Lorsque
de nos jours, un évêque ou un prêtre commet une faute ou quand un chrétien se
montre indigne du titre qu’il porte, des voix se lèvent pour critiquer l’Église
et l’accabler de reproches. Elles demandent au Pape des excuses, elles lui
réclament des repentances, elles lui commandent des actions. Les plus
virulentes d’entre elles en profitent pour montrer toute la prétendue fausseté
de l’Église et accuser le christianisme d’être le responsable de tous les maux.
Les mots deviennent acerbes quand elles rient de la prétendue sainteté de
l’Église. Tout cela n’est guère nouveau. Ce qui change est la portée et l’efficacité
de ces attaques. Les paroles de haine et de mensonge se répandent plus
diffusément dans les réseaux et dans les esprits.
La
sainteté de l’Église est un article de foi pour les catholiques. Nous croyons
fermement l’Église sainte. Elle est « sans tâche ni ride » nous dit Saint
Paul. Elle est « sainte et
irrépréhensible » (Éphésien, V, 27). La sainteté est une de ses propriétés essentielles qui la distinguent des autres sociétés
religieuses. Sur ce point, elle est
incomparable. Ainsi on pose souvent cette apparente contradiction :
l’Église se dit sainte et en fait, de nombreux membres ne le sont pas
visiblement.
Notre
premier réflexe serait de contester les faits. Mais l’indignité des chrétiens
et des autorités de l’Église est manifeste. L’histoire comme l’actualité en
montrent suffisamment. Nous en souffrons encore aujourd’hui. Les pécheurs sont
nombreux dans l’Église. Cela est vrai aujourd’hui comme hier et ce sera encore
vrai demain. Mais si devons en gémir, prier pour eux et demander pardon à Dieu,
devons-nous accuser l’Église d’en être responsable ou au moins d’en être
impuissante ? L’Église doit-elle demander pardon ? Doit-elle se
purifier ? Ce sont en effet à ces questions auxquelles nous devons répondre.
La
contestation religieuse
Saint Hippolyte de Rome (170-235) |
En
Afrique, Tertullien, membre éminent du montanisme, tenait aussi la même
position. L’Église ne doit être que le troupeau des purs. Mais il voyait
surtout l’Église comme une Église de l’Esprit, s’opposant à l’Église, « collection d’évêques »[3].
Identifiant l’Église au Christ, il exigeait pour la première des exigences
morales élevées.
Selon
Wyclif (v. 1324-1384), l’Église est la société des seuls prédestinés. Les
autres peuvent être dans l’Église mais ils ne sont pas de l’Église. Mais comme
il n’est pas possible aux hommes de savoir qui sont les élus, la véritable
Église ne sera connue qu’à la fin du monde. Il conteste donc la visibilité de
l’Église. Il serait impossible de la discerner. Ses idées seront reprises par
Jean Hus. Les premiers chefs protestants considéraient aussi
l’Église comme celle des vrais croyants, ceux qui vivent de la foi, une Église
connue de Dieu seul. C’est une Église invisible, selon Calvin, ou d’une Église
cachée selon Luther. « L’Église est
l’assemblée des saints »[4]. Nous
voyons donc le lien qui subsiste entre la sainteté de l’Église et sa
visibilité.
Jean Hus (1370-1415) |
La
sainteté de l’Église soulève donc trois questions. La première aborde le sujet
de la sainteté de ses membres et donc de la composition de l’Église. Seuls les
saints appartiendaient à l’Église ? La seconde traite du pouvoir
sanctificateur que possède l’Église. Les moyens de salut dépendent-ils de la
dignité de celui qui les utilise ? Enfin, la troisième porte sur le lien entre
sainteté et visibilité ou encore réalités intérieure et extérieure de l’Église. La véritable Église n'est-elle qu'invisible ?
La
contestation païenne
Nous n’avons évoqué que les thèses issues de l’Église elle-même ou plutôt des hérésies. Elles aboutissent toutes à l’idée selon laquelle finalement l’Église institutionnelle n’est pas la véritable Église puisqu’elle n’est pas sainte dans ses membres. Elles prônent une Église de purs, de saints, une Église invisible et indiscernable. La
question est plus simple pour ceux qui n’adhèrent pas à la foi. Pour eux,
l’Église n’est que l’Église institutionnelle, une institution purement humaine.
Ils ne cherchent donc pas à la définir mais plutôt à s’en servir ou à
l’attaquer. Il s’agit en effet pour eux de montrer la fausseté de la
religion chrétienne.
