Saint Jean Vianney Curé d'Ars |
Cette situation bien réelle
pourrait nous déstabiliser et susciter en nous des interrogations sur le rôle
et l’importance du prêtre dans l’Eglise. Pour nous éloigner des doutes et
répondre aux critiques de ceux qui veulent encore révolutionner l’Eglise pour y
appliquer une idéologie ou leurs propres idées, nous allons revenir à ses
premiers pas, lorsqu’elle mettait en place son organisation …
Au premier siècle, les bases de
l’organisation ecclésiastique…
À leur tour, les Apôtres établissent des « épiscopes »[1],
c’est-à-dire des évêques, pour veiller sur la communauté comme des bergers sur
leur troupeau.. « Soyez donc
attentifs et à vous et à tout le troupeau sur lequel l’Esprit Saint vous a
établis évêques pour gouverner l’Eglise de Dieu, qu’il a acquise par son
sang. » (Actes des Apôtres, XX, 28) C’est ainsi que chaque Eglise locale dispose d’un évêque fixe qui se distingue des
Apôtres, plutôt itinérants.
L’Eglise se développe rapidement.
Le nombre de disciples ne cesse de croître. Les Apôtres éprouvent des
difficultés pour remplir leurs missions tout en veillant aux modalités
pratiques de son organisation. Pour qu’ils se consacrent davantage au service
de Dieu, les Apôtres instituent des
diacres, dont le terme signifie « serviteur ».
« Les douze donc convoquent la
multitude des disciples disant : Il
n’est pas juste que nous abandonnions la parole de Dieu et que nous vaquions à
mettre au service des tables. Cherchez donc parmi vous, mes frères, sept hommes
de bon témoignage, pleins de l’Esprit-Saint et de sagesse, que nous puissions
préposer à cette œuvre. Pour nous, nous nous appliquerons à la prière et au
ministère de la parole. » (Actes des Apôtres, VII, 1-4) Notons
que la Sainte Ecriture souligne aussi le ministère spécifique des Apôtres. Puis
les sept premiers diacres ayant été choisis, ils sont présentés aux Apôtres
qui, « priant, leur imposèrent les
mains. » (Actes des Apôtres, VII, 6)
Enfin, nous voyons apparaître des « presbytres », qui désigne les anciens comme nous l’avons
déjà évoqué dans un précédent article. Saint Paul en établit dans les églises
qu’il fonde. À Tite et à Timothée, il demande aussi d’en nommer. Lors d’un
discours à Milet, où ils ont été convoqués, il leur rappelle qu’ils ont été
établis dans le Saint Esprit. Ainsi, au premier siècle, l’organisation ecclésiastique comprend des épiscopes, des presbytériens et des diacres, tous
établis dans le Saint Esprit.
… une organisation qui se
développe
Dans son épître, le pape Saint
Clément nous rappelle que les Apôtres ont établi des évêques afin qu’ils leur
succèdent et que leurs missions ne
s’achèvent qu’à leur mort. « Nos
Apôtres aussi ont su qu’il y aurait des contestations au sujet de la dignité de
l’épiscopat ; c’est pourquoi, sachant très bien ce qui allait advenir, ils
instituèrent les ministres que nous avons dit et posèrent ensuite la règle qu’à
leur mort, d’autres hommes éprouvés succédèrent à leurs fonctions. »[3]
Ils sont désignés par les Apôtres ou par « d’autres personnages éminents »[4].
Nous apprenons aussi que les évêques remplissent des fonctions liturgiques.
Saint Clément mentionne aussi à
plusieurs reprises le terme de « presbytériens »
qui désigne les anciens, les responsables de communauté ou les chefs religieux.
Parfois, il correspond à celui d’évêques. Il demande à l’Eglise de Corinthe de
se soumettre à eux et de demeurer en paix « avec les presbytres constitués »[5].
Dans cette mention, le terme de « presbytre » n’est pas synonyme d’ « évêque ».
De même, un ouvrage qui
remonterait à la fin du premier siècle ou au début du deuxième, la Didaché [6],
mentionne l’élection des presbytres[7].
