Avant
de rejoindre les cieux, Notre Seigneur Jésus-Christ a envoyé ses apôtres pour
perpétuer son œuvre. Il les a choisis et leur a donné les pouvoirs nécessaires
pour que l’Église qu’Il a fondée se répande dans le monde entier. Leur mission est néanmoins dépendante d’une
double exigence, d’une double unité. Ils doivent être unis en Notre
Seigneur Jésus-Christ comme un sarment à une vigne, et ils doivent être unis
eux-mêmes par la charité. Mais nous
connaissons la nature humaine et la liberté qui est donnée à tout homme. Nous
ne pouvons guère oublier les séquelles du péché originel. Nous portons nous-mêmes le lourd fardeau de
notre misère. Sans ignorer l’assistance divine que Notre Seigneur Jésus-Christ
leur a promise, nous pouvons craindre
des dissensions entre les apôtres et
les communautés qu’ils doivent fonder. Pourtant, au cours du premier
siècle, les paroles de Notre Seigneurs Jésus-Christ ont été accomplies…
Nous
pourrions alors croire que l’Église n’a été fondée que sur les apôtres unis
entre eux et avec Notre Seigneur Jésus-Christ. Or, selon l’enseignement de
l’Église, les successeurs des apôtres sont les évêques légitimes. Certains
prétendent alors que l’Église ne doit être gouvernée que par les évêques
fidèles unis entre eux. D’autres affirmeront que c’est le rôle du concile
puisqu’il est le lieu où ils s’assemblent. Telles sont les idées émises par une
certaine forme de conciliarisme et toutes les doctrines favorables à
l’épiscopalisme. Or ces propositions ou opinions se fondent sur une erreur. Elles
oublient, négligent ou relativisent un point fondamental : parmi les apôtres, Notre Seigneur
Jésus-Christ a nettement distingué l’un d’entre eux, Saint Pierre…
Simon,
appelé Pierre, premier des apôtres
Lorsque
les évangélistes Saint Matthieu, Saint Marc et Saint Luc énumèrent les noms des
douze apôtres, le premier de la liste est toujours Simon « à qui il donna le nom de Pierre » (Marc,
III, 16), ou « appelé Pierre »
(Matth.,
X, 2), « auquel il donna le surnom
de Pierre » (Luc, XVI, 14). Les trois évangélistes nous apprennent
tous ce changement de nom. Dans les Actes des Apôtres, écrits par le
même Saint Luc, la liste commence aussi par Pierre sans préciser son nom
originel. Ainsi, dans ces énumérations, nous constatons clairement deux
choses propres à Saint Pierre : la première
place qu’il occupe et le changement
de nom.
Le
premier point nous éclaire sur la primauté qui lui est donnée sur les onze
autres apôtres. Notons que la place des autres apôtres change selon les listes,
ce qui souligne encore plus la place incontestable de Saint Pierre. Saint
Matthieu est encore plus explicite. Simon est en effet appelé le « premier » (Matth., X, 2) sans qu’il
n’évoque un second ou un troisième. Pourtant, il n’est pas le premier à avoir
été choisi. C’est en effet son frère André. Le second point est plus éclairant.
Nouveau
nom, nouvelle vocation
Saint
Jean nous évoque la première rencontre entre Notre Seigneur Jésus-Christ et
Simon. En le regardant, Il lui dit : « Tu es Simon, fils de Jona ; tu seras appelé Cephas, ce qu’on
interprète par Pierre. » (Jean, I, 42) Le terme araméen est Kefa[1]. Il
désigne le roc inébranlable. Remarquons que le terme de « rocher » évoque Dieu dans l’Ancien
Testament.
Le changement de nom n’est pas anodin
pour les Juifs. Il souligne un fait
extraordinaire, le début d’une histoire. Le cas le plus célèbre est celui
d’Abram dont le nom a été changé en Abraham. Le nom n’est pas simplement le
moyen d’identifier un individu. Dans notre société, nous avons tendance à
l’oublier. Il est constitutif de sa
personne. « Pour les Israélites
comme pour leurs voisins, le nom exprime en quelque sorte la personne même […]
qu’il désigne. »[2] Le nom
est intégré à la personne qui le porte. Connaître le nom ou l’attribuer à une
personne revient ainsi à donner pouvoir sur elle. En outre, le changement de
nom indique une nouveauté, une nouvelle vocation de la personne. Abram, qui
signifie « père très haut »,
c’est-à-dire de bonne race noble, devient Abraham, « le père d’une multitude de nations ». Ainsi en modifiant le nom de Simon en Pierre,
Notre Seigneur Jésus-Christ s’en accapare et lui attribue une nouvelle vocation,
une fonction, une mission. Il est le
seul apôtre qui a eu ce privilège. Même Saint Jean, le bien-aimé, n’a pas
eu cette faveur.
