Finalement, à
la fin du XIXe siècle, conscient du danger que représente le libéralisme
catholique, le pape Léon XIII s’est exprimé à plusieurs reprises pour rappeler
à son tour l’enseignement de l’Église sur le cœur du problème que soulève la
« modernité », c’est-à-dire
sur les « libertés modernes ».
Nous allons donc l’entendre dans le cadre de notre étude apologétique…
Le
pape Léon XIII, un pape des temps modernes
Un
pape engagé contre les erreurs modernes
Une
fausse notion de la liberté au cœur des maux de la société moderne
Léon XIII traite en effet souvent de la liberté
telle qu’elle est conçue par l’esprit moderne. Dans sa première encyclique, il définit
comme un des maux de la société moderne la « liberté effrénée d’enseigner et de publier tout ce qui est mal »
ou encore « la propagation effrénée
des erreurs », qu’« on ne
doit pas saluer du nom de liberté »[11].
Dans une autre dédiée au mariage, il constate qu’« en ce moment, les esprits sont avides d’une liberté sans frein et
secouent avec une abominable audace le joug de toute autorité »[12].
Dans celle portant sur l’origine du pouvoir civil, il revient plus longuement
sur cette volonté de se soustraire à toute autorité et dénonce de nouveau
« cette licence sans frein en dehors
de laquelle beaucoup ne savent plus voir de vraies libertés. »[13]
Aux archevêques et évêques de Bavière, qui résistent au Kulturkampf, Léon XIII
rappelle qu’« on ne peut
raisonnablement appeler liberté ce qui conduit et disperse les opinions
jusqu’au caprice et à la fantaisie, bien plus, à une licence perverse, à une
science fausse et menteuse qui est le déshonneur de l’esprit et une vraie
servitude. »[14]
Ainsi, Léon XIII revient souvent sur la fausse notion de liberté « qui, de nos temps, dégénère en licence »[15].
Pour connaître la vraie nature de la vérité, il nous renvoie à l’enseignement
de Saint Thomas d’Aquin. À cette fausse liberté, il oppose celle des enfants de
Dieu et des chrétiens. Par ailleurs, il défend à plusieurs reprises la liberté
de l’Église menacée de toute part, notamment en France et en Allemagne.
Notons
enfin que Léon XIII ne se préoccupe pas uniquement de la liberté psychologique
et morale. Il se préoccupe aussi de la liberté physique et sociale en prenant
en compte l’esclavage classique, toujours en œuvre à la fin du XIXe siècle ou
encore de l’esclavage moderne[20].
L’encyclique
Immortale Dei (1er novembre 1885)
Dans
son encyclique Immortale Dei, Léon XIII traite plus longuement des différentes
libertés que défendent la société moderne et qui s’opposent à la véritable
notion de la liberté. Ce sont les « libertés
modernes »[21],
c’est-à-dire la liberté de conscience, la liberté religieuse et la liberté
d’expression, au sein de l’État. Il en présente les erreurs et leurs conséquences.
De
ces « libertés modernes »
découlent l’indifférentisme religieuse au niveau de l’État. Par conséquent,
l’État ne reconnaît plus la religion catholique, son Église et ses lois.
« La religion catholique est mise
dans l’État sur le pied d’égalité, ou même d’infériorité, avec des sociétés qui
lui sont étrangères. »[ID] Elle est considérée comme une association
identique aux autres, dépendante de l’État. Cette situation politique s’inscrit
dans la volonté des gouvernements de « chasser
l’Église de la société »[ID] et de réduire à néant ses droits. La
conséquence religieuse de cet indifférentisme est de favoriser l’athéisme
puisque toutes les religions et tous les cultes apparaissent comme égaux. Car
« relativement à la religion, penser
qu’il est indifférent qu’elle ait des formes disparates et contraires équivaut
simplement n’en vouloir ni choisir, ni suivre aucune. »[ID]
Enfin,
la liberté d’expression « n’est pas
de soi un bien dont la société ait à se féliciter ; mais c’est plutôt la
source et l’origine de beaucoup de maux. »[ID] Elle dénature la
liberté, qui, « doit s’appliquer à
ce qui est vrai et à ce qui est bon. »[ID] Si elle s’applique
indifféremment à la vérité et à l’erreur, au bien et au mal, l’intelligence et
la volonté n’atteignent plus leur fin. Elle détourne les âmes de la vérité et
favorise au contraire la licence et les actions coupables. « L’État s’écarte donc des règles et des
prescriptions de la nature »[ID].
