La
Sainte Écriture est d’une grande clarté pour celui qui veut bien L’entendre. Il
ne s’agit pas de l’interpréter selon notre bon plaisir ou selon ce que nous
voulons qu’elle nous dise. Nos interprétations n’ont pas pour but de confirmer
ce que nous voulons croire ou de nous rassurer dans nos opinions. Il s’agit avant
tout d’être docile à sa lumière, à la
vérité. Il est si facile de l’interpréter selon nos désirs ou selon des
doctrines auxquelles nous avons adhéré plus ou moins consciemment. C’est ainsi
que certains commentateurs défendent leurs erreurs en se confortant sur la
Saint Écriture ou plutôt sur une certaine interprétation. Le défenseur de la foi doit alors dévoiler
leur forfaiture et montrer que leur regard sur les textes sacrés est biaisé.
Mais des critiques plus subtiles peuvent alors nous reprocher le manque d’objectivité
de nos interprétations. Nous ferions comme nos adversaires, usant des mêmes
artifices, plus ou moins volontairement. Qui peut garantir que deux mille ans
après avoir prononcé des paroles et les avoir retranscrites, nous soyons encore capables de les entendre ?
L’attaque est redoutable. Il faut donc revenir au premier temps pour confirmer ce
que nous croyons fermement.
La primauté de Saint Pierre est évidente pour celui qui
veut entendre les Évangiles. Elles suffiraient à répondre à tous ceux qui
veulent la remettre en cause. Alors pour ceux qui en doutent, allons au-delà
des paroles. Revenons en ces premières années où les apôtres doivent bâtir l’Église.
Quelques
décisions et faits significatifs témoignant l’autorité de Saint Pierre
Après
l’Ascension de Notre Seigneur Jésus-Christ, les apôtres sont réunis dans le
cénacle. Puis, Saint Pierre se lève et raconte l’histoire de Judas. Il propose
de le remplacer par un « de ceux qui
se sont unis à nous pendant tout le temps où le Seigneur Jésus a vécu parmi
nous, à commencer du baptême de Jean, jusqu’au jour où il a été enlevé d’au
milieu de nous. » (Act. Ap., I, 21) Saint Pierre est à l’origine de
l’élection de Saint Matthias.
Au
jour de la Pentecôte, se présentant avec les onze apôtres, Saint Pierre élève
sa voix et parle aux hommes de Judée. C’est
le premier à parler ouvertement et de manière publique. Il leur prêche
longuement. « Et par beaucoup
d’autres discours encore, il rendrait témoignage, et il les exhortait […] Ceux
donc qui reçurent sa parole furent baptisés » (Actes des Apôtres, II, 40-41).
C’est encore le premier à confirmer ses
paroles par des miracles. Nous apprenons aussi qu’après ces discours et des
miracles, le Grand Conseil arrête Saint Pierre et Saint Jean.
À
ces juges, Saint Pierre parle avec autorité. Plus tard, le roi Hérode
l’emprisonne, « voyant que cela
plaisait aux Juifs » (Act. Ap., XII, 3). Hérode a en effet compris la place que
tient Saint Pierre chez les chrétiens. Alors qu’il a tué Saint Jacques, dit le
Majeur, il ne le tue pas encore. Il est bien trop important.
La
jeune communauté des fidèles connaît rapidement ses premières trahisons. Ananie
et Saphire vendent un champ et fraudent sur son prix. Ils en apportent une partie
aux apôtres. Saint Pierre dévoile à
Ananie son mensonge et son vol. « Tu
n’as pas menti aux hommes, mais à Dieu. » (Act. Ap., V, 4) La
sanction est immédiate. « Or,
entendant ces paroles, Ananie tomba et expira » (Act. Ap., V, 5) Quand Saphire ment à son tour à Saint Pierre, ignorant ce qui s’est passé, elle
connaît le même sort. Dès que Saint Pierre a fini de parler, elle succombe,
rejoignant son mari. C’est encore Saint
Pierre qui confond Simon le Magicien.