La
confession de foi de Saint Pierre
Saint
Matthieu nous explique en détail les raisons de ce changement et, par-là, nous
fait comprendre son rôle, ce pour quoi il a été choisi.
De
Bethsaïde, Notre Seigneur Jésus-Christ se dirige vers le nord, vers Césarée de
Philippe, aujourd’hui une petite bourgade appelée Bânias, dans la partie la
plus au sud de la Palestine, non loin des sources du Jourdain. Il est
accompagné de ses disciples. Il les interroge : « quel est celui que les hommes disent être le Fils de l’homme ? »
(Matth.,
XVI, 13). L’expression « Fils de
l’homme » est chère au peuple juif qui attend la venue du Messie[3]. Il en
est une des multiples désignations.
La
question peut nous étonner. Seul Saint Jean nous a habitués à un langage si
personnel. Les autres évangélistes s’intéressent en effet plutôt au Royaume de
Dieu. Et que signifie-t-elle ? Est-ce par ignorance qu’Il leur pose cette
question ou pour un quelconque intérêt sur les rumeurs qui circulent sur Lui ?
Certainement pas. Elle annonce plutôt des
paroles solennelles. Elle veut provoquer
une réaction auprès de ses disciples. Il veut attendre de leur bouche ce
qu’Il est après leur avoir enseigné par sa vie, ses paroles, ses miracles.
Les
apôtres Lui donnent alors des réponses variées. La population ne sait pas trop
ce qu’Il est : Saint Jean-Baptiste, Elie, Jérémie… Ils ne font ainsi que reprendre ce qu’ils ont attendu.
Puis
Notre Seigneur Jésus-Christ les interroge de nouveau : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? »
(Matth.,
XVI, 15) La question est de nouveau posée à tous les apôtres réunis. Pourtant, un seul répond : Simon. « Prenant la parole, Simon-Pierre dit :
vous êtes le Christ, le fils du Dieu vivant. » La réponse est affirmative,
claire, unique. Elle n’amène aucune contradiction. La formule est aussi complète.
Il est le Christ, c’est-à-dire l’oint de Dieu, le Messie attendu, et aussi le
Fils du Dieu vivant, du Dieu véritable. Il n’est pas uniquement un Fils mais le
Fils. Alors que la population hésite sur l’identité du « Fils de l’homme », Saint Pierre n’a donc aucun doute sur ce
qu’Il est. D’une voix inébranlable, même magistrale, il professe sa foi en Notre Seigneur Jésus-Christ.
Saint
Pierre, le roc sur lequel est établie l’Église de Notre Seigneur Jésus-Christ
La
réponse de Saint Pierre est si belle et si pleine que Notre Seigneur
Jésus-Christ le félicite aussitôt. « Tu
es heureux, Sion, fils de Jean, car ni la chair ni le sang ne t’ont révélé
ceci, mais mon Père qui est dans les cieux. » (Matth., XVI, 17) La
réponse nous renvoie aux Béatitudes. « Heureux
êtes-vous… » Est-Il dans l’admiration et dans la joie d’entendre une
telle réponse ? Nous songeons aux paroles sublimes de Saint Jean, à
« ceux qui ne sont point nés du sang
ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu. »
(Jean,
I, 13)
Saint
Pierre n’a pas trouvé sa réponse dans la raison ou auprès des autres disciples
ou du peuple juif, lui qui ne sait pas reconnaître les signes que Dieu lui a
pourtant donnés pour identifier le Messie. Sa connaissance est plus profonde.
Elle est une révélation divine tout en
étant un acte de foi. Comment un être de chair et de sang, un fils d’homme,
limité aux lumières naturelles, peut-il en effet faire une telle profession de
foi s’il n’était pas inspiré ? Une fois encore, Notre Seigneur
Jésus-Christ l’appelle de son nom, insistant davantage sur sa nature de
créature. Il lui rappelle ce qu’il est par nature, « fils de Jean » avant de lui donner un nouveau nom qui lui révèle ce qu’il va devenir. Le
contraste est saisissant.