Finalement,
par ses libertés modernes, l’État favorise une « liberté de perdition »[22],
comme l’appelle Saint Augustin, une liberté opposée à la raison. Elle est
finalement une véritable servitude.
L’encyclique
Libertas Praestantissum du 20 juin 1888
La
nécessité de connaître la véritable notion de la liberté
C’est
ainsi que, conformément à la mission que Notre Seigneur Jésus-Christ lui a
confiée, l’Église a toujours été soucieuse d’étendre la liberté chez les
hommes. Pourtant, « on compte un
grand nombre d’hommes qui croient que l’Église est l’adversaire de la liberté
humaine ». Cette accusation est erronée. Elle s’explique par « l’idée défectueuse […] que l’on se fait de la liberté »,
par altération ou par exagération. Or, comment est-il possible de bien user de
liberté si on ignore ce qu’elle est ?
Comme
nous l’avons déjà évoqué[24],
la liberté peut porter sur trois domaines : physique, morale et
psychologique. L’encyclique Libertas Praestantissum traite de
« la liberté morale considérée soit
dans les individus soit dans la société ». Cependant, elle n’oublie
pas la liberté psychologique, dite encore naturelle, puisqu’elle est « la source et le principe d’où toute espèce
de liberté découle d’elle-même et comme naturellement. »
La
liberté naturelle, une faculté spécifiquement humaine
Puisque
nous agissons pour obtenir un bien, ou dit autrement, que le bien agit sur
notre appétit afin que nous agissions, la liberté naturelle ou le libre-arbitre
est « le propre de la volonté ».
Mais notre volonté ne peut se mouvoir si elle n’est pas d’abord éclairée par
notre raison. Ainsi, le bien que nous désirons est nécessairement le bien en
tant que connu par la raison. En outre, tout choix est précédé d’un jugement
sur la vérité des biens et sur la préférence que nous devons accorder à l’un
d’eux sur les autres. Or, « juger
est de la raison, non de la volonté. » Par conséquent, « étant admis que la liberté réside dans la volonté, laquelle est de sa nature un appétit
obéissant à la raison, il s’ensuit qu’elle-même, comme la volonté, a pour objet
un bien conforme à la raison. »
Or,
n’étant pas parfaites, la raison et la volonté peuvent se tromper. Le bien que
propose l’intelligence à la volonté peut n’être qu’un bien en apparence, c’est-à-dire
« un bien faux et trompeur ».
S’y attacher constitue « un défaut
de liberté », ou encore « la
corruption et l’abus de la liberté » puisque la volonté se meut vers
un bien qui n’en est pas un. En outre, si la volonté n’obéit pas à la raison,
ou que nous agissons contre la raison, nous n’agissons pas par nous-mêmes mais
comme par une impulsion étrangère. C’est pourquoi, selon Saint Thomas d’Aquin,
« la faculté de pécher n’est pas une
liberté, mais une servitude. » Ou encore, « celui qui commet le péché est esclave du péché. » (Jean, VIII, 34)
La
liberté a besoin de la loi
« Telle est, à la tête de toute, la loi naturelle qui est écrite et gravée
dans le cœur de chaque homme, car elle est la raison même de l’homme, lui
ordonnant de bien faire et lui interdisant de pécher. »
Une
loi qui n’est pas autre chose que la loi éternelle
Mais
cette « ordination de la raison »
ne peut avoir force de loi si elle n’est pas prescrite par une raison qui nous
est supérieure, à laquelle nous devons obéissance. Toute loi repose en effet
sur une autorité, c’est-à-dire sur « un
pouvoir véritablement capable d’établir ces devoirs et de définir ces droits,
capable aussi de sanctionner ses ordres par des peines et des récompenses. »
Évidemment, cette autorité ne peut résider dans l’homme. Il ne peut se donner à
lui-même la règle de ses propres actes. « Il suit donc de là que la loi naturelle n’est autre chose que la loi
éternelle, gravée chez les êtres doués de raison et les inclinant vers
l’acte et la fin qui leur conviennent, et celle-ci n’est elle-même que la
