Depuis 1880, par les lois de
Jules Ferry, l’enseignement est rendu public et gratuit. Nous pouvons nous en
féliciter. « C’est le fruit d’un
long chemin que celui qui a mené à l’école d’aujourd’hui. »[1]
Précisons néanmoins que cette gratuité ne concerne que l’école primaire. Le
site gouvernemental nous informe que de 1880 à 1900, « l’école élémentaire accueille la
quasi-totalité des enfants scolarisables »[2].
Mais avant ces fameuses lois, comment
était instruits les enfants ? Ou dit autrement, les fondateurs de
l’école laïques sont-ils les bienfaiteurs de la nation en raison de la
laïcité qu’ils nous imposée à l’enseignement public et à l’école primaire ?
Pourtant, selon de nombreux
discours, la réponse peut paraître évidente. Certains documents nous informent en
effet qu’avant ces fameuses lois, seuls les bourgeois pouvaient s’instruire ou
que l’école se faisait par l’intermédiaire de précepteurs. Nous pouvons lire
dans une revue que le savoir était inaccessible aux enfants des classes
populaires[3].
Manuel Valls, alors premier ministre, s’exclame que « parmi les grandes avancées républicaines, il y a l’école. L’école
laïque, gratuite et obligatoire. »[4]
Il rajoute que « la république a
fait l’école ». Finalement, nous finirions par croire qu’avant la IIIe
république, il n’y avait pas d’école ou que l’école n’était réservée qu’à une
élite. Pouvons-nous vraiment y croire ? Pourtant, nombreux sont ceux qui
croient encore que la république a
institué l’école gratuite, ce qui a mis fin à l’obscurantisme.
Au XIXe siècle, le système
scolaire est composé de lycées d’état, d’écoles secondaires, constituées de
collèges communaux, d’institutions privées, ou encore de pensionnats et
d’écoles primaires dont certains relèvent de l’État, d’autres de l’Église ou
d’associations.
Sous la Monarchie de
Juillet, Guizot[5]
réorganise l’école primaire, obligeant les municipalités de créer une école
primaire de garçon et de payer le maître. L’enseignement public est payant. Les
instituteurs étant mal rémunérés sont dans l’obligation d’occuper un second
emploi.
Sous la IIe république, il
est rappelé que toutes les communes doivent entretenir une école, y compris
pour les filles selon le nombre d’habitants. L’école est toujours payante, sauf
pour les pauvres qui reçoivent une bourse.
Mais l’école ne se résume pas à celle qui relève de l’État. Plus de la
moitié des enfants sont en effet scolarisés dans les écoles catholiques, tenues
soit par des religieux, soit par des congrégations. En outre, certains
enseignants des écoles publiques sont des religieux ou des congréganistes. Il
existe aussi des écoles relevant d’associations comme celles de la Libre
pensée.
L’école, une constante
préoccupation de l’Église
Les
écoles ont en fait toujours subsisté, y compris au Moyen-âge.
Les guerres et les épidémies ont certes ralenti, voire les ont remises en
cause, mais la paix revenue, elles se sont développées de nouveau. « On a cru longtemps que le Moyen-âge n’avait
connu rien qui ressemblât à ce que nous appelons l’instruction primaire. C’est
une grave erreur ; il est fait à chaque instant mention d’écoles dans les
documents où on s’attendait le moins à trouver des renseignements de ce genre,
et l’on ne peut douter que pendant les années, même les plus agitées du XIVe
siècle. Ce siècle, la plupart des villages n’aient eu des maîtres enseignants
aux enfants la lecture, l’écriture et un peu de calcul. »[6]
Nous le savons en partie grâce aux procès-verbaux des évêques qui avaient la charge de visiter les paroisses et d’inspecter leur école. Les registres des anciennes chancelleries épiscopales permettent aussi d’accéder aux actes de nominations des maîtres et aux discussions touchant les difficultés de l’administration.