Saint
Pierre a dit ce qui est Jésus, désormais, c’est à son tour de lui dire ce qu’il
est. « Aussi moi je te dis que tu es
Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne
prévaudront point contre elle. » (Matth., XVI, 18) Si les paroles
araméennes perdent de leur force en les traduisant, nous percevons encore un magnifique
jeu de mots[4]. Néanmoins,
nous devrions dire « sur Pierre »
au lieu de « sur cette pierre ».
C’est donc sur sa personne que l’Église
est bâtie. Le changement de nom annonce la place privilégiée qu’il va
occuper dans l’édifice divin. L’Église, dont le fondateur est Notre Seigneur
Jésus-Christ – c’est son Église, soulignons-le – est bâtie sur Saint Pierre, la
pierre de fondement, la pierre fondamentale.
De
nombreux commentaires voient dans le terme « pierre » d’autres significations. On en a recensé au moins
dix. Certains considèrent par exemple qu’il s’agit de Notre Seigneur
Jésus-Christ Lui-même. Ces interprétations ne peuvent pas cependant résister
longtemps à une lecture sérieuse des paroles.
Un
fondement inébranlable
L’image
du rocher est lumineuse. Elle est associée aux idées de fondement et de stabilité. « Le rocher porte vraiment l’édifice et lui prête sa forme ; ainsi
Pierre soutiendra l’Église par son autorité. Il ne s’agit pas non plus d’un
rôle passage… Déjà l’image du fondement annonce par elle-même un rôle stable,
une action durable et permanente. »[5] L’image
nous renvoie à d’autres paroles de Notre Seigneur Jésus-Christ. « Quiconque donc entend ces paroles que je dis
et les accomplit, sera comparé à un homme sage qui a bâti sa maison sur un roc. »(Matth.,
VII, 24)
Le
roc ne désigne pas Notre Seigneur Jésus-Christ comme certains commentateurs
l’ont pensé sinon la tournure de phrase n’aurait plus de sens. En outre, Il s’adresse
bien à Saint Pierre et à lui-seul, et non aux apôtres. Enfin, ce n’est point
une promesse mais une prophétie, une réalité qui doit se réaliser dans l’avenir.
Une
Église infaillible
Notre
Seigneur Jésus-Christ nous révèle aussi, en même temps, que « les portes de l’enfer de prévaudront
point contre elle » (Matth., XVI, 17). Le terme de
« porte » signifie
puissance. Le terme d’« enfer »
peut signifier deux choses selon les exégètes, soit le séjour des morts, et
donc la mort elle-même, soit le séjour des damnés et des démons, par conséquent
l’empire de Satan. L’Église sera donc
invulnérable aux puissances de la mort ou du mal. Dans le premier cas, elle
sera immortelle, dans le second, indéfectible. La dernière interprétation est
la plus vraisemblable en raison du contexte. Le terme de « prévaloir » est proche de « triompher » ou de l’expression
« être fort contre quelqu’un ».
Dans ce cas, Notre Seigneur Jésus-Christ annonce
une Église indéfectible, et par conséquent infaillible. Comme cette annonce
suit immédiatement celle qui assure à Saint Pierre son rôle de socle, nous
pouvons en déduire que l’infaillibilité
est garantie à l’Église à cause de Saint Pierre. Elle défit à tous les
assauts du mal parce qu’elle a Saint Pierre pour fondement. L’Église et Saint Pierre sont
indissociablement liés.
Saint
Pierre, maître des clefs
Saint
Matthieu nous révèle ensuite en quoi consiste la place particulière de Saint
Pierre dans l’Église. « Et je te
donnerai les clefs du royaume de Dieu […]»(Matth., XVI, 19). Si
l’Église est du temps, le Royaume de Dieu est éternel. C’est néanmoins le même
édifice qui se construit ici-bas et s’achève dans les cieux. Saint Pierre est
donc le gardien des clefs de l’Église, celui qui détient les clefs de l’entrée
du Royaume de Dieu. C’est lui qui ouvre et ferme, accueille et écarte, accorde
ou refuse l’accès à la demeure céleste. Ainsi, Saint Pierre reçoit le pouvoir
de recevoir dans l’Église ceux qui veulent y entrer, et d’en exclure certains.
