L’Annonciation
Comme nous l’avons déjà évoqué dans un de nos articles[3], la salutation nous
renvoie à la promesse messianique d’Isaïe : « Et
le prophète dit : Écoutez donc, maison de David : est-ce peu pour vous d’être
fâcheux aux hommes, puisque vous êtes fâcheux même à mon Dieu ? À cause de cela
le Seigneur Lui-même vous donnera un signe. Voilà que la vierge concevra
et enfantera un fils, et son nom sera appelé Emmanuel. Il mangera du beurre et
du miel, en sorte qu’il sache réprouver le mal, et choisir le bien. »
(Isaïe, VII, 13-15) En effet, l’ange annonce à Sainte Marie qu’elle
concevra un enfant. « Vous concevrez dans votre sein, et vous
enfanterez un fils à qui vous donnerez le nom de Jésus. » (Luc,
I, 21) Or, elle s’étonne d’une telle annonce puisqu’elle ne connait point d’homme, c’est-à-dire qu’elle est vierge. L’ange lui
révèle alors le mystère de l’Incarnation. « L’Esprit Saint
surviendra en vous, et la vertu du
Très-Haut vous couvrira de son ombre. C’est pourquoi la chose sainte qui naîtra
de vous sera appelé Fils de Dieu. » (Luc, I, 35) Une
juive ne peut ignorer le sens de ces paroles. La réponse de l’ange nous renvoie
au Messie tant attendu. Elle nous révèle également que sa virginité sera
préservée. Nous pouvons alors nous demander pourquoi elle est sujette à un si
grand bienfait ? L’ange nous donne encore une
réponse : elle a « trouvé grâce devant Dieu » (Luc,
I, 30).
Saint Matthieu évoque brièvement le mystère de l’Incarnation.
« Il se trouve qu’elle avait conçu de l’Esprit Saint. » (Matthieu,
I, 28). Il nous le précise pour nous raconter les réactions de Saint Joseph.
Sainte Marie était déjà fiancée à Saint Joseph de la maison de David comme nous
l’apprend encore Saint Luc. Les fiançailles juives ont un sens très proche de
celui du mariage religieux. Ils en
confèrent tous les avantages, exception faite de la cohabitation.
Pendant un an pour les vierges, un mois pour les veuves, la fiancée était
placée sous la loi de celui à qui était promise. Les relations conjugales
étaient en principe interdites. La fidélité était une obligation stricte dans
cet état prénuptiale. L’infidélité était tenue pour adultère. Si elle était
dénoncée par le fiancé, elle était alors condamnée à la suprême sentence,
c’est-à-dire à la lapidation comme nous l’enseigne le Deutéronome
(cf. XXII). Par conséquent, la grossesse de Sainte Marie durant ses fiançailles
ne parait pas fautive ou scandaleux tant que Saint Joseph ne la dénonce pas.
Or Saint Joseph est un homme juste, c’est-à-dire fidèle aux
commandements de Dieu. Constatant la grossesse de Sainte Marie et selon la loi
divine, il devrait « la renvoyer » (Matthieu, I,
19) mais comme il ne veut point la diffamer, il veut « la renvoyer secrètement ».
Mais, dans son sommeil, la voix d’un ange intervient pour le rassurer et lui
révéler à son tour le mystère de l’Incarnation.
« Joseph, fils de David, ne crains point de prendre avec toi
Marie, ta femme, car ce qui a été engendré en elle est du Saint
Esprit ; elle enfantera un fils
auquel tu donneras le nom de Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses
péchés. » (Matthieu, I, 20-21) C’est encore l’annonce du
Messie, du Rédempteur… Ainsi « il ne l’avait point rencontrée, quand
elle enfanta son fils premier-né, à qui elle donna le nom de Jésus. » (Matthieu,
I, 25)
La Sainte Écriture nous révèle donc que Sainte Marie est bien
celle annoncée par les promesses messianiques, notamment la prophétie d’Isaïe
qui révèle qu’une Vierge doit donner naissance au Messie. Elle nous apprend aussi
la raison qui explique son élection. Reprenons encore les mots qu’emploie l’ange
quand il vient la saluer. Elle est « pleine de grâces » et « bénie
entre toutes les femmes » (Luc, I, 8). Sa réaction aux
révélations de l’ange manifeste aussi en elle une profonde douceur et une
véritable humilité.
La Visitation
Au moment même où elle salut Sainte Élisabeth, l’enfant qui
repose dans ses entrailles, le futur Saint Jean-Baptiste, tressaillie dans son
sein. « Remplie de l’Esprit-Saint », Sainte Élisabeth « s’écria
d’une voix forte : vous êtes bénie entre les femmes et le fruit de vos
entrailles est béni. » (Luc, I, 42). Elle loue ensuite sa
foi. « Bienheureuse vous qui avez cru » » (Luc,
I, 45). Sainte Marie lui répond alors par de magnifiques paroles, que nous
nommons couramment le Magnificat, qui rappellent d’éminents
versets bibliques « Mon âme glorifie le Seigneur, et mon esprit
tressaillit d’allégresse en Dieu mon Seigneur. » (Luc,
I, 46-47) La Sainte Vierge connait parfaitement les Saintes Écritures. Elle en
est complètement imprégnée. Il est vrai que la connaissance et l’usage des
textes saints sont des traits caractéristiques des juifs de cette époque.