raison éternelle du Dieu créateur et modérateur du monde. »
Dieu
peut aussi directement éclairer notre intelligence et guider notre volonté, la
raffermir et la fortifier pour que nous puissions exercer plus facilement et
sûrement notre liberté naturelle. Il est faux de croire que cette grâce divine
remette en cause notre liberté naturelle puisque, émanant de Dieu Lui-même, de
notre propre créateur, elle est « merveilleusement
et naturellement apte à conserver toutes les natures individuelles et à garder
à chacune son caractère, son action, son énergie. »
La
liberté au sein de la société
« Donc, dans une société d’hommes, la liberté
digne de ce nom ne consiste pas à faire tout ce qui nous plaît : ce serait
dans l’État une confusion extrême, un trouble qui aboutirait à
l’oppression ; la liberté consiste en ce que, par le secours des lois
civiles, nous puissions plus aisément vivre selon les prescriptions de la loi
éternelle. » Si une prescription d’un pouvoir quelconque s’oppose aux
principes de la droite raison et avec les intérêts du bien public, elle
n’aurait aucune force de loi comme le rappelle Saint Augustin, « parce que ce ne serait pas une règle de
justice et qu’elle écarterait les hommes du bien pour lequel la société a été
formée. »[25]
Finalement,
« par sa nature donc et sous quelque
aspect qu’on la considère, soit dans les individus, soit dans les sociétés, et
chez les supérieurs non moins que chez les subordonnés, la liberté humain
nécessite d’obéir à une règle suprême et éternelle ; et cette règle n’est
autre que l’autorité de Dieu nous imposant ses commandements ou ses
défenses ; autorité souverainement juste, qui, loin de détruire ou de
diminuer en aucune sorte la liberté des hommes , ne fait que la protéger et
l’amener à sa perfection, car la vraie perfection de l’être, c’est de
poursuivre et d’atteindre sa fin ; or, la fin suprême vers laquelle doit
aspirer la liberté humaine, c’est Dieu. »
La
liberté selon le libéralisme et ses conséquences
Léon
XIII définit les conséquences de la doctrine libérale au niveau communautaire
ou social et individuel. Au niveau individuel, « si l’on fait dépendre du jugement de la seule et unique raison humaine
le bien et le mal, on supprime la différence propre entre le bien et le
mal ; […] ce qui plaît sera permis. » Une telle doctrine morale
sera bien impuissante à freiner et à empêcher les passions humaines ou tout
mouvement désordonné de l’âme. Nous en déduisons finalement les
conséquences : « l’accès à
toutes les corruptions de la vie. »
Au
niveau social, du refus de se soumettre à la volonté de Dieu, il est aisé de conclure
que « la cause efficience de la
communauté civile et de la société doit être cherchée, non pas dans un principe
extérieur ou supérieur à l’homme, mais dans la libre volonté de chacun ».
Par conséquent, ce que la raison individuelle est pour l’individu, c’est-à-dire
la loi qui règle sa vie, la raison collective doit l’être pour la société. Et
finalement, la loi du grand nombre crée le devoir et le droit.
En
refusant la souveraineté de Dieu sur la société et sur l’homme, « il est naturel que la société n’ait plus de
religion, et tout ce qui touche à la religion devient dès lors l’objet de la
plus complète indifférence. » En outre, sans le lien de la conscience,
seule la force pourra contenir les passions populaires. Mais elle serait bien
insuffisante pour la contenir. Finalement, une telle doctrine est source de
désordre et de trouble au détriment de la vraie liberté.
Différents
degrés de libéralisme
Pour
d’autres libéraux, les lois divines doivent régler la vie des individus mais
non celle des États. Celui-ci peut légiférer sans en tenir compte, ce qui
conduit notamment à la séparation de l’Église et de l’État. Or, « la société donne aux citoyens les moyens et les facilités de passer la
vie […] selon les lois de Dieu ».