Cependant, au XVe siècle et jusqu’à la moitié du XVIe
siècle, l’enseignement primaire est déplorable. Les différentes guerres,
qui ont affligé l’Europe et dévasté le royaume de France, en sont certainement
la raison principale. En 1576, l’évêque d’Évreux admire le zèle de ses pères
pour l’instruction de la jeunesse pour mieux déplorer « la négligence ou plutôt la conduite
sacrilège de notre siècle où l’on a vu les gentilshommes, les paroissiens
usurper ou aliéner les maisons d’école et les biens qui y avaient été affectés,
de telle sorte qu’à peine trouve-t-on maintenant une école ou un maître, nous
ne dirons pas dans les campagnes, mais dans les villes et même les cités les
plus considérables. »[10]
Le développement des écoles
à partir du XVIIIe siècle
Au XVIIIe siècle, les
enfants sont instruits soit par des cours particuliers données par des
précepteurs, soit par des écoles. Peu confiante à l’instruction fournie au
niveau de la commune, les familles les
plus aisées choisissent le préceptorat. Celle-ci reste néanmoins marginale.
La plupart des enfants sont instruits
dans les écoles communales, paroissiales ou encore dans les écoles dites de
charité. Cependant, quelle que soit l’école, sa fondation nécessite
l’autorisation de l’évêque, que rappelle une déclaration royale de février
1657.
Les différents types
d’écoles
Il faut en effet distinguer plusieurs types d’écoles. Les
écoles que nous appelons écoles communales
relèvent des habitants de la commune. Ces derniers en assurent le financement,
notamment le paiement du maître d’école, par l’impôt, par des dons ou encore
par un droit d’écolage. L’école peut aussi devenir payante. Les écoles paroissiales relèvent du
curé. Elle est gratuite. Le curé peut s’appuyer sur l’aide des congrégations enseignantes
qui apporte alors une instruction de qualité. Enfin, les écoles de charité sont dédiées aux orphelins et aux enfants
abandonnés. Elles sont entretenues par les bureaux des pauvres en charge des
hôpitaux généraux. Des prêtes se dévouent aussi à cette tâche comme ceux de la
paroisse Saint-Nicolas-du-Chardonnet à Paris dès 1636.
Les écoles communales
peuvent être mixtes. Cependant, un concile réuni à Bourges en 1584, puis des
Ordonnances diocésaines (1641, 1666) demandent la mise en place d’écoles de
garçons tenues par les hommes, et de filles tenues par des femmes sans que les garçons
et les filles ne puissent être reçus dans les mêmes écoles. L’instruction des filles, qui se
développe depuis le XVIe siècle, est en très grande majorité assurée par des
congrégations.
À
partir de la fin du XVIe siècle, nombreuses sont les congrégations qui se
dévouent à l’instruction. Avec l’approbation de l’évêque, elles
fondent des écoles accessibles à tous et
gratuites. Elles fondent aussi des
écoles de formation d’enseignants. De leurs séminaires de formation,
sortiront aussi de nombreux maîtres d’école. Leur développement a été encouragé par le concile de Trente. La
commune peut leur donner une aide, par exemple pour se loger, ou leur fournir
des sources de revenus.
Le corps des enseignants
Le
corps des enseignants est formé des « maîtres des petites écoles et de pension », qui reçoivent les
enfants de moins de neuf ans, et des « maîtres
écrivains, experts jurés près des tribunaux », qui apprennent à écrire
et poussent l’instruction au-delà des premiers rudiments de grammaire et
d’arithmétique. Ils assurent
l’enseignement dans les écoles communales et exercent parfois d’autres
fonctions en raison d’un revenu faible et précaire. Choisi par la paroisse sur
avis du prêtre, ils reçoivent l’approbation de l’évêque comme tout enseignant. Depuis
le XVIe siècle, les chapitres des églises cathédrales « ont droit de juridiction sur les maîtres
d’école de la ville, excepté sur ceux qui sont sur les ordres des curés et
exercent dans les écoles de charité des paroisses »[11].
La
rémunération des maîtres est constituée du droit d’écolage et
d’avantages en nature. Les parents y contribuent aussi, même si les maîtres des
petites écoles sont tenus de recevoir gratuitement les enfants pauvres. Après l’ordonnance
royale de Louis XIV, nombreux sont ceux qui demandent des gages fixes. Pour
s’assurer de bons maîtres, les habitants sollicitent souvent eux-mêmes des
impositions spéciales. Le départ d’un maître entraîne généralement la
disparition de l’école.
Les difficultés de
l’enseignement
L’instruction
des élèves est rudimentaire, la discipline plutôt faible. En
effet, une classe[12]
regroupe des élèves mais leur instruction se fait individuellement, laissant
donc les autres dans une certaine oisiveté. Il y enseigne la lecture,
l’écriture et le calcul. Le catéchisme et la prière occupent une grande place.
