L’homme recherche le merveilleux. Les récits fabuleux
l’ont toujours intéressé et parfois enflammé. Son esprit est aussi
débordant d’imagination. Nous pouvons le constater au travers des ouvrages et films
fantastiques. Cela n’est pas nouveau. Nous connaissons de nombreuses œuvres qui
de génération en génération transmettent des histoires imaginées, devenues au
fil des temps des légendes et des mythes. Odyssée en est un exemple. Souvent,
des faits réels prennent de l’envergure à force d’être racontés au point que la
vérité historique devienne imperceptible. Pourtant, certains de ces récits
inventés, transformés ou déformés, ont été crus comme étant véridiques en dépit
de leur invraisemblance. Avant d’appartenir à la mythologie, certains d’entre
eux étaient au cœur des religions antiques. Ils ont été le fondement de leur
culte et des dévotions. Est-ce aussi le cas du christianisme ?
Aujourd’hui peut-être, la plupart de nos contemporains
occidentaux ne croient plus au christianisme et voient dans les récits
évangéliques des inventions purement humaines. Les
grands mystères de Notre Seigneur Jésus-Christ tels la Nativité ou la
Résurrection ne seraient que des fables plus ou moins habillées de vérités
historiques. Les idées du paradis et du péché originel ne seraient aussi que des
mythes, l’œuvre de la Création, une histoire pour les enfants. Les premiers chrétiens
auraient été influencés par les mythes gréco-romains et orientaux sans oublier
les récits juifs tout aussi mythiques. On ne rejette pas l’existence de Notre
Seigneur Jésus-Christ. Il a bien existé, nous dit-on. Mais, rajoute-t-il, il
n’est pas celui que vous croyez. On oppose en effet le Christ de l’histoire
avec le Christ de la foi. Le Christ que nous adorons serait l'oeuvre des hommes. Ses miracles font ainsi l’objet de remises en cause.
Les récits évangéliques, des mythes et des légendes
Les chrétiens adorent un Dieu à tête d'âne |
Ne revenons pas sur la réalité historique de Notre
Seigneur Jésus-Christ. Nous avons déjà longuement montré que sa remise en cause
ne tient pas longtemps devant des faits incontestables. C’est pourquoi les
adversaires du christianisme les plus sérieux ne cherchent plus à contester son
existence. Leurs discours consistent désormais à montrer que le « Jésus de la foi » n’est pas
le « Jésus de l’histoire ».
En un mot, les Chrétiens auraient imaginé un « Jésus » différent de celui de la réalité. Les œuvres
évangéliques ne seraient que des fables ou des mythes.
Malheureusement, cette erreur a atteint de nombreux
chrétiens qui finissent à leur tour par ne voir dans les récits évangéliques
que des symboles dont nous devrions extraire du sens et de des valeurs
essentiellement morales. Empêtrés dans une telle voie, les plus sincères
finissent par ne plus croire du tout…
Nous croyons souvent que cette critique contre le
christianisme est récente, issue de la « philosophie des lumières ». Or dès les premiers siècles, les
Juifs ont accusé les Chrétiens de plagier les Païens. Ainsi dans l’ouvrage Dialogue
avec le Juif Tryphon de Saint Justin, Tryphon considère la naissance
virginale de Notre Seigneur Jésus-Christ comme étant une pâle copie des fables
païennes. « Ne devriez-vous pas
avoir honte de vous rencontrer avec le Grecs? Il serait mieux, je pense, de
convenir que votre Jésus est un homme né d'entre les hommes, et que s'il est
vraiment le Christ, et que vous puissiez le prouver par les Écritures, c'est un
honneur qu'il a mérité par sa parfaite soumission à la loi et l'admirable
pureté de sa vie ; mais ne venez pas nous débiter avec confiance de pareilles
chimères, de semblables prodiges, si vous ne voulez pas qu'on vous accuse de
tomber dans toutes les extravagances des Grecs. »[4]
Tryphon insiste sur l’invraisemblance de la nativité virginale de Notre
Seigneur Jésus-Christ.