Comment cela serait-il possible si l’État se désintéresse de ces lois ou même
aller contre elles ? Les gouvernements doivent agir non seulement pour les
biens extérieurs de l’individu mais aussi et surtout ceux de l’âme. En fait,
une telle doctrine n'est pas réaliste : « le pouvoir civil et le pouvoir sacré, bien
que n’ayant pas le même but et ne marchant pas par les mêmes chemins, doivent
pourtant, dans l’accomplissement de leurs fonctions, se rencontrer quelques
fois l’un et l’autre. » Car ils exercent leur autorité sur les mêmes
objets. Leur séparation est donc absurde et conduirait nécessairement à des
conflits funestes aux individus.
Léon
XIII montre ainsi que les doctrines qui tentent de réduire les effets du
libéralisme sont finalement absurdes. Car le vice du libéralisme ne réside pas
dans l’application du principe du libéralisme mais dans le principe lui-même.
La
liberté religieuse
Selon
toujours l’esprit moderne, l’État doit être indifférent à la religion, même si
le peuple est catholique. Cela signifie qu’il ne veut remplir aucun devoir
envers Dieu. Or, « la réunion des hommes en société »
est « l’œuvre de la volonté de Dieu »
La société civile doit Le reconnaître comme son principe et son auteur, et, par
conséquent « rendre à sa puissance
et à son autorité l’hommage de son culte. » En outre, la puissance
publique a pour raison d’être de répondre aux besoins de la communauté et pour
objectif de conduire les citoyens à la prospérité de la vie terrestre ainsi que
de leur « accroître la faculté d’atteindre
ce bien suprême et souverain dans lequel consiste l’éternelle félicité des
hommes, ce qui devient impossible sans la religion. » Il est donc
nécessaire de professer une religion dans la société et celle qui est la seule
et vraie religion. Il est du devoir du chef de l’État de la protéger et de la
défendre. Un État ne doit pas être athée.
De
plus, la religion est utile pour les gouvernants comme pour les gouvernés.
Celle-ci « impose avec une très
grave autorité aux princes l’obligation de ne point oublier leurs devoirs, de
ne point commander avec injustice ou dureté, et de conduire les peuples avec
bonté et presque avec un amour paternel. » Elle recommande aux
citoyens la soumission à l’égard des autorités comme à des représentants de
Dieu, les unissant aux chefs de l’État par les liens de l’obéissance, du
respect et de l’amour. Elle fait croître les bonnes mœurs qui favorisent la
liberté, la prospérité et la puissance d’une nation comme en témoignent
l’histoire et la raison.
La
liberté d’expression
Cependant,
sur « les matières libres que Dieu a
laissées aux disputes des hommes », chacun est libre de se former une
opinion et de l’exprimer librement. Elle est même utile pour rechercher et
connaître la vérité.
La
liberté d’enseignement
« La
vérité […] doit être l’objet unique de l’enseignement ». Il existe
deux sortes de vérités : la vérité surnaturelle et la vérité naturelle. Ce
sont deux trésors qu’il faut préserver de la corruption. La première est
révélée par Dieu lui-même quand les secondes proviennent de la raison et constitue« le commun patrimoine
du genre humain » et sur laquelle repose les mœurs, la justice, la
religion ainsi que la société.
L’encyclique
rappelle le rôle bénéfique de l’Église dans la recherche, le progrès et
l’enseignement de la science. Dans les « matières qui n'ont pas
une connexion nécessaire avec la doctrine de la foi et des mœurs chrétiennes »,
l’Église laisse toute liberté aux savants.
La
liberté de conscience
De
la tolérance au mal
Cependant,
consciente de la faiblesse des hommes, l’Église tolère certaines choses
contraires à la justice et à la vérité afin d’éviter de plus grands maux,
d’obtenir ou de conserver de plus grands biens. De même, l’État doit aussi
pratiquer cette tolérance. « Néanmoins,
[…], si, en vue du bien commun et pour ce
seul motif, la loi des hommes peut et même doit tolérer le mal, jamais pourtant
elle ne peut ni ne doit l'approuver, ni le vouloir en lui-même, car, étant de
soi la privation du bien, le mal est opposé au bien commun que le législateur
doit vouloir et doit défendre du mieux qu'il peut. » En outre, la
tolérance au mal, qui appartient aux « principes
de prudence politique », doit être limitée afin qu’elle ne soit pas
nuisible au salut publique, qui est sa raison d’être.