Au
temps des Lumières, la religion est perçue comme une institution utile par ses
activités cultuelles, par sa morale et par ses pratiques. On parle d’honnêteté,
de raison, de vertus. Finalement, la sainteté est jugée en termes de moralité. C’est
sous ce regard seul qu’on juge de la sainteté des membres de l’Église et par là
celle de l’Église. En insistant sur l’indignité avérée de nombreux chrétiens et
de religieux, les voix malicieuses montrent alors l’échec de l’Église à rendre
les hommes vertueux. Ils essayent de montrer qu’elle est alors perverse, nocive
ou dans le meilleur des cas inutile.
Les
antichrétiens soulignent les maux commis au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ.
« Jamais aucune religion ne fut
aussi féconde en crime que le christianisme »[5]. Diderot
et Voltaire prônent une religion déiste purifiée alors que Rousseau rêve plutôt d’une
religion plus sentimentale. C’est une autre conception de la religion qui
atteint l’idée de l’Église. Une vraie religion doit être une religion de purs,
de sages, d’honnêtes hommes ou d’hommes censés. Nous ne sommes pas loin des
critiques de Celse. Au IIème siècle, ce philosophe païen s’attaque à l’idée de
la charité chrétienne. Il y voit de l’assistanat, de la faiblesse ou encore de
la folie. Le fait de pardonner un péché est à ses yeux un scandale. La charité
chrétienne lui apparaît opposée à la vraie sagesse.
Le
cas de Meslier doit être aussi rappelé[6]. Son
athéisme naît d’une déception. Mort prêtre, il laisse un testament révélant en
fait son athéisme et laissant des critiques acerbes sur le christianisme. Il
dénonce les « belles promesses »,
les déficiences, les trahisons des chrétiens. Face à la souffrance et au mal,
il se révolte. La sainteté de l’Église et son pouvoir de sanctification
contrastent avec l’indignité de ses membres, la vanité de ses promesses, son
impuissance à changer l’homme. Sa haine est à la hauteur de sa déception. Son
regard s’est arrêté sur la misère dont il a été témoin. Il n’a pas été au-delà…
Ainsi
une certaine opposition au christianisme s’explique par la désillusion. On veut
une Église idéale, peuplée de saints et de purs, bref le reflet du paradis. L’athée
Holbach justifie son athéisme au nom d’une « haute idée du christianisme »[7]. Mais au lieu d'accuser la réalité ils devraient plutôt dénoncer leur rêve…
La
sainteté des membres de l’Église ?
Optat,
évêque de Milève, répond aux arguments des Donatistes. Il traite de la question
de la sainteté des membres de l’Église. D'abord, l’Église de Dieu en ce monde ne serait
être conçue comme une société de parfaits. Puis nul n’a droit de se déclarer juste
pour juger ensuite son prochain, comme le font les Donatistes dont il accuse le
pharisaïsme. Saint Augustin parle de « présomption
sacrilège ». Nous n’avons pas le droit de trier le froment de
l’ivraie. Il rappelle que les baptisés font tous partie de l’Église en vertu de
leur baptême et que c’est au jour du jugement que le Fils de Dieu décidera de
ceux qui sont les siens et de ceux qu’Il rejette. Personne en ce monde n’a le
pouvoir de devancer la sentence définitive du Fils de Dieu. L’Église ici-bas
est donc le nombre de baptisés qui, pécheurs ou justes, font partie de la
société visible des fidèles.
Tombe de saint-Augustin à la basilique San Pietro in Ciel d'Oro à Pavie. |
L’Église est donc à la fois sur terre et dans le ciel. Dans le ciel, ses membres ne connaissent plus de défaillance. Sur la terre, ils sont exposés et peinent. Ici-bas, elle est formée de pèlerins qui vivent hors de leur patrie. L’Église est véritablement sainte dans le royaume des cieux, dans l’éternité. Sa sainteté se vérifie aussi dans l’Église ici-bas dans le nombre de ses saints que seul discerne Dieu. Elle est donc sainte mais elle ne l’est pas exclusivement ici-bas. L’Église mêlée de l’ivraie et du froment est l’Église du temps.
Mais
une Église peut-elle n’être formée que de saints, nous demande Saint Augustin ?
Le Père de l’Église montre toute l’illusion des Donatistes. Il serait possible
d’y exclure les pécheurs. Mais est-ce cela la charité que demande Notre
Seigneur Jésus-Christ ? Certes, il ne s’agit pas d’accepter le péché ou le
pécheur public mais de supporter les méchants avec humilité dans l’intérêt de
la paix et de ne pas juger avec un aveuglement téméraire. Cette idée d’une
Église sainte n’est en fait que l’expression de l’orgueil et de la dureté. Notre
Seigneur Jésus-Christ a dénoncé une telle conception de l’Église dans la
parabole du pharisien et du publicain.