La critique provient aussi du monde païen, notamment de
la part d’un philosophe grec, Lucien de Samosate. Sans cibler particulièrement
le christianisme, il accuse les hommes de croire trop facilement aux récits
fabuleux et de se laisser duper par des imposteurs. Il insiste donc sur la
crédulité des hommes de manière générale. D’auteurs païens fustigent plus nettement
la naïveté des Chrétiens, leur ignorance et leur pauvreté d’esprit.
Enfin, des hérétiques comme les gnostiques ne voient
dans les récits de la Sainte Écriture, surtout de l’Ancien Testament, que des
mythes en prétextant aussi leur invraisemblance. Ils n’ont de valeur que dans
les connaissances qu’ils apportent par leur symbolisme pour ceux qui savent les
comprendre. Ils fondent ainsi leur enseignement et confirment leurs doctrines. C’est
au nom de leur croyance qu’ils les voient comme des mythes.
Parallélisme entre christianisme et paganisme :
une méthode aussi ancienne que l’antichristianisme
Cette méthode n’est pas non plus une nouveauté. Certes,
aujourd’hui, on s’appuie sur l’histoire des religions mais elle n’en est pas le
fondement. Elle n’apporte que des précisions à des arguments très anciens. Cette
méthode a été en effet abondamment utilisée par l’un des premiers adversaires
sérieux du christianisme, Celse. « Celse
fait un usage assidu de la méthode comparative pour ravaler les dogmes
chrétiens au rang des antiques fictions et des légendes périmées. »[5]
Il voit en effet dans les récits évangéliques des vestiges de légendes
païennes. La Résurrection ne serait qu’une copie de l’histoire d’Aristée de
Proconnèse. Le culte de la Passion ressemblerait au culte rendu par les Gètes à
Xamolxis, sorte d’adoration à un captif supplicié. Les auteurs actuels
n’innovent donc que rarement. Leur force réside surtout dans notre ignorance et non
dans leur argumentation.
Benoît XVI nous apprend aussi que surtout depuis les
travaux d’Eduard Norden (1941) et de Martin Didelius (1947), « on a cherché à faire découler le récit de la
naissance virginale de Jésus de l’histoire des religions et, apparemment, une
découverte particulière a été faite dans les récits de la génération et de la
naissance des pharaons égyptiens. »[6]
De beaux penseurs ont de nouveau retiré de la mythologie grecque de nombreux
récits qui à leurs yeux ressemblent à celui de la naissance virginale de Notre
Seigneur Jésus-Christ. « La
naissance miraculeuse de Jésus n'est pas sans rappeler celle de Remus et de
Romulus, les héros fondateurs de Rome, issus des amours de Mars et d'une
vestale. Persée, le héros grec qui coupa la tête de la Méduse, était né lui
aussi de Danaé, fécondée par Zeus qui s'était métamorphosé en pluie d'or. »[7]
Nous pouvons aussi parler d’Hercule, né de Zeus et d’Alcmène.
Rappelons qu’il n’y a pas eu de
développement du récit évangélique. Nous devons en effet toujours revenir à ce
fait incontestable. Les textes du Nouveau Testament ont tous été écrits avant
la fin du Ier siècle chrétien. Les épîtres de Saint Paul sont encore plus
proches des faits. L’intégralité substantielle de ces textes n’est pas non plus
contestable. Nous concluons donc que les récits évangéliques ne sont pas très
éloignés des faits historiques qu’ils relatent, en tout cas insuffisamment pour
qu’ils deviennent des mythes. Par sa structure, l’Église a aussi veillé à
préserver l’intégrité des Livres Saints, surtout en une époque où les hérésies
n’hésitaient pas à les manipuler pour confirmer leurs doctrines. Enfin, lorsque
les récits sont écrits et diffusés, de nombreux témoins directs sont toujours
vivants. Ils sont encore capables de les approuver ou de les rejeter. Ces
points ont déjà été détaillés dans de nombreux articles.
Nous en concluons donc que d’une part, les récits
miraculeux ne sont pas l’œuvre d’un développement historique ou d’une pensée
théologique, encore moins d’une évolution spirituelle de la communauté
chrétienne. Ils sont aujourd’hui tels qu’ils existaient au Ier siècle. Il
faudrait plus de temps pour qu’il y ait évolution. D’autre part, une altération
des récits, si elle a eu lieu pour différentes raisons, se seraient produites
dès le temps des Apôtres, avant l’élaboration des textes sacrés. Il y aurait donc
de leur part soit imposture soit erreur. La sincérité des Apôtres a été très
longtemps attaquée par les adversaires du christianisme, en particulier par les
païens comme Celse et Porphyre. Ce dernier ne voit en effet dans la Sainte
Écriture que mensonge. Aujourd’hui, elle n’est guère remise en cause. On parle
plutôt d’erreurs, d’exagération, de mauvaises interprétations, etc.
Cohérence de l’Ancien et du Nouveau Testament
D’autre part, l’accord de fond entre l’Ancien Testament
et le Nouveau Testament est incontestable. Ils sont si proches que nous sommes
facilement convaincus que les évangélistes sont profondément ancrés dans la
tradition biblique. La Sainte Bible est bien un tout cohérent. Cette unité ne
laisse guère de place à une influence des mythes païens. Le Nouveau Testament éclaire l’Ancien comme l’Ancien Testament témoigne du
Nouveau. Cette double relation est fondamentale.
Une attaque contre l’origine divine du christianisme
Pour mieux se défendre, faut-il aussi rappeler ce que
dénonçaient les farouches adversaires du christianisme. Ils n’ont pas en effet
rejeté toute la réalité des miracles. Que disent en effet les Juifs puis plus
tard Celse et ses successeurs ? Ils accusent Notre Seigneur Jésus-Christ
d’être un magicien et de tromper la foule ignorante par des tours qu’Il aurait
appris en Égypte. Ils renient donc l’origine divine des miracles et non les miracles
en eux-mêmes.
Un parallélisme erroné
Un quatrième axe de défense consiste à s’engager sur le
terrain de nos adversaires, c’est-à-dire à étudier le parallélisme entre les
récits chrétiens et païens à partir notamment de l’histoire des religions.
Rapidement, nous y voyons de profondes différences.
Revenons encore sur la naissance virginale de
Notre Seigneur Jésus-Christ. Dans l’Évangile selon Saint Mathieu,
« il nous est raconté une histoire
très humble et, pour cette raison, d’une grandeur bouleversante »[8].
Cette sobriété se retrouve dans tous les miracles qu’accomplit Notre Seigneur
Jésus-Christ. Tout est simple et sobre. Rien ne nous heurte. Comme le souligne
aussi certains beaux penseurs, les récits évangéliques sont d’une moralité
élevée sans aucune mesure avec les récits mythiques.
Adonis et Aphrodite |
Les païens les plus virulents contre le christianisme soulignent même la différence d’éclat entre les manifestations divines de leurs dieux et les œuvres de Notre Seigneur Jésus-Christ. C’est parce qu’elles ne sont pas à la hauteur de leur conception de la divinité qu’ils refusent d’y croire ! Les attaques de Celse et de Porphyre sont nettement suffisantes pour montrer les différences fondamentales entre les récits évangéliques et les mythes. Au-delà des points de comparaison, souvent très superficielles, les récits sont radicalement différents.
Une profonde divergence entre les récits évangéliques
et les légendes païennes
Le sauveur, héros solaire |
Quelque soit son ordre, naturel ou surnaturel, un fait
porte du sens. Comparer deux faits sans en chercher leur sens peut conduire à
des conclusions hâtives et fausses, voire à des stupidités. Les miracles de
Notre Seigneur Jésus-Christ reflètent une idée de Dieu que l’homme contemporain
des Apôtres n’aurait pas pu imaginer. C’est une idée profondément
révolutionnaire pour les païens. Elle
remet en cause leur conception du monde et de leur société. Les païens les plus
perspicaces ont bien compris le danger du christianisme. Les empereurs romains les
plus compétents ont été les plus grands persécuteurs. Ce n’est pas un hasard.
Le paganisme évolue sous l’influence du christianisme
Enfin, pour terminer, rappelons un fait indéniable.
Face au progrès du christianisme, conscients des forces de la nouvelle
religion, les païens modifient leur conception de la divinité et leur culte. Ils
sont en effet bien conscients que pour enrayer l’expansion du christianisme,
ils doivent élever leur religion. Porphyre est probablement le premier à avoir
compris cette eixgence au point que la population païenne le
rejettera comme étant un apostat et que des auteurs chrétiens
l’utiliseront pour réfuter le paganisme ! Le plus exemplaire reste Julien
l’Apostat qui introduira dans la religion païenne de nombreux éléments du
christianisme.
Les adversaires du christianisme oublient facilement la
forte influence chrétienne sur le paganisme. Leur regard n’est tourné que vers
le paganisme, cherchant à y voir la source du christianisme. Quel
aveuglement ! Un texte récent ose même citer l’empereur Julien l’Apostat
comme un exemple de spiritualité païenne remarquable qui aurait influencé le
christianisme ! « Ce sont avant
tout les néo-Platoniciens, philosophes contemporains des premiers siècles de
l’ère chrétienne, qui après avoir élaboré la philosophie comme une science
théologique, vont influencer le Christianisme à ses débuts. Ces philosophes
sont parvenus au monothéisme avec le concept de Logos divin, ils n’admettent,
certes, aucune Révélation divine mais leur comportement moral et leur piété,
avec le jeûne et la prière, sont particulièrement remarquables. « Il faut,
écrit l’empereur Julien au IVe siècle, apprendre par cœur les hymnes en l’honneur des
dieux... prier souvent, en privé et en public, trois fois le jour, sinon à tout
le moins le matin et le soir ». Ce sont ces mêmes philosophes qui ont contribué
à spiritualiser le culte païen en remplaçant les sacrifices sanglants par
l’offrande de l’encens et qui ont rédigé les premiers traités sur la prière
considérés par l’un d’entre eux « comme un mouvement de conversion qui ramène
chaque chose vers la cause première, apporte au culte sa perfection et nous
enlace d’une manière indissoluble dans la sainte communion avec les dieux »[10].
Le christianisme et le paganisme sont fondamentalement
opposés, y compris dans les récits qui les fondent. Dans ce combat, où
s’affrontent deux conceptions de Dieu, les païens tentent notamment de
discréditer Notre Seigneur Jésus-Christ car ils savent bien qu’Il est le
fondement même du christianisme.
En conclusion, en dépit des rapprochements que des
« experts » cherchent à
établir entre les récits évangéliques et les mythes gréco-romains, un véritable
abyme sépare le paganisme et le christianisme. Comment l’homme pourrait-il espérer
combler cet abîme ? Comment Saint Matthieu aurait-il pu être influencé par
une légende païenne quand celle-ci s’oppose fondamentalement au sens même de
son récit ? Tout s’y oppose. Aucune pensée humaine n’aurait pu songer à la
naissance virginale de Notre Seigneur Jésus-Christ telle qu’elle a été
racontée…
Notes et références
[1] André Gaillard, Les mythes du christianisme. Cet écrit mérite une étude particulière tant il regroupe d’attaques contre le christianisme en accumulant erreurs, incompréhensions et mensonges. Il défend également une idée particulière de l’évolution de l’homme dans le domaine spirituel.
[2] André Gaillard, Les mythes du christianisme.
[3] André Gaillard, Les mythes du christianisme.
[4]
Saint Justin, Dialogue de Saint Justin avec Tryphon, LXVII, 1, traduit par M.
de Genoude, 1843, Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer.
[5]
Pierre de Labriolle, La Réaction païenne, étude de la polémique
antichrétienne du Ier au VIe siècle, 2ème partie, chap. I,
IV, cerf, 2005.
[6] Benoît XVI, L’enfance
de Jésus, traduit par Marie Mère des Anges Cayeux, Père Jean
Landousies, et Mgr Jean-Maie Speich, Flammarion, 2013.
[7] André Gaillard, Les mythes du christianisme.
[8]
Benoît XVI, L’enfance de Jésus.
[9]
Pierre de Labriolle, La Réaction païenne, étude de la polémique
antichrétienne du Ier au VIe siècle, 2ème partie, chap. I,
IV.
[10] André
Gaillard, Les mythes du christianisme.
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