De
même, selon cette même prudence et sans s’écarter de sa raison d’être, qui est
le salut des âmes, l’Église peut tolérer des libertés modernes sans néanmoins
les approuver. Car « une chose
demeure toujours vraie, c'est que cette liberté, accordée indifféremment à tous
et pour tous, n'est pas, comme nous l'avons souvent répété, désirable par
elle-même, puisqu'il répugne à la raison que le faux et le vrai aient les mêmes
droits. » Elle a aussi le droit et le devoir de protester contre toute
tolérance excessive sans manquer de patience et de douceur.
Résumé de l’encyclique
Le
principe que souligne l’encyclique et sur lequel repose sa ferme opposition aux
libertés modernes est « que l'homme
doit nécessairement rester tout entier dans une dépendance réelle et incessante
à l'égard de Dieu, et que, par conséquent, il est absolument impossible de
comprendre la liberté de l'homme sans la soumission à Dieu et
l'assujettissement à sa volonté. Nier cette souveraineté de Dieu et refuser de
s'y soumettre, ce n'est pas la liberté, c'est abus de la liberté et révolte ».
Or, « c’est précisément d'une telle
disposition d'âme que constitue et naît le vice capital du Libéralisme. »
C’est pourquoi, quel que soit son degré, l’Église condamne fermement le libéralisme sous toutes ses formes.
Par
conséquent, « il n’est aucunement
permis de demander, de défendre ou d'accorder sans discernement la liberté de
la pensée, de la presse, de l'enseignement, des religions, comme autant de
droits que la nature a conférés à l'homme. Si vraiment la nature les avait
conférés, on aurait le droit de se soustraire à la souveraineté de Dieu, et
nulle loi ne pourrait modérer la liberté humaine. Il suit pareillement que ces
diverses sortes de libertés peuvent, pour de justes causes, être tolérées,
pourvu qu'un juste tempérament les empêche de dégénérer jusqu'à la licence et
au désordre. » Finalement, l’encyclique rappelle le principe selon
laquelle « une liberté ne doit être
réputée légitime qu'en tant qu'elle accroît notre faculté pour le bien ; hors
de là, jamais. »
Mais,
lorsque ces libertés sont en vigueur dans un État, les fidèles doivent en user
pour faire le bien tout « en ayant à
leurs égards les sentiments qu’a l’Église. » Et dans une société où on
laisse toute licence au mal, nous devons chercher le pouvoir de toujours faire
le bien.
Conclusions
Mais,
tout cela n’est pas extraordinaire. Tout est simplement cohérent. Les mêmes
causes produisent les mêmes effets. L’homme livré à lui-même ne peut aboutir
qu’à cette sinistre réalité. Ce qui est déraisonnable est justement de ne pas entendre
sa raison et les leçons de son passé. Forte de son histoire et de son expérience,
éclairée par les lumières tant de la raison que de la foi, l’Église connaît
bien l’homme dans toute sa réalité, ses faiblesses et ses forces. Elle ne vit
pas de chimères. Elle ne se nourrit pas de belles utopies. Elle agit dans un
monde réel.
« Les idées développées par le pape et les thèmes abordés, bien que
forcément marqués par leur époque, sont d’une acuité intellectuelle toujours
vivace. »[26]
Léon XIII expose clairement la cause des maux qui nous frappent durement
aujourd’hui. En nous détournant de Dieu, ou en vivant comme s’Il n’existait
pas, il n’y a point d’autres issus que le déclin et le désastre civilisationnel. En mettant l’homme au
centre de la vie, en le désignant comme sa seule fin, il n’y a point non plus
d’autres issus que le désordre et la violence. La liberté sans limite ou pour
elle-même n’a point de sens. Avec de tels principes, la société non plus n’a
plus de raison d’être. C’est une société qui fabrique des esclaves et des fous. La
liberté qu’elle vend, ce n’est pas la liberté qui sauve. C'est une véritable servitude. Car seule la vérité
rend libre …
Ainsi,
il n’est point possible d’accepter les libertés modernes ou de se compromettre
avec ceux qui les professent ou les défendent. Le libéralisme est clairement
inacceptable pour les chrétiens. Nous ne pouvons que tolérer ce mal tout en
cherchant à s’en servir pour faire le bien pour la plus grande gloire de Dieu.