Cependant, le terme semble désigner aussi bien l’évêque que le prêtre.
… une organisation qui se précise
Dans ses épîtres, le vocabulaire est plus précis et ferme.
Dans sa lettre aux Ephésiens, Saint Ignace présente l’institution épiscopale comme une
institution bien ancrée dans l’Eglise. À la tête de chaque Eglise locale,
se trouve à sa tête un évêque qui, nous écrit-il, sont « établis jusqu’aux extrémités de la terre »[8].
Et, « là où paraît l’évêque, que là
soit la communauté, de même que là où est le Christ Jésus, là est l’Eglise
catholique. »[9]
Rien ne peut se faire dans l’Eglise en dehors de l’évêque. Seule l’Eucharistie consacrée
sous sa présidence ou de celui qu’il en aura chargé est légitime…
Auprès de l’évêque, se trouvent comme des presbytres qui forment un
collège, appelé le presbyterium, c’est
« accordé à l’évêque comme les
cordes à la cithares »[10]
pour le conseiller et l’assister. Les presbytres doivent agir en parfait accord
avec lui, même s’ils peuvent être plus anciens[11].
L’évêque peut leur confier la mission de célébrer le culte et l’Eucharistie en
son absence. Se trouvent aussi les
diacres sans néanmoins former un collège. Ils aident l’évêque dans le
service de la communauté et l’assistent dans la célébration de l’Eucharistie,
le secondant dans le ministère de la prédication .Ainsi, dans chaque Eglise
locale, il ne peut y avoir qu’« un
seul évêque avec les presbytériens et les diacres »[12]
comme il n’y a qu’une seule eucharistie, un seul autel.
Chaque Eglise locale est donc
constituée d’une hiérarchie qui
représente localement celle de l’Eglise. « Suivez tous l’évêque, comme Jésus-Christ suit son Père, et le
presbyterium comme les Apôtres, quant aux diacres, respectez-les comme la loi
de Dieu. » Notons que, dans l’ensemble de ses écrits, quand Saint Ignace
traite de la hiérarchie ecclésiastique, il cite toujours les diacres en
dernier.
Une organisation hiérarchique et
unie autour de l’évêque …
Saint Ignace pressent les périls
que les hérésies font courir l’Eglise, surtout en Asie Mineure. Ainsi, pour se
protéger et se défense, il adjure de se serrer autour de l’évêque, du
presbyterium et des diacres. L’évêque
est le centre doctrinal, disciplinaire et liturgique de l’Eglise locale.
Toutes les lettres de Saint
Ignace exhortent en effet à l’unité au
sein de la communauté autour de l’évêque et de la hiérarchie ecclésiastique.
« Attachez-vous à l’évêque, pour que
Dieu s’attache aussi à vous. J’offre ma vie pour ceux qui se soumettent à
l’évêque, aux prêtres, aux diacres »[13].
Ou encore, écrit-il dans une autre lettre, « je vous en conjure, ayez à cœur de faire toutes choses dans la
concorde, sous la présidence de l’évêque qui tient la place de Dieu, des
presbytres qui tiennent la place des saints Apôtres, et des diacres qui me sont
si chers, à qui a été confié le service de Jésus-Christ »[14].
Dans sa lettre aux Philippiens,
Saint Polycarpe suppose aussi la
hiérarchie à trois degrés. Il se présente avec ses presbytres et traite des
qualités qu’il exige des presbytres et des diacres. Il demande aux jeunes gens
de se soumettre « aux presbytres et
aux diacres comme à Dieu et au Christ. »[15]
Ainsi, au début du IIe siècle, l’institution ecclésiastique locale selon
la hiérarchie évêque, prêtres et diacres est déjà mise en place et reconnue au
point que « celui qui agit en-dehors
de l’évêque, du presbyterium et des diacres » sont considérés « en dehors du sanctuaire » et
« pas pur de conscience »[16].
L’Eglise locale ne peut être conçue comme séparée de cette hiérarchie. « Sans eux, on ne peut parler d’Eglise. »[17]
Une organisation définitivement
fixée au IVe siècle
Pourtant, il ne semble pas que
les termes soient définitivement fixés dans toute l’Eglise. Ainsi, Saint Irénée
(v.140-v.200), évêque de Lyon, désigne son maître, l’évêque Saint Polycarpe, du
nom de presbytre, ainsi que d’autres évêques romains.
Mais au IVe siècle, le terme de « presbytre » ne désigne désormais que le prêtre. Ainsi, au
concile régional d’Elvire (300-303), où se réunissent vingt évêques de la
province hispanique, le triptyque hiérarchique que constituent distinctement l’évêque,
le presbytre et le diacre est établis.
Les persécutions achevées et
vivant enfin de la liberté, l’Eglise se réunit en 324 dans un premier concile œcuménique, le concile de Nicée.
Elle affermit alors ce qu’elle a construit dans la clandestinité et
officialise, pour toute l’Eglise, la structure locale basée sur la hiérarchie
que constitue l’évêque, les prêtres et les diacres qui sont attachés à un
territoire, le diocèse, pour lequel ils sont ordonnés, combattant ainsi contre
les abus provenant de leur instabilité. D’autres canons défendent l’autorité de
l’évêque et des prêtres, et exigent de leur part dignité et pureté de vie.
Conclusions
Saint Jean Bosco |
En outre, comme le souligne
encore Saint Ignace, les fidèles comme les diacres doivent se soumettre aux
prêtres comme ces derniers doivent obéir à leur évêque. Le rôle des prêtres dans la prédication, la discipline, la liturgie, …,
n’est donc pas anodin, et cela depuis leur origine. Ce n’est pas un hasard
si des Pères de l’Eglise ou des conciles, dont celui de Trente, ont exigé de
leur part de nombreuses qualités et ont œuvré pour les rendre plus efficaces et
dignes de leur ministère. Leur négligence, leur discrédit ou leur désobéissance
sont souvent une des causes des crises que l’Eglise a connues dans son histoire
et qu’elle connaît de nos jours.
Pour éviter les divisions que
suscite notamment l’hérésie, Saint Ignace nous rappelle aussi de l’importance de l’unité de l’Eglise locale
autour de l’évêque comme l’unité de l’Eglise toute entière autour du pape.
Or, en s’attaquant aux prêtres, nombreux sont ceux qui veulent remettre en
cause cette hiérarchie et l’idée même de hiérarchie dans l’Eglise. Luther, qui
la refusait avec acharnement, n’y voyait qu’invention des papes, ignorant
finalement son origine apostolique. Leurs
attaques ébranlent finalement l’unité de l’Eglise.
Notes et références
[1] Le terme
d’« épiscope » signifie
« surveillant ».
[4] Saint
Clément, Epître aux Corinthiens, XLIV, 3.
[5] Saint
Clément, Epître aux Corinthiens, XLIV, 3.
[6] Si cette
œuvre est bien connue des Pères de l’Eglise, le texte n’a été retrouvé qu’en
1875 et publié pour la première fois en 1883. Il nous renseigne sur la vie
chrétienne, sur la liturgie du baptême et de l’Eucharistie, sur l’enseignement
catéchétique que recevaient les chrétiens du premier siècle mais aussi sur
l’organisation de l’Eglise.
[7] Dans
certaines versions de la Didaché, au lieu de « presbytre », est mentionné le terme
d’« épiscope ».
[8] Saint
Ignace, Lettre aux Ephésiens, III, 2.
[9] Saint
Ignace, Lettre aux Smyrniotes, VIII, 2.
[10] Saint
Ignace, Lettre aux Ephésiens, III, 3.
[11] Voir Lettre
aux Magnésiens, Saint Ignace, III, 1-2.
[12] Saint
Ignace, Lettre à Philadelphie, IV, 1.
[13] Saint
Ignace, Lettre à Polycarpe, VI, 1.
[14] Saint
Ignace, Lettre aux Magnésiens, VI, 1.
[15] Saint
Polycarpe, Lettre aux Philippiens, V, 5 .
[16] Saint Ignace,
Lettre
aux Tralliens, VII, 1.
[17] Saint Ignace,
Lettre
aux Tralliens, III, 1.