Alors
que l’effort des apôtres est concentré sur les Juifs, Saint Pierre convertit les premiers païens après en avoir reçu une
vision. Un ange a aussi demandé à Corneille d’appeler Saint Pierre. « En vérité, je vois que Dieu ne fait point
acception des personnes ; mais qu’en toute nation celui qui le craint et
pratique la justice, lui est agréable. » (Act. Ap., X, 35) Et
voyant le Saint-Esprit descendre sur eux, « il ordonna qu’ils fussent baptisés au nom du Seigneur Jésus-Christ. »
(Act.
Ap., X, 48) Devant son acte, les autres apôtres sont surpris. « Pourquoi es-tu entré chez des hommes
incirconcis, et as-tu mangé avec eux ? » (Act. Ap., X, 3) Saint
Pierre raconte les événements. « Ils
se turent, et glorifièrent Dieu. » (Act. Ap., XI, 18)
Plus
tard, une dispute sur les Gentils divise les chrétiens à Antioche. Certains
fidèles veulent leur imposer la loi de Moïse alors que d’autres trouvent ce
joug inutile. « Les apôtres et les
prêtres s’assemblèrent donc pour examiner cette question. Mais après une grande
discussion, Pierre, se levant […] » (Act. Ap., XV, 7). Saint
Pierre est le premier à prononcer un discours qui défend la conversion des Gentils
et professe la doctrine du salut. « C’est
par la grâce du Seigneur Jésus-Christ que nous croyons être sauvés, comme eux
aussi. » (Act. Ap., XV, 11) Saint Jacques confirme les paroles de Saint
Pierre. La cause est donc entendue.
Ces
faits montrent que Saint Pierre a exercé une
autorité particulière dans l’Église. Quand les apôtres se réunissent pour
prendre une décision, ou quand il faut parler aux apôtres après des
discussions, c’est lui qui se lève et parle. Il prend aussi des décisions
fondamentales. Il sanctionne des fidèles. Il parle devant des autorités. Personne
ne conteste son autorité. Certes, les apôtres aussi prêchent, guérissent et
décident comme nous le voyons dans les Actes des Apôtres, mais Saint Luc les
mentionne sans les distinguer. Saint Pierre est le seul qui est nommément
mentionné. Il y a bien Saint Pierre et
les autres.
L'incident d'Antioche : Saint Paul réprimande Saint Pierre
Après
sa conversion, Saül se rend à Jérusalem « pour voir Pierre », et il demeure avec lui quinze jours. (Galates,
I, 18) Cette volonté de le rencontrer nous montre encore la place qu’il occupe dans l'Église.
Pourtant, dans la même épître, Saint Paul revient longuement sur son attitude à
l’égard de Saint Pierre, dont son comportement est jugé « repréhensible » (Galates, II, 11), à Antioche.
Remarquons que certains commentateurs s’appuient sur ce récit pour nier la
place de Saint Pierre dans l’Église.
Revenons donc sur ce récit[1]. Nous l'avons déjà évoqué pour traiter d’un autre sujet. Saint Pierre et Saint
Paul mangent avec des Gentils convertis. Or, la loi juive interdit cette mixité
afin que les fidèles ne contractent pas des impuretés au contact des Gentils. Quand des envoyés
de Saint Jacques se présentent, Saint Pierre se sépare de ses compagnons, « craignant ceux qui étaient incirconcis »(Galates,
II, 12). Certains suivent son attitude. Alors « quand je vis qu’ils ne marchaient pas droit selon la vérité de
l’Évangile, je dis à Cephas devant tous : si toi, Juif tu vis à la manière
des gentils, et non en juif, comment forces-tu les gentils à judaïser ? »
(Galates,
II, 14)
L’incident d’Antioche ne révèle pas un
conflit d’autorité. Elle ne remet pas
non plus en cause l’enseignement de Saint Pierre qui s’est nettement déclaré
sur le sujet lors du concile de Jérusalem. En fait, Saint Pierre n’a pas d’autres
intentions que d’éviter de scandaliser les chrétiens circoncis de Jérusalem, c’est-à-dire
ceux envoyés par Saint Jacques, particulièrement soucieux des observances de la
Loi, pratiques que les apôtres n’ont pas proscrites. Seuls sont dispensés à les
suivre les Gentils convertis. C’est donc par condescendance envers les Juifs
convertis et pour éviter un scandale qu’il quitte la table des incirconcis. Nous voyons ainsi manifester ce qui peut être considéré comme un
geste de prudence de la part d’un chef. Mais en fait, ce geste est dangereux.
Il semble faire croire à une dualité entre les Juifs et les Gentils convertis,
compromettant ainsi l’avenir de l’Église. Le problème que soulève cet incident
n’est donc pas doctrinal.
Pouvons-nous cependant en conclure à une remise en
cause de l’autorité de Saint Pierre ? Selon Saint Augustin, cet incident
le confirme au contraire. Saint Paul ne
serait pas intervenu de cette façon si Saint Pierre n’était pas le chef de
l’Église. Toute son attitude est une confirmation de la préséance de Saint
Pierre. Pour Saint Augustin, c'est un « exemple plus saint et plus rare que celui de Saint Paul, qui veut que nous osions résister à de plus grands que nous pour la défense de la vérité évangélique, sans jamais blesser cependant la charité fraternelle »[2]. Saint
Paul nous éclaire également sur l’importance de la charité qui doit dépasser le
simple respect humain. Il montre enfin les problèmes concrets que soulève l'apostolat.
Saint Pierre ne dirige pas l’Église
comme les maîtres de ce monde.
Il est un Pasteur soucieux de ses brebis. Par son attitude, il peut se
tromper, croyant bien faire. En dépit de ses privilèges, il demeure en effet un homme. Il
ne dispose pas non plus d’une autorité absolue. Fort de son zèle et de ses
activités apostoliques, Saint Paul est plus clairvoyant que Saint Pierre.
Mais
faut-il alors voir, comme l’ont fait des adversaires de l’infaillibilité
pontificale, Saint Pierre comme le chef des Juifs convertis et Saint Paul celui
des Gentils convertis, égaux en termes d’autorité même doctrinale,
remettant ainsi en cause l’unique autorité de Saint Pierre ? Certes, les
activités apostoliques ont été réparties pour plus d’efficacité et pour
répondre à Notre Seigneur Jésus-Christ mais cela n’implique pas une dualité
dans l’autorité comme nous l’avons montré dans un précédent article[3].
Remarquons que Saint
Pierre ne s’offusque pas des remarques de Saint Paul. Le chef de l’Église n’est
pas un despote, cherchant à imposer une autorité absolue. Il y a en effet place à certaines autorités. Saint Jean et Saint
Jacques le Majeur en sont aussi d’autres exemples. Comme le demande Notre
Seigneur Jésus-Christ, Saint Pierre ne dirige pas l’Église comme les puissances
d’ici-bas.
Conclusion
Notre
Seigneur Jésus-Christ investit Saint Pierre comme chef de son Église. Telle est
la conclusion évidente que nous tirons des Évangiles. Dans les premières
années, alors que l’Église prend naissance, Saint Pierre assure en effet nettement une fonction de chef, même si
d’autres apôtres assument des fonctions particulières, y compris doctrinales,
comme Saint Paul. Il exerce une véritable autorité conformément aux paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ. Son attitude et ses décisions manifestent
bien qu’il est le premier des apôtres. Dans l’Église, Saint Pierre n’exerce
pas uniquement une primauté d’honneur. Il exerce une primauté de juridiction
qu’il a reçue directement et personnellement de Notre Seigneur Jésus-Christ. Il
a été choisi et a vécu comme son vicaire sur terre…
Notes et références
[1]
Voir Émeraude,
mai 2015, article « Christianisme
: la vocation des nations, l'universalité du salut ». L’incident d’Antioche est étudié pour
montrer que le christianisme n’est pas le résultat d’une dualité entre les
Juifs et les Gentils, les premiers représentés par Saint Pierre, les seconds
par Saint Paul.
[2] Saint Augustin, Lettre à Saint Jérôme, LXXXII, 22, Œuvres complètes de Saint Augustin, sous la direction de M. Poujoulat et de M. l'abbé Raulx, Bar-le-Duc, 1864-1872, www.abbaye-saint-benoit-ch.
[3]
Voir Émeraude,
mai 2015, article « Christianisme
: la vocation des nations, l'universalité du salut ».
Manifestations de la primauté de Pierre : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2016/02/03/les-manifestations-de-la-primaute-de-saint-pierre-dans-le-nouveau-testament/
RépondreSupprimerSur l'affaire d'Antioche : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2016/03/05/lincident-dantioche-saint-paul-etait-il-superieur-a-saint-pierre/