Saint
Augustin et Saint Cyprien posent aussi une autre question encore plus
pertinente. Avons-nous le droit de prendre prétexte des mauvais chrétiens pour
se retirer de l’Église comme l’ont fait les Donatistes et bien d’autres ?
L’Église et les saints ne sont pas contaminés par la présence des pécheurs. Les
méchants ne font torts aux bons que si les bons acquiescent aux péchés des
méchants.
« Honorez, aimez et célébrez la sainte Église
votre Mère, comme la sublime Jérusalem, comme la ville sainte de Dieu. Elle est
l’Église du Dieu vivant et, dans cette foi que vous recevez, elle est féconde
et se répand sur le monde entier : c’est la colonne et la base de la
vérité, qui tolère dans la communion des sacrements les méchants qui doivent
être séparés à la fin du monde et dont, en attendant, elle se distingue par les
mœurs différentes des leurs. »[8]
Saint
Augustin s’attaque aussi à la deuxième question que soulève le donatisme : la validité d’un sacrement dépend-elle de la dignité du
ministre qui le donne ? Pour cela, il distingue la validité de la licité
du sacrement. Un sacrement peut être efficace tout en étant illicite. Il montre
aussi les conséquences absurdes d’une telle erreur. Si la validité dépend de la
sainteté du ministre, le salut devient incertain. Qui peut nous assurer en
effet que le prêtre qui nous a baptisés était un saint et donc que le
baptême que j’ai reçu était valide ? Tout devient suspicion, méfiance,
désespoir. Derrière cette idée se cache une erreur plus grave. Car le sacrement
est efficace non en raison du ministre mais du Saint Esprit. Le ministre n’est
qu’un instrument.
Le
véritable ministre est Notre Seigneur Jésus-Christ, de qui seul dépend donc la
vertu du sacrement. « C’est Dieu qui
lave, et non l’homme […] c’est le propre de Dieu de purifier, et non
l’homme. »[9]
L’Église est même rendue sainte par la grâce du Christ qu’elle reçoit dans les
sacrements. Il y a bien une distinction entre la sainteté de l’Église qu’elle
reçoit du Christ et celle de ses membres, qui peuvent être pécheurs.
Celui
qui arrose n’est pas le même que celui qui plante, nous dit Saint Paul. Contre
certains Corinthiens qui prennent parti pour un Apôtre ou un autre, Saint Paul
leur rappelle que ce ne sont que des serviteurs d’un même maître. « Le Christ est-il divisé ? Est-ce Paul
qui a été crucifié pour vous ? » (I Corinthiens, I, 13)
C’est bien le Christ qui baptise et non le prêtre ou l’évêque. Si le sacrement
dépend de la dignité du ministre, que devient le principe, son importance et sa
force ? Saint Thomas d’Aquin fait valoir que le ministre n’agit pas comme
cause instrumentale et demeure, par conséquent, dépendant de Dieu, lequel peut
accomplir ses œuvres même par le moyen de ministres morts spirituellement,
pourvu que le sacrement en soi soit administré comme il faut.
L’Église
détient donc des moyens de salut qui ne dépendent pas de la dignité du ministre. Elle
possède tous les moyens nécessaires pour conduire ses membres à la fin pour
laquelle elle a été fondée. Le second concile de Vatican parle de plénitude des
moyens.
Sainteté
subjective et objective
Les
théologiens distinguent la sainteté subjective de la sainteté objective. Cette
distinction est essentielle lorsque nous devons traiter de ce sujet. La
première concerne le fidèle en lui-même. Si Dieu seul peut juger de l’état de
grâce des membres de l’Église, il est possible cependant de le reconnaître.
Nous trouvons la sainteté subjective dans les martyrs et dans la virginité
volontaire ou quand elle est attestée par des miracles visibles. Nous pouvons
donc examiner concrètement la sainteté de l’Église par ses manifestations,
c’est-à-dire par ses saints qui n’ont jamais manqué à l’Église.
La
sainteté objective concerne d’abord la doctrine de l’Église, de la foi et des
mœurs, ensuite le culte, surtout le
sacrifice de la messe et les sacrements, puis les prières, les Ordres
religieux, le sacerdoce, les œuvres de Charité, etc. Contre Celse, Origène
montre que s’il y a beaucoup de défaillances chez les Chrétiens, l’Église
est le lieu de la vérité et de la connaissance de Dieu[10]. La
vérité subsiste certes en dehors d’elle mais elle est mélangée avec l’erreur.
Il
est facile aujourd’hui de jeter l’opprobre sur les hôpitaux catholiques des
siècles passés, sur leur insalubrité ou les mauvais traitements mais qui a osé
se lever pour les bâtir ? Qui a osé se battre pour les construire à partir
de rien ? Nous l’oublions souvent. Avant le christianisme, il n’y avait ni
hôpitaux, ni maison de retraite, ni orphelinat, ni assistance… La morale
républicaine tant vantée n’est qu’une pâle reprise de toutes ces œuvres de
charité. Aujourd’hui, quel est le modèle que notre société contemporaine nous
propose ? Au temps de la chrétienté, le saint était l’idéal,
le point à atteindre. Le guerrier est devenu un chevalier. De la barbarie est
née une civilisation brillante…
Pouvons-nous
encore comprendre la révolution de la morale chrétienne dans la société
antique ? Au temps de l’antiquité, Celse n’a pas hésité à condamner le
christianisme pour l’aide qu’il apportait aux pauvres et aux humbles ! Il
était considéré comme la religion des démunis, des esclaves, des ignorants. Nous
commençons aujourd’hui à apercevoir tout le progrès qu’il a apporté aux hommes
lorsque nous songeons aujourd’hui aux succès de l’eugénisme et d’un libéralisme
effréné. À force de vivre dans une civilisation, nous ne prenons plus conscience
de ses vertus et de leur cause. Ce n’est que lorsqu’elle se délite que nous
commençons à saisir sa force et sa beauté. Pour combattre la foi chrétienne, Julien l’Apostolat a
demandé à ses prêtres païens de montrer de la charité comme leurs adversaires chrétiens.
Quel plus bel hommage pour l’Église !...
Mais
quand la sève ne nourrit plus la plante, quand le sel s’affadit, les œuvres
perdent leur force et finissent par mourir. Une société peut reculer et
retourner dans la misère morale, dans la barbarie et dans le vice. Les œuvres
chrétiennes peuvent aussi connaître cette évolution quand l’âme n’y est plus,
quand le regard se détourne de Dieu. Mais subitement d’une manière
extraordinaire, de nouvelles œuvres reprennent avec plus de force et de vigueur,
parfois à partir de l’œuvre mourante. Aux contradicteurs, nous leur demandons
donc de ne pas fixer leur regard sur l’arbre mort mais d’admirer celui qui
s’éveille. Les
exemples des mauvais ne doivent pas voiler ceux des saints et toute la
fécondité de l’Église dans ses membres et dans ses œuvres.
Cela ne signifie pas qu’il n’est pas possible d’être bons et sanctifiés hors de l’Église comme nous l’avons déjà évoqué dans un article précédent [11]. La sainteté au sens ordinaire peut exister chez les incroyants mais seule l’Église en possède les signes extraordinaires. Elle seule confirme surtout les promesses de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Cela ne signifie pas qu’il n’est pas possible d’être bons et sanctifiés hors de l’Église comme nous l’avons déjà évoqué dans un article précédent [11]. La sainteté au sens ordinaire peut exister chez les incroyants mais seule l’Église en possède les signes extraordinaires. Elle seule confirme surtout les promesses de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Sainteté
et visibilité
Face
aux thèses des protestants, l’Église a fortement défendu sa réalité visible,
refusant de séparer son mystère intérieur et sa réalité extérieure. Il n’y
qu’une Église, qui est « le
rassemblement des hommes réunis par la profession d’une même foi chrétienne et
la communion aux mêmes sacrements, sous le gouvernement des pasteurs légitimes
et principalement de l’unique vicaire du Christ sur terre, le pontife
romain » [12].
L’appartenance à la seule Église est donc visible par la profession de foi, qui
s’appuie sur un Credo, des articles, une déclaration publique, etc., sur les
sacrements, choses visibles par excellence, et enfin sur un gouvernement, donc
une hiérarchie, des autorités, notamment sur Rome, sur un homme, le Pape.
« Pour que quelqu’un puisse être
considéré comme faisant partie à quelque degré de la véritable Église […]
aucune vertu intérieure n’est requise, à notre avis, mais seulement la
profession extérieure à la foi et la communauté des sacrements, choses
accessibles à nos sens. L’Église est
une assemblée d’hommes aussi visible et palpable que l’est l’assemblée du
peuple romain ou le royaume de France ou la république de Venise. »[13]
La
sainteté est une note de l’Église, c’est-à-dire une propriété qui permet de
reconnaître la véritable Église comme l’unité, la catholicité et
l’apostolicité. Elle est donc une distinction visible. Or dans les thèses des
hérésies, elle rend l’Église indiscernable. Il y a confusion entre la sainteté
d’un membre, que seul Dieu connaît, et la sainteté de l’Église. L’Église est à
la fois visible et invisible tout en étant une. La sainteté touche les deux
aspects.
Conclusion
Ainsi
l’Église ici-bas est une société visible formée de bons et de méchants, une
société qui ne préjuge pas du cœur de ses membres. Les méchants peuvent en
outre guérir s’ils reconnaissent leurs péchés et en font pénitence. Ceux qui
persévèrent dans le mal sont retranchés de l’Église lorsque leurs fautes sont
connues. Mais nombreux sont les pécheurs dont les fautes demeurent secrètes.
Ces pécheurs-là sont dans l’Église et échappent à la juste rigueur de l’Église.
Ils n’en seront chassés que par la mort. Il faut donc savoir les souffrir en
attendant. Et nul ne sait ce que sera demain le fidèle qui aujourd’hui est un
pécheur. Il est donc inutile et dangereux de vouloir purifier l’Église avant
l’heure. Il faut attendre l’heure où Dieu séparera le bon grain de l’ivraie. Et
Dieu prend le temps qu’il Lui faut. Telle est
la leçon de la divine patience.
Il
faut donc concilier la foi en la sainteté de l’Église et le fait d’une Église
ici-bas mêlée de bons et de méchants. La conception d’une Église
essentiellement bonne masque sans-doute une certaine impatience, une certaine
révolte, voire l’orgueil. Et de manière générale, celui qui prône une Église uniquement composée de
saints ou de prédestinés ne s'en exclut pas…
Contre
une conception puritaine, nous devons aussi distinguer dans l’Église la fin qui
est la sanctification de ses membres et les sacrements qui en sont les moyens.
Il est nécessaire de concilier la fin avec les moyens. Le discours ne doit donc
pas seulement s’attarder sur la sainteté subjective de l’Église mais aussi
défendre sa sainteté objective.
Enfin,
s’il est avantageux d’appartenir à l’Église car elle-seule dispose des moyens
de salut, il est illusoire de croire que l’incorporation à l’Église suffise
pour être sauvée. Sans la foi et sans les œuvres, c’est-à-dire sans la foi
vivante, nul ne peut se promettre la vie éternelle. Ne nous faisons pas de
notre nom de catholique un prétexte de présomption. Il suffit de penser aux
Juifs pour craindre les méfaits d’un tel orgueil. Veillons sur notre
persévérance, sinon sur notre propre conversion…
Notes et références
[1]
Hippolyte, Philosophum,IX, 12 dans Le Catholicisme de Saint Augustin,
Mgr Battifol, Librairie Lecoffre, 1920.
[2] Hippolyte, Sur
Daniel dans Les signes du Salut, P.
Tihon, 2ème partie, chap.IX, Histoire des Dogmes sous la
direction de B. Sesbouë, Desclée, 1995.
[3]
Tertullien, La Pudicité, XXI, 17.
[4] Philippe
Melanchthon, Confession d’Augsbourg et l’Apologie, cerf, 1989, art. VII,
dans Les
signes du Salut, P. Tihon, 2ème partie, chap.XIII.
[5] Diderot, Salons,
vol.1, dans Au cœur des objections chrétiennes, 2ème Partie,
chap. II, Denis Lecompte, Cerf.
[6] Voir
Emeraude, Les mémoires de Meslier, une oeuvre politiquement athée:synthèse, premier constat et L'athéisme de Meslier : baratin et absurdité, novembre 2014.
[7]
Holbach, Système de la Nature, partie II dans Au cœur des objections
chrétiennes, 2ème Partie, chap. II.
[8]
Saint Augustin, Sermon CCXIV, 11, dans Précis de théologie dogmatique, Mgr
Bernard Bartmann, Livre V, §150, tome II, 1944.
[9] Optat de Milève,
Livre 5, 4 dans Les signes du Salut, P. Tihon, 2ème partie, chap.X.
[10]
Voir Origène, Contre Celse, VI, 48.
[11]
Voir Émeraude, Hors de l’Église, point de salut, septembre 2016.
[12] Saint Bellarmin, Controverses,
III, 2 : Opera omnia, 1870 dans Les signes du Salut, P. Tihon, 2ème
partie, chap.XIII
[13] Saint Bellarmin, Controverses,
III, 2 : Opera omnia, 1870 dans Les signes du Salut, P. Tihon, 2ème
partie, chap.XIII
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