Car finalement, hors de Dieu, que pouvons-nous trouver, sinon la mort ? …
Notes et références
[1] Voir Émeraude, juillet 2024, article "Le Syllabus, contre les erreurs de notre temps".
[2] Pie IX, Syllabus et l’encyclique.
Texte officiel et quelques notes. 5ème édition augmentée du texte
latin du Syllabus, 1877, Sandoz et Fischbacher, gallica.bnf.fr. Le Syllabus
accompagne l’encyclique Quanta cura.
[3] Encyclique Aeterni Patris, le 4 août
1879. Léon XIII fonde l’Académie pontificale Saint Thomas à Rome, destinée à
l’étude et à la diffusion de la doctrine thomiste.
[4] Encyclique Providentissimus Deus, le
18 novembre 1893. Il institue une commission biblique chargée d’étudier les
questions les plus ardues de la Sainte Écriture
et de surveiller l’exégèse catholique.
[5] Encyclique Diuturnum, 29 juin 1881.
[6] Pierre de Luz, Histoire des Papes, 2ème
tome, XII, éditions Albin Michel, 1960.
[7] Benoît XVI, Homélie du 5 septembre
2010 lors du bicentenaire de la naissance du pape Léon XIII.
[8] A. Boulenger, Histoire de l’Église, troisième époque, période
contemporaine, chap. IV, I, n°290, A, librairie Emmanuel Vitte, 1923.
[9] Voir Émeraude, juillet 2024, article "Le Syllabus, contre les erreurs de notre temps".
[10] Léon XIII, Inscrutabili Dei Consilio sur
les maux de la société moderne, 21 avril 1878, laportelatine.org.
[11] Léon XIII, Inscrutabili Dei Consilio.
[12] Léon XIII, Arcanum Divinae sur le
mariage chrétien, 10 février 1880, vatican.va.
[13] Léon XIII, Diuturnum sur l’origine
du pouvoir civil, 26 juin 1881, vatican.va.
[14] Léon XIII, Officio sanctissimo, 22
décembre 1887, laportelatine.va.
[15] Léon XIII, Aeterni Patris, 4 août
1879, vatican.va.
[16] Léon XIII, Inscrutabili Dei Consilio.
[17] Léon XIII, Humanum genus, condamnant
le relativisme philosophique et moral de la franc-maçonnerie, 20 avril 1884, vatican.va.
[18] Léon XIII, Sapientae Christianae sur les principaux devoirs des chrétiens, 10 janvier 1890, vatican.va.
[19] Léon XIII, Au milieu des sollicitudes,
16 février 1892, vatican.va.
[20] L’encyclique In plurimis du 5 mai 1888
adressée aux évêques brésiliens traite de l’esclavage en raison de la loi qui
l’abolit au Brésil. L’encyclique Rerum Novarum s’intéresse à
l’esclavage moderne que crée l’industrialisation de l’Europe. Il demande ainsi
aux riches et patrons de ne point traiter l’ouvrier en esclave.
[21] Léon XIII, Immortale Dei, 1er
novembre 1885, vatican.va. Les citations provenant de ce texte seront suivies
de [ID].
[22] Saint Augustin, Epist. IV, ad
Donatistas, cap. II, n°9.
[23] Léon XIII, Libertas Praestantissum,
20 juin 1888, vatican.va. Les citations proviennent de cette encyclique.
[24] Voir Émeraude, juin 2024, article "La liberté de conscience".
[25] Saint Augustin, Du libre arbitre, 1. I,
c. 4, n°15, dans l’encyclique Libertas Praestantissum.
[26] Jean-Baptiste Noé, Léon
XIII et la liberté, contrepoints.org, 14 juillet 2012.
Jean-Baptiste Noé est directeur d’Orbis, école de géopolitique.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire