dimanche 29 septembre 2024

Lamennais et la naissance du libéralisme catholique

Le christianisme est-il conciliable avec la démocratie ? En notre temps, où la démocratie est un fait incontesté, la question peut paraître saugrenue. Quand nous songeons à la démocratie, nous pensons d’abord au régime politique qui est le nôtre depuis des générations. Comme en témoigne l’histoire, la religion catholique peut se développer dans un pays quelle que soit la forme de son régime politique. Elle a progressé et brillé aussi bien dans le vaste empire romain et byzantin que dans le Royaume de France ou aux États-Unis. Elle a connu la souffrance dans de nombreux royaumes, empires et républiques. L’Église, n’est-elle pas catholique, c’est-à-dire universelle ? Notre Seigneur Jésus-Christ est venu ici-bas pour sauver tous les hommes, sans distinction. Il ne serait donc guère sensé de concevoir le christianisme comme irrémédiablement lié à une forme politique. Cela ne signifie pas que tous les régimes se valent. Sans-doute, l’un d’eux serait plus favorable qu’un autre. Mais cela est une autre question…

Mais, le terme de « démocratie » ne se réduit pas à son sens politique. Il désigne aussi une forme de la société particulière, forme particulièrement nouvelle au regard de l’histoire de l’humanité. Dans son ouvrage sur l’Amérique, Tocqueville (1805-1859) a décrit la société démocratique américaine comme une forme de société nouvelle dont l’une de ses  caractéristiques est l’exigence de l’égalité[1]. En ce sens, l’Église doit-elle s’adapter à ce « monde tout nouveau »? Peut-elle accepter les principes qui la fondent ?...

C’est cette question qui agite les catholiques depuis le XIXe siècle au point que deux papes, le bienheureux Pie IX (1846-1878) [2] et Léon XIII (1878-1903) [3] ont dû intervenir pour prendre position. Ils condamnent clairement et fermement le libéralisme catholique qui veut justement adapter l’Église à ce monde nouveau. Leurs successeurs jusqu’à Pie XII ont sans hésitation renouvelé leurs condamnations et l’ont combattu avec encore plus de zèle et de clairvoyance. La lutte qu’a menée la IIIème république contre la position de l’Église dans la société ne peut que les encourager dans leur combat. Cependant, après la seconde guerre mondiale, à partir de Jean XXIII (1956-1963), les papes ont abandonné cette position et ont lancé l’Église dans une nouvelle voie, celle de l’ouverture au monde, provoquant en son sein une crise profonde, une crise qui dure encore jusqu’à nos jours.

La question de la compatibilité entre le christianisme et la démocratie au sens social, devient de nos jours encore plus vive, surtout pour les jeunes générations qui n’ont point connu le zèle destructeur des novateurs. Quarante ans après le deuxième concile du Vatican, constatant les effets de la nouvelle politique pontificale, nous ne pouvons effectivement que nous interroger sur sa pertinence et son efficacité. Les voix qui s’élèvent contre l’Église et son inadaptation à la vie moderne ne se sont pas tues. Ou plutôt, elles demandent à l’Église encore plus de tolérance, plus de sacrifice, plus d’abandons. Elles demandent l’inacceptable. La lutte contre le christianisme n’a pas en effet cessé. Le monde moderne n’a jamais encore été aussi éloigné de la foi. Le christianisme n’a jamais été aussi ignoré et incompris. Qui peut fermer les yeux devant cet échec frappant ? …

Nous ne pouvons guère comprendre la situation actuelle de l’Église sans revenir à cette époque où des catholiques ont lutté pour que l’Église s’adapte à la nouvelle société et à ses principes en dépit de la condamnation des papes. Nous allons donc désormais nous tourner vers le XVIIIe siècle où sont nés et développés les premiers mouvements du libéralisme catholique…

Lamennais, à la recherche du renouveau catholique

Le premier partisan du libéralisme catholique en France est probablement Jean-Marie Félicité de La Mennais (1782-1864), plus connue sous le nom de Lamennais. Prêtre à 34 ans, il est une des personnalités de l’Église française. « Parmi tant de talents, grands et petits, dont s’honore en son temps l’Église de France, il tranche, il domine »[4]. Il est décrit comme un visionnaire, un prophète ou encore comme « un génie, sans nul doute, que cet homme ; un génie qui eût été bien plus efficace s’il n’avait été atteint dans le plus secret de sa nature, si, par orgueil, il ne s’était brisé. »[5] Exaltant et vomissant les tièdes, il veut aller jusqu’au bout de sa pensée. Brillant polémiste, écrivain à grand succès, entouré de disciples, il est considéré par les siens comme un père de l’Église. Il n’a qu’une ambition, qu’un rêve, celui du règne de l’Église dans la société et d’une société profondément chrétienne. « La restauration catholique n’a pas de voix plus retentissante que la sienne. »[6] Après sa rencontre avec Lamennais, le pape Léon XII (1823-1829) saura le juger : c’est un exalté qui « a du talent, de la bonne foi, mais c’est un de ces amoureux de perfection qui, si on les laissait faire, bouleverserait le monde. » Il en conclut qu’il est un homme « qu’il faut mener dans le cœur. » Cependant, toujours sûr de lui-même et refusant de se soumettre à l’autorité pontificale, Lamennais finit par rompre avec Rome puis par apostasier dans une solitude effrayante…

Son livre intitulé Essai sur l’indifférence en matière de religion, publié en 1817, est en quelque sorte la charte du renouveau du catholicisme. Lamennais décrit l’indifférence à l’égard de la vérité et donc de la religion comme la cause de tous les maux dont souffre le monde et plus particulièrement de son temps. Une société athée est vouée à la destruction, au néant. Seule une religion peut donc la faire renaitre. Et il en existe une seule véritable : le christianisme. « C’est une des merveilles du Christianisme, que non seulement il nous offre la vérité, mais qu’il nous en assure l’imperturbable possession, qu’il la défende dans l’homme contre l’homme même. Cela seul prouverait la divinité de la religion chrétienne ; car l’homme n’a aucun moyen de se résister à lui-même : ce qui remédie à la faiblesse de la nature, est évidemment au-dessus de la nature. »[7] Son ouvrage n’est guère théologique. Il ne brille pas par le raisonnement mais il est sublime par son lyrisme. Très probablement influencé par Rousseau, il se fonde surtout sur le sens commun.

Lamennais, promoteur du libéralisme catholique

Plus tard, en 1825, dans un autre ouvrage, La Religion considérée dans ses rapports avec l’ordre politique et social, Lamennais précise sa pensée : il veut que le christianisme réforme la société et ne se renferme pas au monde intérieur de l’âme. Il se voue alors à la recherche de la politique chrétienne.

Déçu par la Restauration, qui, au lieu de combattre l’athéisme et l’irréligion, veut contrôler et asservir l’Église, Lamennais prône l’indépendance de l’Église et donc l’abandon de l’alliance entre le Trône et l’Autel. « Il y a longtemps qu’on abuse de ce vain prétexte de protection, et depuis Constance jusqu’à Bonaparte, l’Église, trop souvent, a eu plus à se plaindre de ses protecteurs que de ses bourreaux. » Puisque l’État veut remplacer Dieu, Lamennais appelle à la véritable liberté de l’Église, une liberté fondée sur une autorité indiscutable, celle du Pape : « sans le Pape, point d’Église ; sans Église, point de christianisme ; sans christianisme, point de religion et point de société. » Lamennais considère même le Pape comme seul capable de mettre en œuvre les principes de l’Évangile dans les affaires du monde et d’instaurer entre les États l’ordre et la paix. Pour cela, il veut que le pape soit doté d’un pouvoir absolu, au-dessus des nations. Ainsi contre l’autorité de l’État qui veut être Dieu, il faut choisir celle de l’Esprit déposé dans le Vicaire du Christ…

Condamnant le régime légitimiste, dont il prévoit la fin, et la religion officielle qu’il décrit comme décadente et impuissante, Lamennais voit davantage l’avenir dans les forces de liberté, dans toutes les libertés. Il considère que l’Église doit mener le combat pour la défense de la liberté et de l’égalité dans le monde. Cependant, en France, elle en est incapable, principalement en raison de sa dépendance avec un pouvoir politique qu’il considère comme oppresseur. C’est pourquoi il lutte pour la séparation des pouvoirs afin de se débarrasser de la tutelle de l’État.

D’abord hostile aux libéraux politiques qui luttent aussi contre le régime monarchique, Lamenais finit par les considérer comme des alliés. « On tremble devant le libéralisme ? Eh bien, catholiciser-le ! » Là réside le libéralisme catholique…

Lacordaire et Montalembert, les disciples de Lamennais

Lacordaire (1802-1861) est un jeune avocat converti au christianisme et un prêtre, un « polémiste-né doublé d’un mystique, et servi par des dons de paroles aussi éclatants qu’abondants »[8], tourné tout entier vers l’apologie du christianisme, une apologie qui ne fonde pas uniquement sur le dogme mais sur d’autres bases comme l’histoire, la psychologie, ou encore les arts. Il est aussi passionné par le progrès et la liberté humaine qu’il ne dissocie pas de la foi catholique. En faveur de la démocratie, il considère que de l’insurrection populaire peut naître une amélioration de la condition humaine mais il réprouve tout recours à la violence. Il est élu député de gauche à l’assemblée constituante de 1848 mais démissionne après la brutale répression des émeutes ouvrières de mai et juin de la même année.

Le comte Charles de Montalembert (1810-1870) est un ardent partisan de la liberté de l’enseignement. Pour cela, il exhorte les catholiques à constituer un parti politique et à s’emparer du pouvoir pour mettre fin au monopole de l’État qu’incarne l’Université, exclusivement investi du droit d’enseigner. Après la révolution de 1848, il est un des principaux auteurs de la loi de 1850, qui libère l’enseignement sous conditions. Contrairement à Lacordaire, il ne veut pas confondre la liberté et la démocratie comme si cette dernière en avait le monopole.

Nous pouvons encore citer l’abbé Gerber (1798-1864), ami et admirateur de Lamennais, qui travaille avec lui pour diffuser les idées nouvelles. En 1824, il a fondé le journal Mémorial catholique, que patronnera Lamennais, à l’usage des royalistes libéraux.

Le journal L’Avenir

En 1830, au lendemain de la révolution de Juillet, Lamennais fonde avec ses fidèles Montalembert, Lacordaire et l’abbé Gerber un journal quotidien, L’Avenir, dont la devise est « Dieu et la liberté ». Contrairement aux autres journaux, il incarne la presse polémique chrétienne, indifférente à la censure gouvernementale. « Avec L’Avenir naît une écriture nouvelle, un ton nouveau qui va renouveler profondément la parole chrétienne en France. Le message est prophétique et dérangeant : il bouscule autant le gouvernement, qui apprécie peu que l’on critique les rapports privilégiés qu’il entretient avec l’Église, que les prêtres auxquels Lamenais, ou l’abbé Gerbet, font la leçon. »[9] Engageant des procédés nouveaux, enflammé par son rédacteur en chef Lamennais, il n’hésite pas être violent et fustige le « clergé assez bête pour se mettre sous les quatre pattes du trône. »[10]

L’Avenir ne dépasse jamais les mille deux cents abonnés. Mais, il devient « le centre, le moyen d’union et d’expression de tout un mouvement. »[11] Il prône un catholicisme libéral fondé sur la séparation de l’Église et de l’État tout en défendant la souveraineté du pape en matière religieuse et celle du peuple en matière civile. Il espère refonder la société sur l’alliance de l’Église et du peuple. Ardent défenseur de la liberté totale de l’Église, il en développe aussi les conséquences : la liberté d’enseignement, « la liberté de conscience ou la liberté de religion, pleine, universelle, sans distinction comme sans privilège »[12], la liberté de la presse, la liberté d’association ou encore la liberté de suffrage. Finalement, revendiquant un libéralisme politique, il réclame la séparation entière entre le spirituel et le politique. « Il ne peut y avoir aujourd’hui rien de religieux dans la politique, il ne doit y avoir rien de politique dans le religieux. » Cela ne lui empêche pas d’être un journal ultramontain, soumis au pape.

Toujours ardent pour la liberté des chrétiens, il soutient aussi les catholiques de Pologne et d’Irlande qui luttent pour leur indépendance. Montalembert considère la révolution polonaise comme « noble fille du Christ »[13]. Enfin, il s’oppose à l’État centralisateur, au gallicanisme, aux spoliations révolutionnaires, etc.

L’Avenir, un journal aux ambitions immenses

L’Avenir tente donc de lier la doctrine catholique ultramontaine, le combat antirévolutionnaire et les idées libérales et démocratiques des sociétés européennes du XIXe siècle. Des lecteurs et amis se réunissent, y compris à l’étranger, pour former des noyaux qui constituent l’Agence générale pour concerter l’action des catholiques libéraux, défendre l’Église et combattre ses ennemis. Si à l’origine, elle devait agir que dans le domaine religieux, elle ne pouvait éviter d’agir aussi dans le domaine politique.

Pour L’Avenir, l’Église doit libérer les peuples et les promouvoir du joug de l’étranger mais aussi de l’exploitation des patrons et de la bourgeoisie. Il prône que le peuple libre est le vrai détenteur de la souveraineté et que la démocratie fonde la légitimité nouvelle.

Enfin, l’Église doit aussi se libérer de tout ce qui la tire vers le bas, c’est-à-dire des problèmes financiers et politique. L’Avenir veut ainsi revenir au début de la chrétienté lorsque l’Église vivait cachée dans les catacombes. Il veut finalement régénérer le christianisme afin qu’il libère le monde. « Affranchi et ranimé, il reprendra sa force expansive et accomplira ses destinés… »

L’Avenir, un journal romantique sans base réelle

Cependant, comme l’avouera Montalembert, le journal joigne « des théories excessives et téméraires » à des idées justes, et les soutenait avec « cette logique absolue qui perd les causes qu’elle ne déshonore pas. » La véhémence des propos et la passion qui dégage des articles ne font pas oublier l’absence grave de fondements théologiques et historiques de leurs auteurs. Ces derniers ne peuvent entrevoir la complexité que soulève des problèmes en apparence simple.

 « Il coulait beaucoup de romantisme dans les bureaux de la rue Jacob, et le romantisme n’a jamais passé pour une école de saine politique. »[14] Et comme tout groupe de jeunes passionnés, ils sont convaincus de posséder seuls la vérité. Ils se prennent pour l’Église et parlent en son nom mais que savent-ils de l’Église réelle et sa vie concrète avec ses difficultés, ses intérêts, ses souffrances …. ? Lamennais n’a jamais été curé d’une paroisse. Il ne l’a jamais voulu…

Encyclique Mirari vos, condamnation de Rome

Par sa première encyclique Mirari vos du 15 août 1832, le Pape Grégoire XVI (1831-1846) condamne fermement les idées de Lamennais sans néanmoins le nommer[15]. Il rejette les libertés modernes que L’Avenir juge pourtant nécessaires. L’encyclique est la réponse du pape Grégoire XVI à la demande pressante de Lamennais et de ses fidèles, venus à Rome pour rechercher l’approbation de leurs doctrines que leur journal défend.

Le contexte n’est en effet guère propice pour recevoir les idées de L’Avenir. Les mouvements libéraux italiens se sont attaqués à la souveraineté pontificale, ce qui a entraîné l’intervention de l’Autriche à l’appel du pape. Il est alors difficile au pape de s’allier aux mouvements populaires que réclament les libéraux catholiques. En outre, la France, la Russie et l’Autriche le pressent pour qu’il condamne les idées de Lamennais, qui se propagent en Europe. Enfin, deux années plus tôt, la révolution de Juillet apparaît comme un retour aux désordres et à la furie révolutionnaire.

S’appuyant sur les Pères de l’Église, Mirari vos condamne « l’orgueil démesuré, détestable de ces hommes déloyaux qui, brûlant d’une passion sans règle et sans frein pour une liberté qui ose tout, s’emploient tout entiers à renverser et à détruire tous les droits de l’autorité souveraine, apportant aux peuples la servitude sous les apparences de la liberté. »[16] Il s’oppose à toute idée de séparation de l’Église et de l’État et de « rupture de la concorde entre le sacerdoce et l’empire. » Enfin, ceux qui proclament toute espèce de liberté ne font qu’« exciter des troubles contre les pouvoirs sacrés et les pouvoirs civils. » L’encyclique rappelle à tous les catholiques et à la hiérarchie ecclésiastique les principes d’obéissance, de discipline et d’unité en ces temps de révolutions. C’est aussi un appel au clergé de tendance gallicane.

L’encyclique Mirari vos est nettement marquée par une certaine prudence. Elle ne nomme pas Lamennais par charité et probablement pour éviter tout schisme, compte tenu de sa popularité au sein du jeune clergé. De même, les « libertés nécessaires » ne sont pas les seules erreurs que le pape condamne. Elles sont mêlées à d’autres, sans-doute pour diluer sa condamnation[17]. Enfin, la commission mise en place pour étudier les idées de Lamennais redoute qu’un examen approfondi de la pensée mennaisienne soit longue tant les doctrines qu’elle soulève sont complexes. Il ne s’agit donc pas de s’attaquer à sa philosophie mais de condamner ses conséquences en faisant référence aux propositions erronées.

En décembre 1833, Lamennais se soumet sans conditions au pape. Cependant, l’internonce à Paris n’est pas dupe. « Bien que je sois persuadé de sa bonne foi, et de la sincérité de ses sentiments, pourtant au fond je ne crois pas que l’Abbé de La Mennais ait modifié ses opinions ; mais en substance il a fait ce que le Saint Père lui a demandé, et c’est cela qui était essentiel pour le bien de la paix. »[18] De même, l’encyclique conduit à une vague de soumissions des anciens fidèles de L’Avenir et de l’Agence générale pour la défense de la liberté religieuse qui appuie son action. Lacordaire se dissocie publiquement de la pensée mennaisienne. Mais, des disciples songent à poursuivre son œuvre par une autre revue et d’autres moyens quand le calme sera revenu. D’autres, comme Montalembert, émettent des réserves sur l’encyclique, qu’ils jugent « le plus funeste des annales de l’Église »[19] ou relativise la portée de la condamnation. Lamennais, lui-même, n’y voit qu’une condamnation de principes et non de faits dans la société présente. Il finira par trahir sa parole, et, loin de ses anciens amis, il terminera ses jours comme un renégat…

Conclusions

La vie de Lamennais est tragique. Fidèle à ses idées, homme tout entier, il a défendu ses convictions jusqu’au bout mais, comble de l’ironie, celui qui a fermement condamné l’indifférence en matière de religion et n’a pas cessé de défendre la souveraineté du pape est devenu l’un des plus grands artisans du libéralisme qui conduit naturellement vers l’indifférence religieuse et la rupture avec Rome. Mais, cela ne doit pas nous surprendre. Allant jusqu’au bout de ses pensées, sans bases théologiques ni historiques solides, guidé par un romantisme naïf et un orgueil sans limite, il nous a montré les conséquences logiques du libéralisme catholique

La première expérience du libéralisme catholique en France montre aussi les caractères des libéraux catholiques. Dynamiques et novateurs, rassemblés dans un mouvement organisé qui s’étend rapidement dans le monde entier, n’hésitant pas sur les moyens pour diffuser leurs idées, ils prônent publiquement l’obéissance tout en poursuivant leurs actions dans l’ombre, même si au début, ils se sont montrés imprudents et naïfs. Mais ils apprennent vite, convaincus de leurs idées, convaincu qu’ils sont l’Église. Mais comme le révèlent Lamennais et ses disciples, ils ont un regard simpliste sur le christianisme et ses relations avec la société, faute de connaissance et d’expérience. En un mot, influencés par leur époque et les idées qui y règnent, les libéraux catholiques veulent appliquer leurs théories dans un monde dont ils ignorent la réalité et la complexité sans entendre la sagesse de l’Église. Et lorsque celle-ci lui demande de prendre en compte la réalité et de se soumettre à la vérité, par la voix des papes, plus clairvoyants, ils préfèrent ne point entendre pour poursuivre leurs chimères au risque de rompre avec le passé de l’Église et donc avec l’Église elle-même. Ils ne peuvent croire non plus que les maux qui accablent et ne cesseront d’accabler les hommes et les sociétés finiront par emporter l’Église par les mêmes causes, celles qu’ils prônent …

 

 Notes et références

[1] Voir Émeraude, septembre 2020, article « le culte du bien-être : Tocqueville et la démocratie. De l’égalité à la tyrannie moderne ».

[2] Voir Émeraude, août 2024, « Le Syllabus, contre les erreurs de notre temps ».

[3] Voir Émeraude, septembre 2024, « La liberté, bien excellent de la nature, et les libertés modernes ».

[4] Daniel-Rops, L’Église des révolutions, En face des nouveaux destins, chap. III, Librairie Arthème Fayard, 1960.

[5] Daniel-Rops, L’Église des révolutions, En face des nouveaux destins, chap. III.

[6] Daniel-Rops, L’Église des révolutions, En face des nouveaux destins, chap. III.

[7] Lamennais, Essai sur l’indifférence en matière de religion, tome I, chap. XII, 1817, gallica.fr.

[8] Daniel-Rops, L’Église des révolutions, En face des nouveaux destins, chap. III.

[9] Guilhem Labouret, Presse catholique et écriture polémique autour de 1830, société des études romantiques et dix-neuviémistes, 2018, serd.hypothese.org.

[10] L’Avenir, 21 août 1831.

[11] Daniel-Rops, L’Église des révolutions, En face des nouveaux destins, chap. III

[12] Manifeste de L’Avenir, 7 décembre 1830.

[13] L’Avenir, 16 avril 1831.

[14] Daniel-Rops, L’Église des révolutions, En face des nouveaux destins, chap. III.

[15] Une note confidentielle que Rome lui transmet le 30 août précise que les erreurs signalées dans l’encyclique sont aussi celles de L’Avenir.

[16] Grégoire XVI, Lettre encyclique Mirari vos, 15 août 1832.

[17] Voir l’article 1832-1835, moment mennaisien. L’esprit croyant des années 1830, Sylvain Milbach, Revue de l’histoire des religions, Armand Collin, mars 2018, OpenEdition Journals, htpps://doi.org.

[18] Garibaldi à Mgr Polidor, 20 janvier 1834 dans l’article 1832-1835, moment mennaisien. L’esprit croyant des années 1830, Sylvain Milbach.

[19] Montalembert, lettre du 14 septembre 1832, dans La condamnation de Lamennais, Beauchesne, 1982, Marie-Joseph et Louis Le Guillou, dans l’article 1832-1835, moment mennaisien. L’esprit croyant des années 1830, Sylvain Milbach.

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