L’Annonciation et la
Visitation sont les deux grandes scènes qui nous mettent en présence de
Sainte Marie. Nous l’apercevons ensuite à Bethléem où elle donne naissance à
Notre Seigneur Jésus-Christ mais sa présence reste discrète. Nous sommes surtout
en présence de la Sainte Famille qui accueille les bergers et les mages, et
fuie ensuite en Égypte pour éviter le massacre des innocents.
La présentation au Temple
Conduit par le Saint Esprit, un vieillard nommé Siméon, qui
attend « la consolation d’Israël » ou encore « la
rédemption d’Israël », c’est-à-dire le salut messianique, rencontre
Sainte Marie dans le parvis des femmes, une des cours du Temple. C’est là où se
déroule la cérémonie de purification, devant la porte Nicanor, celle qui
communique le parvis des femmes avec celui d’Israël. Au moment où il la voie, il
chante et bénit Dieu d’avoir répondu à ses attentes. « Mes yeux n’ont
plus rien à voir maintenant, puisqu’ils ont vu le salut, ce salut que vous avez
préparé à la face de tous les peuples : lumière qui fer les nations de
leur ténèbres, et gloire de votre peuple d’Israël. » (Luc,
II, 29-31) Siméon proclame ainsi la venue du Messie en cet enfant, le sauveur
de tous, juifs et gentils. Saint Joseph et Saint Marie sont dans l’admiration
des paroles de ce vieillard. S’ils ne sont pas étonnés de l’annonce, ils sont néanmoins
surpris qu’elle soit connue par d’autres.
Le cantique de Siméon ne s’arrête pas là. Le ton devient plus
grave. Il s’adresse directement à Sainte Marie. Reprenant encore une prophétie
d’Isaïe, il la prévient que son enfant est marqué et prédestiné pour la chute
et le relèvement de beaucoup en Israël, partageant le monde en deux clans, ceux
qui refusent la lumière et ceux qui la reçoivent. Il sera un signe de
contradiction, élevé très haut, au
regard de tous. La contradiction qu’il rencontrera et la souffrance qu’elle
suppose auront leur contrecoup dans l’âme de Sainte Marie : « et
vous-même, votre âme sera transpercée d’un glaive à deux tranchants. »
(Luc, II, 35)
Anne, appelée la prophétesse, veuve et très avancée en âge,
servant Dieu dans les jeûnes et les continuelles prières, survint et bénit à
son tour le Seigneur. Elle « parlait de l’enfant à tous ceux qui attendaient
la rédemption d’Israël. » (Luc, II, 37)
Le recouvrement de Jésus
Notre Seigneur leur répond avec simplicité par des paroles
douces et affectueuses. « Pourquoi me cherchiez-vous ?
Ignoriez-vous qu’il faut que je sois aux
choses qui regardent mon Père ? » (Luc, II, 49) Il s’étonne en effet qu’ils puissent être
anxieux alors que ce qu’ils savent de Lui devrait les rassurer. Sa réponse nous
révèle qu’ils savent ce qu’Il est. Pourtant, selon la Sainte Écriture, ils « ne
comprirent pas ce qu’Il leur disait. » (Luc, II, 50)
Sans-doute, ils ne comprirent pas toute la réalité future, tout ce qu’Il allait
accomplir…
Vingt ans après, la Sainte Vierge en est pleinement
consciente. C’est elle qui Lui demande de faire son premier miracle public,
inaugurant ainsi sa mission de Rédempteur. Et le Vendredi saint, jour
ultime de la Passion, elle n’ignore plus
rien des exigences effrayantes de son Père.
Les Noces de Cana
Aux noces de Cana, petite bourgade proche de Nazareth, Sainte
Marie est la première à s’apercevoir de la détresse où vont se trouver ses
hôtes. Le vin manque. Elle s’incline alors vers Notre Seigneur Jésus-Christ et
lui dit simplement et tranquillement à voix basse : « ils n’ont
plus de vin. » (Jean, II, 3). Cette formule montre
combien elle connaît son Fils et Le respecte. Elle exprime surtout sa confiance
et leur complicité. Notre Seigneur comprend en effet tout de suite les paroles
de sa Mère. Si sa réponse nous semble à première vue dure et distante, alors
qu’elle n’est ni un reproche, ni une réprimande, réels ou simulés[4], Il réalise ce qu’elle lui
a demandé. Tout se passe en effet comme si le miracle était accordé. La Sainte
Vierge n’a pourtant aucune hésitation. « Tout ce qu’Il vous dira,
faites-le » (Jean, II, 5), dit-elle à ceux qui servent.
C’est donc par une demande de la Sainte Vierge que Notre Seigneur réalise son
premier miracle et entre dans son ministère public.
Au pied de la Croix
L’apercevant auprès de Saint Jean, Notre Seigneur
Jésus-Christ dit à sa Mère : « Femme, voilà votre fils » et à son apôtre : « Voilà
ta mère. » (Jean, XIX, 17). Saint
Marie est ainsi confiée au plus aimé de ses disciples. Comme nous
l’avons déjà indiqué dans un autre article, le terme « femme »,
terme français plutôt froid et distant, traduit en français un mot araméen
plutôt déférent et nuancé de tendresse.
La Sainte Écriture nous apprend enfin que « depuis
cette heure-là, le disciple la prit avec lui. », ce qui signifie que Sainte Marie le suit jusqu’à
Éphèse en Asie Mineure.
Dans les Actes des Apôtres (I, 14),
Saint Luc évoque Sainte Marie, réunie avec les apôtres dans le Cénacle,
persévérant dans la prière avant que le Saint Esprit ne descende sur eux le
jour de la Pentecôte.
Sainte Marie, un personnage discrète dans les Évangiles
La discrétion du personnage de Marie est en étroit rapport
avec la discrétion des textes sacrés qui nous parlent d’elle comme nous venons
de le voir. Alors que la vie de Notre Seigneur Jésus-Christ est rapportée par
les quatre évangélistes, seul Saint Luc nous rapporte dans une certaine
continuité les faits se rapportant à la Sainte Vierge, que confirme notamment Saint
Matthieu puis Saint Jean. Les points qu’évoquent aussi les auteurs sacrés sont
que Sainte Marie, vierge, a conçu du Saint Esprit et que son époux est Saint
Joseph.
Faut-il en être surpris ? Les évangélistes cherchent
surtout à témoigner de Notre Seigneur Jésus-Christ, les faits qui se rapportent
à lui ainsi que ses paroles selon une intention particulière. Seul Saint Luc écrit
son récit à partir de témoignages et d’enquêtes. Il le tient très certainement
de Sainte Marie elle-même, qui, comme il le note, « conservait
toutes ces choses en son cœur. » (Luc, II, 51). Plus
porté davantage dans son évangile sur la spiritualité contrairement aux trois
autres, Saint Jean mentionne les Noces de Cana, qui, sans être fondamentales,
présentent des traits caractéristiques qu’il ne peut que souligner. Ensuite,
Saint Jean était auprès de Sainte Marie après la crucifixion. Ce disciple
bien-aimé a eu la force d’âme de ne pas quitter Notre Seigneur Jésus-Christ
lors de son supplice. Saint Jean rapporte aussi quelques faits dont il a été
témoin. Alors qu’elle était lumineuse dans les premières pages de l’Évangile
selon Saint-Luc, elle réapparaît douloureuse au pied de la Croix comme
l’avait prédit Simon…
Conclusion
Mais au-delà de ces vertus qui méritent amplement notre
vénération, Sainte Marie reste au centre d’un mystère, celui de l’Incarnation.
En cet instant suprême, dans son fameux Fiat et par sa réponse, l’histoire de
l’humanité est bouleversée. La promesse tant attendue est enfin réalisée. Une
nouvelle alliance se réalise par elle. Et pour cela, Dieu se sert d’une jeune
femme qui collabore pleinement à l’œuvre du salut par son obéissance, sa foi,
d’une manière toute spéciale. Elle est devenue la Mère de Dieu…
Faut-il alors s’étonner de la présence discrète de Sainte
Marie et donc du rôle important qu’elle occupe dans l’Église ? Ils
nous renvoient en fait au mystère de la maternité divine de la Sainte Vierge et
donc à celui de la naissance de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui eux-aussi
demeurent très discrets dans les Évangiles. Tout se déroule dans le silence
d’une nuit, dans un village qui n’attire guère l’attention, sans bruit ni
fanfare. Il est alors étonnant que ceux qui croient en sa maternité soient
surpris du rôle de Sainte Marie en raison même de cette discrétion qui recouvre
aussi bien la Sainte Vierge que le mystère de l’Incarnation ...
Notes et références
[1] Voir Émeraude, août 2021, article « Sainte Marie, point d''achoppement et signe de vérité ... Le protestantisme...».
[2] Voir Émeraude, février 2017, article « La doctrine de Luther ».
[3] Voir Émeraude, août 2015 article « La prophétie d'Isaïe : "la vierge concevra et enfantera un fils"».
[4] Voir Émeraude, août 2022, article « Sainte Marie, point d'achoppement et signe de vérité... Le protestantisme...
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