église en communion avec le pape.

Elle encourage aussi les communautés ecclésiales de base, qui sont des « motifs de grande espérance pour l’Église », mais à la condition qu’elles vivent en communion avec l’Église dans la fidélité à l’enseignement de « l’intégralité de la foi chrétienne » et « à l’enseignement du Magistère, à l’ordre hiérarchique de l’Église et à la vie sacramentelle. »(69)

L’instruction reprend le terme de « praxis », si cher aux théologiens de la libération, mais en lui donnant une signification chrétienne. Il devient « la mise en œuvre du grand commandement de l’amour », « principe suprême de la morale sociale chrétienne, fondée sur l’Évangile et toute la tradition depuis les temps apostoliques et l’époque des Pères de l’Église jusqu’aux interventions récentes du Magistère. » (71). La « praxis chrétienne », au plan de la société, est éclairée par la doctrine sociale de l’Église, qui fournit « les principes de réflexion » et « les critères de jugement » pour accomplir en profondeur les changements nécessaires pour le bien des hommes et inspire des directives d’action.

Conclusions

Dans son instruction Libertatis nuntius, la Congrégation pour la doctrine de la foi ne mentionne aucune référence permettant d’identifier les théologies de la libération objet de ses critiques, en particulier leurs textes et leurs auteurs, ce qui a pour effet de peser des soupçons sur tous les théologiens latino-américains. Ces derniers réfutent les accusations qu’ils jugent portées contre eux tout en justifiant leur engagement social. Certaines d’entre eux persistent à ne voir dans le discours de Rome qu’une « lecture centro-européenne de la théorie de la libération »[9] Ils confirment la pertinence de leur jugement. « Elle part du thème en soi et en tire les conclusions pour les fidèles » alors qu’« au contraire, la lecture des Latino-Américains et des Tiers-mondistes part de l’autre pôle de la question. Elle vérifie le fait de la pratique des opprimés, s’interroge sur la participation des chrétiens dans le processus de libération et sur la signification de ce cheminement dans le projet de Dieu. »

Or, si la méthode soulève de légitimes questions et de vrais doutes sur sa pertinence et son efficacité, la question porte surtout sur le regard que nous portons sur la réalité. Est-ce un regard plus ou moins inspiré ou influencé par le marxisme ? Ou est-il porté par la foi ? Les actions qui en découlent sont-elles conformes à la charité et à la morale chrétienne ? Enfin, la lecture de la Sainte Écriture est-elle faite à la lumière de la foi ? Les deux instructions de la Congrégation pour la doctrine de la foi sont particulièrement claires. Sans cette fidélité à la foi, toute théologie est vouée à la déviation et à l’erreur, et donc à l’échec.

Enfin, la nécessité de condamner les erreurs des théologies de la libération et de souligner les dangers qu’elles peuvent générer ne doit pas nous détourner de l’exigence de la charité comme le rappellent les deux instructions. Contrairement aux accusations de ses adversaires, Rome ne se contente pas de tenir son rôle légitime de défenseur de la foi comme tout véritable pasteur. Elles encouragent les chrétiens engagés dans des actions sociales et refusent de donner des arguments à ceux qui demeurent neutres ou indifférents à la misère. Comme elles ne cessent de le réaffirmer, l’Église n’a pas attendu les théologiens de la libération pour combattre toute forme de servitude et aider ceux qui vivent dans la misère sans oublier néanmoins la racine de tout mal, qu’est le péché


Notes et références

1 Voir Émeraude, avril 2025, article "La théologie de la libération".

Voir Émeraude, mai 2025, article "Medellin 1968, une nouvelle Pentecôte en Amérique Latine, naissance d'une nouvelle Église ? ...".

3 Cardinal Joseph Ratzinger, Instruction Libertatis Nuntius sur quelques aspects de la « théologie de la libération », 6 août 1984, Congrégation pour la doctrine de la foi, vatican.va.

4 Chanoine L.-E. Marcel, article « péché », Dictionnaire de culture religieuse et catéchistique, Imprimerie Jacques & Démontrond, 1938.

5 Voir Émeraude, février 2013, article "Péché d'origine, péché originel".

6 Paul VI, Octogesima Adveniens, n°34, à l’occasion du 80e anniversaire de l’encyclique Rerum Novarum, AAS 63, 14 mai 1971.