En outre, il est difficile de garantir l’assiduité à l’école
toute l’année ou sur plusieurs années. Les enfants sont une aide précieuse pour
les familles, soit par leur participation aux travaux des champs, soit par les
salaires qu’ils peuvent recevoir. Néanmoins, dans certaines régions, comme sur
les terres du duc de Rethel-Mazarin en 1684, dans les Ardennes, il est ordonné
aux différents employeurs de ne pas embaucher des enfants de moins de quatorze
ans. L’école est en effet obligatoire
pour tous les enfants jusqu’à cet âge à partir de celui de six ans.
Cette volonté d’instruire
les enfants, y compris les plus pauvres, présente encore d’autres difficultés.
D’abord, les maîtres sont en nombre
insuffisant pour répondre aux
besoins. La concurrence entre les écoles est plutôt rude. De nombreux
recours judiciaires entre les différents maîtres et les curés en témoignent. Le
développement des congrégations enseignantes pour répondre aux besoins feront aussi
tendre les tensions entre les différentes catégories d’enseignants. Enfin, si
les congrégations de religieuses développent des écoles de formations au profit
de leurs enseignants, ce n’est pas encore le cas pour les écoles de garçons.
Finalement, avant la révolution de 1789, il existe dans le royaume de France un système éducatif plutôt bien développé, marqué
par la diversité et par l’hétérogénéité géographique. Un effort est mené
pour rendre obligatoire l’école dans les faits et pour prendre en compte les
pauvres. Mais est-il efficace ? En 1686, 21% des mariés savent signer leur
acte de mariage. En 1787, le taux est de 37%. Dans certaines régions comme le
Nord et le Nord-est, et dans les grandes villes comme Paris et Lyon, le taux
est de 80% pour les hommes[13].
Certains historiens ont ainsi montré que l’alphabétisation
des Français ne doit rien à la révolution. Une des principales difficultés
du système éducatif réside dans l’absence de formations de maîtres pour les
écoles de garçon…
À
la fin du XVIIe siècle, de nombreuses écoles tenues par des religieuses sont
proposées aux jeunes filles. À Lyon, nombreuses sont les
congrégations enseignantes dédiées à cette tâche : Ursulines (1606), Tiers-Ordre
de Saint François de Salle (1608), Sœurs de la Visitation (1617), Compagnie de
Marie Notre-Dame (1618), Filles de la Providence (1630)… Notons que certaines
d’entre elles ne sont pas cloîtrées comme les Filles de la Croix (1625) ou ne
sont pas obligées à vivre en communauté comme les Filles séculières de
Saint-Charles (1624), les Filles de Sainte-Geneviève (1658). Certaines de ces
écoles se préoccupent des orphelines. En
dépit de frais de scolarité plutôt faibles, les filles scolarisées appartiennent généralement à des classes
sociales plutôt aisées. La compagnie du Saint-Sacrement contribue aux
financements de ces œuvres multiples. Parmi ces membres actifs, se trouve Charles Démia (1637-1689).
Charles Démia, prêtre
lyonnais, est un des acteurs de
l’enseignement populaire en France que suscite la réforme catholique. Il
est entré au séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, où il est témoin du
succès des petites écoles gratuites de Batancourt, auteur d’un ouvrage intitulé
L’Escole
paroissiale, puis accède au séminaire de Saint-Sulpice établi par
Jean-Jacques Olier, dans lequel il est témoin d’une autre œuvre scolaire.
Ordonné prêtre en 1663, Démia
doit visiter les églises et à leur entretien. Lors de ses missions, il découvre
l’absence d’instruction religieuse des
enfants et le manque de formation des maîtres et des maîtresses. Ainsi, en
1665, au titre de « prêtre,
commissaire député pour la visite des églises de Bresse, Bugey, Dombes, etc. »,
il soumet ses Remontrances… touchant l’établissement des écoles chrétiennes pour
l’instruction des enfants pauvres [14].
Humbles prières et honnêtes supplications, elles proposent la fondation d’école primaire gratuite à l’imitation de celle de
Saint-Nicolas-de-Chardonnet pour mieux ouvrir la jeunesse aux vérités de la foi
et à l’aider à prendre de bonnes habitudes de vie et de prière. Elle est donc
avant tout un lieu d’éducation
chrétienne. Elle sert aussi à apprendre
à lire et à écrire.
Avec le concours des membres
de la compagnie du Saint-Sacrement et de ses amis personnels, et l’appui d’un
héritage, il ouvre une école de garçon
gratuite sur une paroisse de Lyon en 1667. D’autres écoles suivront…
En 1672, Démia est désigné
pour diriger les petites écoles du diocèse. Il en a déjà fondé cinq. Quelques
mois avant sa désignation, il a établi le
premier séminaire français formateur de maîtres, le séminaire
Saint-Charles, qui forme des ecclésiastiques notamment à la pastorale scolaire
indispensable pour tenir les petites écoles. Démia fonde aussi le bureau des écoles composées de
prêtres et de laïcs, et rédige des
règlements pédagogiques pour les écoles de Lyon et du diocèse, ce qui
assure une direction et une cohérence dans l’enseignement. La formation des
maîtresses est aussi prise en compte. Il fonde deux écoles gratuites de filles
puis la communauté des sœurs de Saint-Charles pour le recrutement des
maîtresses.
L’œuvre de Démia se
développe en-dehors du diocèse. Elle suscite en effet de nombreuses émulations. Son séminaire reçoit aussi de nombreux
disciples de tout le royaume.
De nouvelles pédagogies
Les écoles de Démia se
caractérise par de grandes nouveautés
en termes de pédagogies : cadre
scolaire rigoureux, horaire chargé, enseignement méticuleusement progressif et
lent, enseignement mutuel compensant ainsi le manque de maîtres, souci de
stimuler les élèves par la répartition en niveaux de connaissances et par un
système de questions, de « disputes » et d’émulation. L’autre
caractéristique, moins innovant, est l’encadrement
de ses écoles uniquement par des ecclésiastiques.
Pour subvenir aux besoins de
l’école, Démia a généralement recours
aux subventions municipales. Ses Remontrances sont adressées aux
autorités municipales et tentent d’éveiller
leur attention pour les écoles.
Une expérience diverse et
féconde
Démia n’est pas le seul à se
préoccuper de l’éducation des pauvres. Nous pouvons citer le mouvement scolaire
mis en place à Rouen par Adrien Nyel, un
pieux laïc, qui travaille à l’Hôpital général et du bureau des pauvres, et
par le Père Nicolas Barré, spécialiste
de la formation des maîtres et des maîtresses et fondateur d’une congrégation
vouée à l’éducation des filles. Nous pouvons aussi noter le travail du chanoine Nicolas Rolland (1642-1678), fondateur des Sœurs de l’Enfant Jésus de Reims. La
naissance de la maison royale de Saint-Cyr répond aussi aux besoins d’instruire
les jeunes filles pauvres de la noblesse. L’abbé Nyel formera les maîtresses
des petites classes aux nouvelles pédagogies.
Les Remontrances comme les
différentes œuvres scolaires font non seulement de nombreux émules mais elles se
stimulent réciproquement.
La fin du XVIIe siècle voit
donc se développer de nombreuses écoles
pour les pauvres ainsi que de
nouvelles pédagogies plus adaptées au temps, notamment pour faire face à la
pénurie des maîtres.
L’œuvre de Saint
Jean-Baptiste de la Salle
En dépit des travaux
remarquables de Démia, celui-ci demeure aujourd’hui bien inconnu. Il est vrai
qu’une autre œuvre scolaire l’a éclipsé dans notre mémoire, celle de Saint Jean-Baptiste de la Salle.
L’Institut des Frères des écoles chrétiennes est l’œuvre de Saint Jean-Baptiste de La Salle. C’est une congrégation
religieuse de droit pontifical à vœux simples, solennellement approuvée par
Benoît XIII en 1725. Aux vœux classiques de pauvreté, de chasteté et
d’obéissance, les membres ajoutent une consécration totale de leur personne à
la Sainte Trinité. Le règlement établi en 1718 définit l’institut comme une
« Société dans laquelle on fait
profession de tenir les écoles gratuitement. »[RC, f2, 1][15]
Il définit que « la fin de cet
Institut est de donner une éducation chrétienne aux Enfans et cest pour ce
sujet qu’on y tient les Ecoles afin que les enfans y etant sous conduite des
maîtres depuis le matin jusqu’au soir, ces maîtres puissent leur apprendre
abien vivre en les instruisant des misteres de notre Religion en leur inspirant
les maximes chretiennes et ainsi leur donner l’education qui leur
convient. »[RC, f3, 1] L’œuvre
est donc dédiée à l’éducation chrétienne
des enfants, et plus précisément aux
enfants des artisans et des pauvres. Les règles précisent en effet que les
artisans et les pauvres n’ont guère le temps de s’occuper de leurs enfants et
de les instruire. « Il faut donc
qu’il y ait des personnes substituées aux pères et aux mères pour instruire les
Enfans autant qu’ils le doivent être des misteres de la Religion et des
principes d’une vie chretienne. » [RC, f3, 4] Livrés à eux-mêmes et
mal élevés, ces enfants contractent les mauvaises habitudes qui génèrent
souvent péchés et désordre. Le but de l’Institut est de prévenir ces désordres et de procurer
le salut aux enfants en les élevant dans la piété et dans un véritable
esprit chrétien.
Dès l’origine, les membres de l’institut sont tous des
laïcs afin qu’ils se consacrent entièrement, du matin au soir, à l’œuvre.
Néanmoins, ils sont religieux par
les vœux et les différents exercices de piété auxquels ils sont soumis. Tous
sont appelés frères, portent un habit identique et doivent vivre en communauté.
Les règles définissent leurs activités quotidiennes, les actes de piété, les
vertus à pratiquer, etc.
Les règles définissent
l’enseignement à fournir, les comportements à avoir à l’égard des enfants et
bien d’autres points importants et pratiques. Il est notamment précisé que
« ils prendront tres particuliere
garde de ne jamais toucher ni frapper aucun Ecolier de la main ni du pied et de
ne les pas rebuter ni pousser rudement. » [RC f.33 VIII.5]
Les innovations de Saint
Jean-Baptiste de la Salle
Les écoles reçoivent gratuitement tous les pauvres et les
moins nécessiteux. Ils ne sont pas tous inscrits sur les listes de l’aumône
publique. Les enfants reçoivent une éducation et une instruction parfois
meilleures que celle des écoles payantes. En raison de leurs succès, certains
peuvent être de modestes familles bourgeoises. Des familles aisées n’hésitent
pas à envoyer leurs enfants dans ces écoles où se mêlent pauvres et riches. Tous ont droit, gratuitement, à une même instruction et éducation.
Les maîtres des petites
écoles, qui enseignent, moyennant finance, protestent contre cette concurrence et
en arrivent à perturber les classes, à semer le troubler. Des municipalités
veulent aussi limiter la gratuité aux seuls pauvres. Mais Saint Jean-Baptiste
et ses successeurs maintiennent le
principe de gratuité pour tous.
Les écoles des Frères des
écoles chrétiennes ressemblent beaucoup à nos classes. Les cours sont donnés en
français. Certes, des leçons demeurent encore individuelles mais des explications
sont données aux élèves regroupés selon leur niveau. Chaque enfant appartient
en effet à des groupes de niveau, que des contrôles mensuels refaçonnent.
À l’origine, conformément
aux règles, les cours sont limités au français, à l’arithmétique et à
l’écriture. Cependant, le programme évolue au fil du temps et s’est étendu à
d’autres matières. La géographie, la philosophie, la littérature y sont
ajoutés. Des écoles sont aussi ouvertes à ceux qui veulent des compléments
d’instruction. L’écriture est perfectionnée. Des notions de comptabilités ou
encore des approfondissements en arithmétique leur sont procurés. Les Frères
des écoles chrétiennes ouvrent aussi des écoles professionnelles.
Les programmes et les
méthodes sont unifiés. La cohérence est aussi assurée par des inspections
« qui veillera sur toutes les Écoles »
[RC f.35 1]. La publication de manuels pour les enseignants et les élèves
conforte encore l’unité du système. Cela permet ainsi à tous les élèves de s’adapter
rapidement quand ils accèdent à des classes supérieures ou rejoignent d’autres
écoles. Cela garantit aussi le progrès des formations et l’enrichissement de la
pédagogie.
Le système scolaire est
tourné vers l’élève dans son individualité. Chaque enfant est en effet suivi
individuellement tout au long de sa scolarité par un document confidentiel, une
fiche de ses aptitudes, qualités et défauts. Y sont aussi mentionnés ses
punitions, ses récompenses, etc. Il est l’ancêtre de nos carnets de note. Enfin,
les enfants assument diverses responsabilités pour le bon ordre général. Ils
gagnent en maturité et en confiance.
« C’est contre cette promotion du peuple, des fils de valets, de manœuvres
et d’artisans que les encyclopédistes et les philosophes luttaient. Pour un La
Chalotais ou un Voltaire, le peuple n’avait pas besoin d’instruction »[16].
Ces « philosophes » ont qualifié les Frères des écoles chrétiennes
sous le sobriquet de « frères
ignorantins ».
Conclusions
Avant que la révolution ne
les frappe comme les autres religieux, un millier de Frères des écoles chrétiennes
enseignaient gratuitement environ 36 000 élèves dans 125 écoles. Les
écoles gratuites s’achèvent brutalement en 1792. Mais, en dilapidant la richesse de l’Église, l’œuvre scolaire s’est effondrée.
L’assemblée nationale a certes évoqué la gratuité de l’école primaire mais face
aux oppositions, elle n’a jamais eu lieu alors qu’elle disposait de la fortune
ecclésiastique !
Il faut attendre 1880 pour
que Jules Ferry fasse voter ses lois sur l’école gratuite et obligatoire, la
présentant comme une modernité, un pas de l’humanité vers le progrès !
Mais ce pas, l’Église l’avait déjà fait
plus d’un siècle auparavant avant que sa marche ne soit brutalement interrompue. Et on ose accuser l’Église d’obscurantisme, opposée
à la connaissance ! On ose dénoncer l’emprise des prêtres auprès de la jeunesse
quand ce ne sont finalement que des laïcs religieux qui se dévouent à
l’éducation et à l’instruction des pauvres avec un esprit de pauvreté et
d’obéissance ! Mais pouvons-nous demander un tel dévouement aux
instituteurs de la république ! Buisson appelait ces « hussards
noirs » à la même abnégation mais c’était oublier qu’ils devaient aussi se
dévouer à leur famille, et qu’ils étaient bien peu payés… Que d’accusations erronées et scandaleuse qui sous la lumière de
l’histoire ne peuvent que se dissiper et montrer finalement le vrai visage
de la laïcité ! ...
Notes et références
[1] Jérôme Prod Homme, L’école gratuite, laïque et obligatoire pour les garçons et pour les filles, c’est 1882, francebleue.fr.
[1] Jérôme Prod Homme, L’école gratuite, laïque et obligatoire pour les garçons et pour les filles, c’est 1882, francebleue.fr.
[2]
gouvernement.fr.
[3]
Katia Baron-Deleu, Historia, mensuel 681, septembre 2013, historia.fr.
[4]
Manuels Valls, Libération, 17 mai 2015.
[5]
Voir Émeraude,
septembre 2019, article « Laïcité
: la mise en place de l'État laïque ».
[6]
Siméon Luce, Histoire de Duguesclin, 1876 dans L’instruction primaire en France avant
la révolution, Ernest Allain, 1970.
[7]
Voir Émeraude,
juin 2017, article « La scolastique, œuvre chrétienne du Moyen-âge ».
[8]
Voir Émeraude,
juin 2017, article « La scolastique, œuvre chrétienne du Moyen-âge ».
[9]
Canon 18, décrets du IIIe concile de Latran, Histoire des conciles œcuméniques,
tome II, Raymonde Foreville, sous la direction de G. Dumeige, Fayard, 1965.
[10]
Cl. De Sainctes, évêque d’Évreux, dans L’instruction primaire en France avant la
révolution, Ernest Allain.
[11]
Mémoire
du clergé, 1771, tome XIV dans les Cahiers lasalliens, Charles
Démia (1637-1689), Journal de 1685-1689, présenté, transcrit et annoté
par Frère Yves Poutet.
[12]
Le terme d’« école » peut
désigner ce que nous nommes « classe ».
[13]
Les chiffres sont fournis par Histoire
de l’enseignement en France, Léon A. et Roche P, 1967. La signature des
actes de mariage est le seul critère retenu sur lequel on puisse fonder des
études statistiques sur l’alphabétisation.
[14]
Charles Démia, Remontrances faites à Messieurs les prévôts des marchands, échevins et
principaux habitants de la ville de Lyon, touchant la nécessité et utilité des
écoles chrétiennes pour l’instruction des enfants pauvres.
[15]
Règles
et constitutions de l’Institut des Frères des écoles chrétiennes, approuvées
par Notre Saint Père Benois XIII, à Rouen, 1721, dans les
cahiers Lassalliens n°25, maison Saint Jean-Baptiste de la Salle, Rome,
1966.
[16]
Frère Yves Poutet, Les ordres religieux sous la direction de Gabriel Le Bras, tome
II, Les
Frères des Écoles chrétiennes, Flammarion, 1980.
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