7 Cardinal Ratzinger, Instruction Libertatis conscientia sur la liberté chrétienne et la libération, Congrégation pour la doctrine de la foi, 22 mars 1986, vatican.va.

8 Leonardo Boff, journal Folha, Sao Paulo, 31 août 1984 dans Théologie de la libération et Realpolitik, Claude-François Jullien, Politique étrangère, année 1984, 49-4, persee.fr.

dimanche 4 mai 2025

Medellin 1968, une nouvelle Pentecôte en Amérique Latine, naissance d'une nouvelle Église ? ...

 

Le 1er janvier 1959, la révolution cubaine triomphe et prend le pouvoir. Le 25 janvier de la même année, le pape Jean XXIII convoque un concile pour lancer la modernisation de l’Église, appelée encore « aggiornamento », et son ouverture au monde et aux autres églises. Les deux événements annoncent des ruptures ainsi qu’un espoir de renouveau ou du moins une vive volonté de profond changement. L’un résonne étrangement avec l’autre, en particulier en Amérique Latine, où la population, fortement catholique, évolue dans un contexte très agité, marqué par un sous-développement économique, une profonde misère sociale et une situation politique instable. L’appel au concile conduit à une très grande mobilisation du clergé et des fidèles du continent, qui se poursuit tout le long de l’événement et ne cesse guère après sa clôture. C’est ainsi que l’Église en Amérique Latine demeure l’un des élèves les plus fidèles aux inspirations du deuxième concile de Vatican

Lors d’une audience à l’occasion du Xe anniversaire de la création du conseil épiscopal latino-américain (CELAM), le pape Paul VI demande que « le concile Vatican II ne demeure pas comme un ensemble de documents, mais devienne un « fait vécu », qu’il fallait transporter et incarner dans la réalité latino-américaine. »[1] C’est ainsi qu’à la demande de ce même conseil, en janvier 1968, Paul VI convoque à Medellin,  en Colombie, la conférence du conseil épiscopale latino-américain pour août de la même année, conférence dont il donne le thème : « présence de l’Église dans la transformation de l’Amérique latine à la lumière du Concile Vatican II ». L’objectif de la conférence est l’application des acquis du concile dans le contexte latino-américain.

Lors de l’ouverture de la conférence, le 24 août 1968, à la cathédrale de Medellin, Paul VI annonce : « grâce à une coïncidence prophétique, c’est aujourd’hui le point de départ d’un nouveau chapitre de la vie de l’Église »[2]. Elle révèle surtout un mouvement de pensée qui rompt avec l’enseignement de l’Église et témoigne d’une crise qui survit encore de nos jours…

Une terre particulièrement agitée

En 1968, l’Amérique Latine connaît une situation économique et sociale désastreuse après la « décennie du développement » (1955-1965), censée moderniser l’économie. La population ne cesse pas de croître, ce qui aggrave son état de pauvreté et de misère sociale. Depuis le succès de Fidèle Castro au Cuba, de nombreux mouvements prônent la révolution, en particulier chez les ouvriers et les paysans. Comme d’autres pays, la Colombie est frappée par la guérilla avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) depuis 1964. Les mouvements révolutionnaires n’épargnent pas l’Église. Des prêtres y participent, comme Camillo Torres (1929-1966)[3], qui meurt dans sa première opération militaire[4].

La visite pastorale de Paul VI, la première d’un pape sur ce continent, est très attendue par les chrétiens latino-américains. L’Église est en fait en proie à une crise profonde en Amérique Latine comme en témoignent de nombreux appels à des changements radicaux. En octobre 1967, une déclaration signée par trois cents cinquante prêtres catholiques brésiliens d’un même diocèse réclame des « réformes profondes et authentiques » des structures de l’Église, notamment la fin du célibat ecclésiastique ou encore la liberté de constituer des associations syndicales. Des lettres ouvertes et des manifestes expriment les inquiétudes et les critiques d’un clergé qui réclame des réformes en profondeur.

Une véritable fracture divise aussi le clergé latino-américain sur la conduite à tenir avec le pouvoir établi, entre des évêques, considérés comme conservateurs et protecteurs des régimes, et des prêtres et laïcs, plutôt favorables aux mouvements révolutionnaires. « Nous voulons un épiscopat pauvre ; nous voulons un épiscopat libre ; nous voulons un épiscopat courageux ; nous voulons un épiscopat fidèle ; nous voulons un épiscopat évangélique. Nous avons des évêques qui n’enseignent pas ; nous avons des évêques qui ne gouvernent pas ; nous avons des évêques qui ne sanctifient pas. Notre Église nous fait mal ; cela nous fait mal de la voir s’identifier économiquement avec les riches, socialement avec les puissants, politiquement avec les oppresseurs. »[5]

Les critiques dépassent le clergé local et atteignent aussi la papauté. Le 11 août 1968, des prêtres et des laïcs chiliens occupent la cathédrale de Santiago et prononcent un discours contre les autorités ecclésiastiques et contre le pape : « Que vient faire le Pape ? Bénir la misère, la douleur ? Prêcher la patience face à l’injustice ? Appuyer, renforcer, bénir le capitalisme inhumain ? »[6] La nécessité d’un changement révolutionnaire, y compris au sein de l’Église, semble devenir pour nombre de prêtres et d’évêques un postulat.

Le conseil épiscopal latino-américain (CELAM) avant Vatican II

En 1955, Pie XII convoque l’ensemble des évêques latino-américains à l’occasion du Congrès eucharistique international de Rio pour répondre aux difficultés religieuses, dont des déficiences de la vie catholique et un manque de prêtres, tant diocésains que réguliers. « Si les circonstances l'indiquent, il faut adopter de nouvelles méthodes d'apostolat et ouvrir les chemins inédits qui, tout en conservant une grande fidélité à la tradition de l'Église, soient mieux adaptées aux exigences du temps présent et profitent des conquêtes de la civilisation »[7] Présidée par le cardinal Piazza (1884-1957) au nom du pape, cette conférence comprend sept cardinaux, quatre-vingt-dix évêques ou ordinaires ainsi que cinq prélats étrangers et six nonces apostoliques. Il y est décidé la création d’un conseil épiscopal latino-américain (CELAM).

Implanté à Bogota, le CELAM est composé des représentants des conférences épiscopales nationales d’Amérique Latine et des Caraïbes afin de promouvoir et d’aider les œuvres catholiques, et de préparer les nouvelles conférences de l’épiscopat latino-américain. Le Saint-Siège a un rôle important. C’est lui qui convoque les conférences épiscopales, détermine le lieu et les dates, approuve l’ordre du jour et les conclusions des réunions. C’est encore lui qui désigne son secrétaire général et contrôle son travail. En 1958, est créée la commission pontificale pour l’Amérique latine pour mieux coordonner et contrôler les initiatives régionales ainsi que la coopération internationale, ce qui va produire des tensions en raison de l’autonomie de plus en plus affichée du CELAM.

Pourtant, la majorité des évêques ne sont guère intéressés par cette nouvelle institution. Ils y voient comme un risque d’atteinte à leur autorité et une charge supplémentaire administrative et financière.

Le CELAM, une institution dynamique portée vers la pastorale et l’action sociale

Dès sa création, le CELAM se montre dynamique en coordonnant les actions déjà existantes et en promouvant de nouvelles initiatives. Impulsée par Rome, il peut aussi s’appuyer sur la coopération internationale.

L’activité majeure du CELAM consiste à organiser une conférence annuelle sur des thèmes très large : collaboration des religieux dans certains domaines (prédication, catéchèse, célébration de la messe dans les églises paroissiales, l’apostolat des laïcs, etc), coordination de l’apostolat des laïcs, apostolat universitaire ou encore presse universitaire.

En 1958, convoquée à Rome, elle est consacré au mouvement liturgique et aux rituels latino-espagnol et latino-portugais. Le pape Jean XXIII y intervient pour orienter les actions vers le bien commun des pays latino-américains.

En 1959, le sujet principal porte sur le communisme en Amérique Latine. La déclaration finale affirme la nécessité de la transformation de l’ordre social afin d’amener plus de justice. Elle explique les procédés utilisés par les communistes pour gagner les populations et démontre le danger qu’il représente, nécessitant par conséquent des positions très fermes de l’Église.

En 1960, à Buenos Aires, la conférence examine les bases fondamentales de la pastorale, dont la théologie, la sociologie et la psychologie, ses applications au niveau du diocèse et ses difficultés. Les conclusions encouragent les dirigeants chrétiens et les fidèles à prendre en main les problèmes des niveaux de vie en milieu rural, notamment à aider les paysans à devenir propriétaires. Elles insistent aussi sur une conception plus organique et communautaire de la paroisse.

Au fur et à mesure des années, le CELAM porte davantage d’intérêts sur les actions pastorales concrètes et sur les problèmes sociaux de l’Amérique Latine. Les propositions sont innovantes. Nous y pressentons les prémisses des communautés ecclésiales de base ou encore la théologie de la libération, voire une nouvelle attitude face à l’engagement révolutionnaire.

Des évêques progressistes moteurs du CELAM

Le dynamisme du CELAM et ses travaux ne peuvent être compris sans connaître ceux qui en forment le cœur de l’institution. Parmi les évêques les plus influents, nous pouvons citer Mgr Manuel Larrain Erraruiz (1900-1966), évêque de Talca en 1939 (Chili), Mgr Helder Camara (1909-1999), évêque du Récife (Brésil) en 1964, tous deux membres de l’Action catholique et de la Jeunesse ouvrière catholique (JOC), Mgr Bogarin Argana (1911-1976), évêque de San Juan Bautista de las Misiones en 1957 (Paraguay), promoteur du diaconat et la formation pastorale ainsi que des premières ligues agraires, fondateur de la Jeunesse ouvrière catholique (JOC) à l’Asuncion, Mgr Dammert Bellido (1917-2008), évêque de Lima en 1958 (Pérou), organisateur des premières semaines sociales péruviennes, ou encore Mgr Leonidas Proano (1910-1988), évêque de Bolivar en 1954 (Équateur), un des fondateurs d’un groupe de prêtres voués à la promotion d’un mouvement d’organisations ouvrières et d’un groupe JOC dans des provinces andines et dans un diocèse.

Nous pouvons ainsi constater que les évêques les plus influents et dynamiques du CELAM sont membres actifs de la jeunesse ouvrière chrétienne (JOC). Ces associations d’actions catholiques spécialisées ont été introduites par des prêtres ayant étudié en Europe. Ce sont des lieux de renouveau pastoral et liturgique, d’une nouvelle façon de penser la théologie. Or, au sein du JOC comme dans d’autres associations, comme la Jeunesse universitaire chrétienne (JUC), la révolution cubaine et le mouvement guévariste attirent de nombreux étudiants, ouvriers et paysans, ce qui conduit à une radicalisation politique et génère des crises au sein de ces mouvements.

Les évêques ont aussi la particularité de disposer de contacts internationaux et d’être inséré dans un réseau de relations qui dépassent l’Amérique Latine, ce qui explique par ailleurs qu’ils furent choisis par leurs collègues pour les représenter au CELAM.

Enfin, les évêques sont appuyés par des experts (théologiens, sociologues, « pastoralistes », etc.). Ils mettent aussi en place des outils pour étendre leurs influences et devenir des lieux d’échange, comme l’Institut supérieur de pastorale latino-américain (ISPLA).

Néanmoins, ces évêques forment une minorité au sein de l’épiscopat de l’Amérique Latine, qui, dans son ensemble, est plutôt méfiant à l’égard du CELAM. Ce sont des évêques progressistes

L’influence du CELAM au sein de Vatican II

Numériquement modestes[8], les évêques du CELAM se montrent particulièrement dynamique lors des travaux du deuxième concile de Vatican, notamment pour l’élaboration de son organisation, l’élection des commissions conciliaires ou encore la participation à l’organisation des conférences de l’organe Oecuménico, chargé de la circulation de l’information et des liaisons entre les assemblées conciliaires. Ils s’impliquent aussi dans les divers groupes informels[9] qui gagnent une influence croissante au sein des assemblées conciliaires. La réalité sociale et ecclésiale de l’Amérique Latine et du Tiers-monde, le combat contre les structures qui entraînent la pauvreté ou encore l’apostolat en milieu ouvrier sont, par leur intermédiaire, insérés dans les travaux du concile. Par leur influence, le concile prend en compte la relation entre l’Église et le monde, où il doit s’interroger sur la personne humaine, la justice sociale, l’évangélisation des pauvres et la paix dans le monde, ce qui conduira à la constitution Gaudium et Spes.

Mgr Camara, l’un des évêques les plus dynamiques du concile, cherche à introduire le sujet de la pauvreté au sein des discussions et à développer une « théologie de la pauvreté ». Un groupe dédié à la pauvreté est même créé lors de la deuxième session du concile. Mgr Camara devient le responsable d’un sous-groupe en charge de la spiritualité du développement avec l’aide du Père Chenu. Dans une session portant sur le décret sur la liturgie, Mgr Larrain est l’un de ceux qui demande à l’Église de bannir toute manifestation de richesse dans le mobilier et les vêtements liturgiques, afin d’être « non seulement en désir mais en acte »[10] « l’Église des pauvres ». Notons que Mgr Larrain choisit comme expert le théologien Gutierrez[11], l’un des principaux fondateurs de la théologie de la libération.

Mais ces évêques constatent le peu d’influence de la question de la pauvreté dans les débats. Ils font part à Jean XXIII de leur « anxiété » : « la deuxième session du concile va prendre fin sans qu’un seul mot n’ait été dit des graves problèmes sociaux qui sont l’angoisse des hommes de notre temps ». Mgr Camara et Mgr Larrain informent le cardinal Lercaro, modérateur du concile, de cette préoccupation et lui demandent « de réduire ce scandale qu’est la coupure actuelle de l’Église avec le monde pauvre. […] L’Église ne donne pas encore au monde, par le concile d’abord, alors qu’elle est mise en question et jugée sur ce grave problème, le signe manifeste qu’elle est vraiment l’Église du Christ. » Il est transmis à Paul VI un rapport intitulé « La pauvreté dans l’Église et dans le monde moderne », qui donnera aucune suite. Néanmoins, dans son encyclique Ecclesiam suam, du 5 août 1964, Paul VI mentionne la pauvreté comme l’un des signes irremplaçables du renouveau de l’Église. Après de nombreuses demandes, Paul VI crée la commission pontificale Justice et Paix, chargée de promouvoir l’essor des régions pauvres et la justice entre les nations.

Finalement, « sans minimiser le rôle des évêques des autres continents, il apparaît que celui des latino-américains a été particulièrement actif et engagé. Parmi eux, se détachent deux personnalités, celle de Camara et de Larrain. »[12] Cependant, comme l’évoque Gutierrez, s’ils ont pu insérer le sujet de la pauvreté au sein du concile, ils ne parviennent pas à en faire le cœur des débats conciliaires. Les constitutions pastorales du concile ne répondront pas à leurs attentes. Les pères conciliaires manquaient-ils de maturité pour relever les défis de la pauvreté comme le suggère Gutierrez[13] ou sont-ils encore trop marqués d’occidentalisme comme le pense le Père Lebret (1897-1966)[14] ?

Une conférence pour poursuivre l’œuvre de Vatican II

Sans attendre la fin du concile, le CELAM veut profiter du dynamisme qu’il crée pour appliquer ses idées. Dès 1963, son président, Mgr Larain, conçoit le projet d’une réunion des évêques d’Amérique latine pour examiner la situation de l’Église du continent à la lumière du deuxième concile de Vatican. Il réorganise le CELAM en plusieurs départements et désigne à leur tête un évêque qui partage ses mêmes idées pastorales. Le CELAM devient alors un « véritable laboratoire d’idées et de propositions pour l’aggiornamento de l’Église latino-américaine »[15]. Il est aussi encouragé par Paul VI. De même, Mgr Camara veut aussi « un après-concile à la hauteur de Vatican II »[16] pour en tirer les conclusions pratiques. Durant le concile, les théologiens latino-américains se préparent donc à la future conférence du CELAM. Ils veulent aller au-delà de Gaudium et Spes.

En 1966, le CELAM tient une réunion extraordinaire en Argentine, à Mar del Plata, dédiée aux problèmes de la justice et du développement ainsi qu’à la préparation de la future conférence. La déclaration finale intitulée La présence de l’Église dans le développement et l’intégration de l’Amérique latine souligne deux points : l’attention aux pauvres et la nécessité de changement structurel à tous les plans.

Le 22 janvier 1968, Paul VI convoque à Medellin la conférence du CELAM dont il donne le thème La présence de l’Église dans la transformation de l’Amérique latine à la lumière du Concile Vatican II. Le CELAM définit les enjeux de cette conférence : « il est indéniable que, dans de nombreux endroits, le continent est dans une attitude révolutionnaire qui exige des transformations globales, audacieuses, urgentes et profondément rénovatrices »[17]. La préparation de la conférence a présenté des difficultés en raison des relations parfois tendues avec la commission pontificale pour l’Amérique Latine.

La conférence de Medellin, « une nouvelle Pentecôte »

La conférence de Medellin réunit cent trente participants avec droit de vote, essentiellement des évêques délégués par les différentes conférences épiscopales nationales et des représentants de la conférence des religieux. Rapidement, elle se présente comme « une nouvelle Pentecôte »[18] comme le souligne Mgr Brandao, nouveau président du CELAM. Elle reconnaît la place centrale des pauvres dans la Sainte Écriture et demande que l’Église doit être « l’Église des pauvres ».

La conférence de Medellin appuie les communautés ecclésiales de base comme le conclue une des commissions mises en place : « La communauté chrétienne est […] le noyau ecclésial de base, qui doit, à son niveau propre, prendre en charge la richesse et l’expansion de la foi et du culte qui est son expression. Elle est donc la cellule initiale de la structuration ecclésiale et le phare de l’évangélisation, le facteur réel et primordial de la promotion humaine et de développement »[19]. Elle demande alors d’en former le plus grand nombre dans les paroisses.

Dans ses conclusions, la conférence annonce que « nous sommes au seuil d’une époque historique nouvelle pour notre continent, lourde d’une aspiration à l’émancipation totale ; à la libération de toute servitude, à l’épanouissement personnel et à l’intégration collective »[20] La conférence semble faire référence à la théologie de développement. Mais, la théologie de la libération y est très présente, comme le montre l’intervention de Gutierrez qui parle d’une théologie destinée à « établir une relation entre l’émancipation de l’homme – du point de vue social, politique et économique – et le règne de Dieu. »[21]. Le discours d’ouverture du cardinal Landazuri, archevêque de Lima et coprésident de CELAM, dessine les ébauches de ce qu’annonce Gutierrez. Dans la commission Justice à laquelle participe Gutierrez ou encore dans la commission Pauvreté de l’Église, le thème de la libération n’y est pas non plus absente. Enfin, lors de la séance de conclusion, le cardinal Landazuri demande de renouveler la théologie afin de mettre fin « à étape d’une dépendance religieuse, à une période d’imitation de théologies et d’attitudes propres à d’autres continentes » et de « chercher des solutions à l’intérieur de nos propres réalités et de nos propres possibilités »[22]. Il apporte une légitimation au développement d’une théologie de la libération.

Le CELAM parvient ainsi à inverser le thème de la conférence, qui est en effet devenu « l’Église de Vatican II à la lumière de la réalité latino-américaine »[23]. En 1971, une conférence réunissant trois cents délégués de mouvements catholiques mentionnent la théologie de la libération comme axe d’une nouvelle conception du monde dans lequel l’homme latino-américain serait délivré de ses servitudes.

Enfin, la conférence de Medellin dénonce les structures existantes comme fondées sur l’injustice, la violation des droits fondamentaux du peuple ou encore la « violence institutionnalisée », reconnait, dans certaines circonstances, la légitimité de l’insurrection révolutionnaire et se solidarisent avec l’aspiration du peuple à « la libération de toute servitude »[24].

Mais une reprise en main du CELAM

Les audaces du CELAM finissent par alerter les évêques et Rome. Ces derniers prennent alors des mesures pour le reprendre en main. En 1970, ses statuts sont modifiés pour renforcer le poids des conférences épiscopales nationales et donc celui des conservateurs. Mgr Trujillo, évêque auxiliaire de Bogota, jugé conservateur, devient ainsi secrétaire du CELAM en 1972. Les différents départements sont rassemblés à Bogota et les deux instituts du CELAM sont regroupés en un seul, encore à Bogota. À partir de 1972, sont émises des critiques à l’encontre de la théologie de la libération ainsi que des mises en garde contre le mouvement des chrétiens pour le socialisme.

À la conférence de 1979, dans le discours d’ouverture, le pape Jean Paul II intervient directement. Il met les évêques en garde contre des orientations, notamment théologiques et pastorales. Si les théologiens de la libération sont interdits d’y participer, ils parviennent encore à influencer les débats. L’« option préférentiel de l’Église pour les pauvres » est ainsi retenu. Mais cette formule peut être interprétée dans un sens traditionnel ou radical.

En 1981, à la dix-huitième conférence du CELAM, Mgr Trujillo, devenu cardinal, déclare que « le problème [des théologiens de la libération] n’est pas qu’ils parlent fort, quand il s’agit des pauvres, mais il réside dans l’utilisation idéologique d’un instrument d’analyse marxiste … ce qui est en contradiction avec le magistère de l’Église »[25]. Le CELAM dirige désormais l’opposition à la théologie de la libération et reprend en main les communautés ecclésiales de base.

Conclusion

« La présentation du Christ comme révolutionnaire, le subversif de Nazareth, n’est pas en accord avec la catéchèse de l’Église », rappelle avec force le pape Jean-Paul II à la conférence de CELAM de 1979. Le rappel est clair. Si l’Église doit prendre en compte la réalité du monde dans laquelle elle pérégrine, elle ne doit pas faire sienne ses revendications ou ses inspirations au point de suivre une voie contraire à son enseignement.

Or, à la conférence de Medellin, le CELAM tente de faire évoluer l’Église à la lumière de la situation que connaissent les populations de l’Amérique latine, c’est-à-dire vers le socialisme et le progressisme. Certes, dynamiques et conscients de leurs difficultés, ils veulent répondre aux défis de leur temps, mais faut-il pour cela engager l’Église sur une voie aussi périlleuse ?

Après la conférence de Medellin, la majorité des évêques ont pris conscience du danger que représentait le CELAM. Auparavant, ils ne s’intéressaient guère à cette nouvelle structure. Son influence, son dynamisme et son efficacité leur ont révélé leur erreur. Ils ont alors repris le contrôle du conseil et de ses différents organismes, marginalisant ainsi les courants de pensées et d’action du mouvement minoritaire qu’il représentait.

Mais, après le concile de Vatican II, qui aurait pu arrêter ses évêques, pourtant minoritaires ? Dynamiques, organisés et puissants par leur réseau et leurs experts, qui aurait pu résister à leurs actions ? Que pouvaient faire les évêques restés fidèles à l’enseignement de l’Église face à ce mouvement que le deuxième concile du Vatican semblait encenser et encourager ? La conférence de Medellin se présente comme son application la plus fidèle de ses orientations. Elle n’hésite pas à se présenter comme « une nouvelle façon d’être l’Église »[26] ou encore une nouvelle Pentecôte. Le mot de « Pentecôte » n’est pas anodin et devrait nous étonner. Devons-nous comprendre qu’en ce jour, une nouvelle Église est née en Amérique latine ?

Or, dans un temps troublé, comme en Amérique latine, les fidèles ont besoin d’être affermis dans la foi, la charité et l’espérance. Mais le deuxième concile du Vatican , « en ébranlant les anciennes certitudes dogmatiques, a rendu la culture catholique perméable aux idées nouvelles et aux influences « extérieures » » et « en s’ouvrant au monde moderne, l’Église, surtout en Amérique latine, ne pouvait pas échapper aux conflits sociaux qui agitaient ce monde, ni à l’influence des différents courants philosophiques et politiques – en particulier le marxisme, à qui cette époque (années 1960) était la tendance culturelle dominante dans l’intelligentsia du continent. »[27]

Fondée par Notre Seigneur Jésus-Christ, l’Église n’est pas de ce monde. Elle ne peut s’arrimer à des courants de pensée ou à des idéologies, qui ne durent qu’un instant au regard de l’histoire du monde. Mais riche de son histoire, d’un dépôt et d’une promesse divines, l’Église navigue dans la réalité du monde au gré des tempêtes pour apporter à tous les hommes le salut, qui ne vient ni d’eux ni de leur éloquence, mais de Dieu seul…



Notes et références

1 Silvia Scatena, Le concile en Amérique Latine : le rôle du CELAM dans l’aggiornamento continental, traduit de l’italien par Pierre Antoine Fabre, dans Archives de sciences sociales des religions, en ligne, 175, juillet-septembre 2016, mis en ligne le 01 août 2018, consulté le 15 juin 2020, journals.openedition.org.

2 Article Paul VI ouvrait la Conférence de Medellin, 25 août 2008, portail catholique suisse cath.ch.

3 Camillo Torres Restrepo (1929-1966) a été condamné par l’Église . Il est relevé de ses fonctions de prêtre en 1965 sans être laïcisé.

4 Opération organisée par l’armée de libération nationale colombienne, le 15 février 1966, d’influence castriste.

5 Cristianismo y Révolucion, Buenos Aires, reproduit dans Recontruccion, Médellin, février 1967 L’Église catholique et la politique en Amérique Latine, Pierre Gilhodes, Revue française de science politique, année 1969, 19-3, persee.fr.

6 Mercurio, Santiago de Chile, 12 août 1968 dans L’Église catholique et la politique en Amérique Latine, Pierre Gilhodes.

7 Pie XII, Lettre apostolique Ad Ecclesiam Christi, 29 juin 1955, dans L’Histoire du CELAM ou l’oubli des origines, François Houtart, Archives de Sciences Sociales des religions, année 1986, 62-1, persee.fr.

8 Un tiers des pères conciliaires venaient de l’Amérique Latine.

9 Par exemple le groupe appelé « Jésus, l’Église et les pauvres ». Les réflexions de ce groupe a donné lieu à un livre écrit par l'abbé Paul Gauthier (1914-2002) et transmis à l'ensemble des pères conciliaires.

10 P. Gauthier, Consolez mon peuple, Le Concile et l’Église des pauvres, Cerf, 1965 dans Le rôle des évêques latino-américains dans le groupe « Jésus, l’Église et les pauvres » durant le concile Vatican II, Pierre Sauvage dans Revue théologique de Louvain, année 2013, 44-4, persee.fr.

11 Voir Émeraude, avril 2025, article "La théologie de la libération".

12 Pierre Sauvage, Le rôle des évêques latino-américains dans le groupe « Jésus, l’Église et les pauvres » durant le concile Vatican II.

13 Voir Por el camino de la probreza, Gutierrez, dans Paginas, 1985.

14 Voir Père Lebret, Lettre du 12-13 novembre 1965 dans Lettres circulaires (1962-1965), H. Camara, tome 2. Le Père Lebret promeut le développement global de la personne et des pays. Il est un des inspirateurs de l’encyclique Populorum progressio.

15 Mgr Larrain, Les nouvelles structures du CELAM, dans ICI, 1er janvier 1965.

16 Mgr Camara, Lettre du 18 novembre 1965.

17 La réalité latino-américaines, dans La Documentation catholique, 1968, dans Une Pentecôte pour l’Amérique latine, La conférence générale de l’Épiscopat latino-américain (26 août-6 septembre 1968), Pierre Sauvage, revue Lumen vitae, 2018/1, volume LXXIII, université catholique de Louvain, mis en ligne le 08 décembre 2019, shs.cairn.invo.

18 Mgr Brandao, dans Pentecôte en Amérique latine, Charles Antoine, dans Une Pentecôte pour l’Amérique Latine, Pierre Sauvage.

19 Conférence de Medellin, Commission Pastorale populaire, 10, d’ensemble dans Une Pentecôte pour l’Amérique Latine, Pierre Sauvage.

20 Conférence de Medellin, Introduction 4, dans Une Pentecôte pour l’Amérique Latine, Pierre Sauvage.

21 Gutierrez, Itinéraire d’un théologien de la libération, dans La Documentation catholique, 1984 dans Une Pentecôte pour l’Amérique Latine, Pierre Sauvage.

22 Comisión episcopal de Acción social, Signos de renovación, dans Une Pentecôte pour l’Amérique Latine, Pierre Sauvage.

23 Sobrino, dans La conversion des Églises latino-américaines, Luis Martínez Saavedra, dans Une Pentecôte pour l’Amérique Latine, Pierre Sauvage. Sobrino, prêtre jésuite salvadorien d’origine espagnol, né en 1938, est un des principaux représentants de la théologie de la libération. Deux de ses ouvrages sont condamnés en 2007 par la Congrégation de la Foi car non conformes à la foi.

24 Voir Michael Löwy, Marxisme et théologie de la libération, III, Cahiers d’Étude et de Recherche, n° 10, 1988, Institut international de recherche et de formation.

25 Dans L’Histoire du CELAM ou l’oubli des origines, François Houtart.

26 F. Altemeyer, Educaçao dans 50 anos de Medellin. Revisitando os textos, retomando ocaminho, Paulinas, Sao Paulo, 2017 dans La force de la collégialité aux conférences du CELAM, Une route historique et théologique qui commence lors de la conférence de Medellin (1968), Alzirinha Soza, dans Recherche de science religieuse, actes du colloque des RSR, Paris, 8-10 novembre 2018, 2019/2, tome 107, Facultés Loyola Paris, shs.cairn.info.

27 Michael Löwy, Marxisme et théologie de la libération, III, Cahiers d’Étude et de Recherche, n° 10, 1988.