Le terme de « clefs »
signifie aussi d’une manière générale tout l’exercice de l’autorité. Saint Pierre a ainsi les pleins pouvoirs du
maître de maison, c’est-à-dire de l’Église.
Saint
Pierre, gardien de la foi et de la morale
« […] tout ce que tu lieras sur la
terre sera lié aussi dans les cieux ; et tout ce que tu délieras sur la
terre, sera aussi délié dans les cieux. »
(Matth.,
XVI, 19) Notre Seigneur Jésus-Christ atteste le pouvoir suprême de remettre les péchés. Néanmoins, plus tard, les
apôtres recevront aussi ce pouvoir comme l’atteste Saint Jean. « Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils
leur seront remis ; et ceux à qui vous retiendrez, ils leur seront
retenus. » (Jean, XX, 23) Quel est alors le
privilège de Saint Pierre ?
Notons
d’abord que Saint Pierre l’a reçu en premier. Ce n’est pas un hasard. Laissons
Bossuet nous donner quelques éclaircissements. « C'était manifestement l'intention de Jésus-Christ de mettre
premièrement dans un seul ce que, dans la suite, il voulait mettre dans
plusieurs ; mais la suite ne renverse pas le commencement, et le premier ne
perd pas sa place... Les promesses de Jésus-Christ aussi bien que ses dons sont
sans repentance, et ce qui est donné une fois indéfiniment et universellement est
irrévocable ; d'ailleurs la puissance donnée à plusieurs porte sa restriction
dans son partage, au lieu que la puissance donnée à un seul, et sur tous, et
sans exception, emporte la plénitude. »[6] Saint Pierre reçoit cette puissance de
manière personnelle alors que les
apôtres l’exercent de manière collective. Telle est aussi l’interprétation
du pape Innocent III. « Ce qui est dit à
Pierre lui est adressé personnellement, à l'exclusion des autres ; ce qui est
dit aux autres s’adresse à eux dans leur union avec Pierre. En conséquence, le
pouvoir lui est donné de telle sorte qu'il ne puisse être l'apanage des autres
sans lui, mais que lui-même puisse le revendiquer à part des autres, en raison
d'un privilège qui lui est conféré et de la plénitude de puissance qui lui est
accordée. »[7] Par
ailleurs, Saint Pierre a un pouvoir sans lien avec d’autres, les apôtres ont un
pouvoir qui ne peut subsister sans unité. Enfin, étant premier, le pouvoir de Saint Pierre s’exerce aussi
sur les autres apôtres. En effet, avant qu’Il souffre la Passion, Notre
Seigneur Jésus-Christ lui demande : « quand
tu seras converti, affermis tes frères » (Luc, XXII, 32). Il est
bien érigé comme le gardien des autres apôtres, veillant sur eux comme des
frères. C’est à Lui que Notre Seigneur Jésus-Christ s’adresse.
Les
termes de « lier » et
« délier » nous renvoient
probablement aux pouvoirs des docteurs de la Loi. Ils étaient dits lier ou
délier quand ils prononçaient : « ceci
est défendu, ceci est permis ; telle chose est inexacte, telle autre ne
l’est pas. » Finalement, « le
pouvoir de Saint Pierre est tel que ce qu’il fit ici-bas à son retentissement
au ciel. »[8]
Ainsi nous pouvons entendre dans la parole de Notre Seigneur Jésus-Christ la
constitution du plein pouvoir doctrinal dans l’ordre spéculatif et pratique.
Saint Pierre est donc aussi le gardien
de la foi et de la morale.
Le
passage de la Sainte Écriture est ainsi riche en enseignement, suffisamment
clair et complet pour démontrer le rôle fondamental de Saint Pierre dans
l’Église dont il est institué chef par son fondateur Notre Seigneur
Jésus-Christ. Un autre passage de l’Évangile doit également être évoqué.
La
confession de charité de Saint Pierre
La
scène se déroule en Galilée, au lac de Tibériade. Saint Pierre pêche avec six
autres apôtres. Toute la nuit, ils ont travaillé sans rien prendre. Leur filet
est vide, la barque légère. Les malheureux pécheurs reviennent vers le rivage.
Au loin, sur la berge, Notre Seigneur Jésus-Christ ressuscité les regarde. Ils
ne L’ont pas encore reconnu. À sa demande, ils jettent de nouveau un filet à
droite de la barque, et tout-à-coup, il se remplit d’une multitude de poissons.
Par ce miracle, Saint Jean Le reconnaît. Il dit à Saint Pierre : « C’est le Seigneur. »(Jean,
XXI, 7) Alors le reconnaissant à son tour, « il se ceignit de sa tunique, et se jeta dans la mer. »(Jean,
XXI, 8) Les autres disciples viennent au rivage par la barque. Un repas les
attend, du pain, du feu, des poissons sur la braise. « Venez, mangez. » (Jean,
XXI, 12) Ils se retrouvent comme avant, dans l’intimité. Notre Seigneur
Jésus-Christ distribue à chacun du poisson et du pain. Les apôtres sont assis,
certainement émus de cette nouvelle manifestation.
Remarquons
que Saint Pierre est celui qui invite les apôtres à pêcher, celui à qui Saint
Jean confie son secret, celui qui tire le filet rempli de poissons et le
premier qui va à Notre Seigneur Jésus-Christ. Il est le personnage central de la scène, agissant comme un chef.
Après
ce repas, Notre Seigneur Jésus-Christ dit à Saint Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que
ceux-ci ? Il lui
répondit : Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime. Jésus lui
dit : Pais mes agneaux. » (Jean, XXI, 15) À trois reprises, Il
lui pose cette question et à chaque fois, Saint Pierre confirme son amour pour
lui. À chaque attestation de charité
qu’Il provoque, Il lui confirme sa charge de pasteur. « Pais mes agneaux », « pais mes brebis ».
Pourtant,
il n’y a qu'un seul pasteur, un seul
troupeau, Notre Seigneur Jésus-Christ. Que signifient donc ses paroles si
claires et si insistantes ? Et c’est Lui qui institue Saint Pierre comme
pasteur de ce troupeau ! Qui ne voit pas dans ces paroles une sorte de
relais ? Osons le dire. Saint
Pierre doit prendre sa place, Lui succéder.
Saint
Pierre, le pasteur de l’Église
Lors
de la dernière Cène, Notre Seigneur Jésus-Christ annonce aux apôtres qu’Il doit
partir, là où ils ne peuvent suivre. Et sûr de lui, Saint Pierre
intervient : « pourquoi ne
puis-je vous suivre à présent ? Je donnerai mon âme pour vous. »
(Jean,
XIII, 37) En guise de réponse, Notre Seigneur Jésus-Christ lui prophétise son
triple reniement. Lors de sa passion, Saint Pierre L’a en effet renié trois
fois.
Avant
de les quitter pour se rendre à la montagne des Oliviers, Notre Seigneur
Jésus-Christ annonce aux apôtres sa Passion et leur révèle qu’ils prendront du
scandale à son sujet pendant la nuit comme l’avait prédit le prophète Zacharie.
De nouveau, Saint Pierre lui répond : « quand tous se scandaliseront de vous, pour moi jamais je en me
scandaliserai. » (Matth., XXVI, 33) La réponse de
Saint Pierre n’est plus seulement pleine de témérité ; il se compare désormais aux autres
disciples et s’élève au-dessus d’eux. Et Notre Seigneur Jésus-Christ lui
annonce son triple reniement. Il sera le seul, tombant ainsi au-dessous d’eux. Celui
qui sera exalté sera humilié. Mais Saint Pierre persiste. « Quand il me faudrait mourir avec vous, je ne
vous renierai point. » »(Matth., XXVI, 35) Notre Seigneur Jésus-Christ
ne lui répond plus.
Les larmes de saint Pierre
Le Greco
|
Quel
chemin parcouru par Saint Pierre depuis la dernière Cène ! Sur les rives
du lac de Tibériade, la question de Notre Seigneur Jésus-Christ n’est pas
anodine. L’aime-t-il plus que les autres, lui demande-t-Il ? La réponse de
Saint Pierre est plus prudente, plus
humble. Il ne tombe pas dans le piège. Il ne se compare plus aux autres, ne
faisant que protester son amour. Mieux encore. Il laisse au Seigneur le soin de
répondre. « Oui, Seigneur, vous
savez que je vous aime. » (Jean, XXI, 16) Sa réponse ne
s’appuie plus sur lui-même. « Seigneur,
vous connaissez toutes choses, vous savez que je vous aime. » (Jean,
XXI, 17) Il n’affirme rien de lui-même
contrairement à ses réponses précédentes si téméraires. Il en appelle désormais
au témoignage et à la science infinie de Notre Sauveur. Certes, à la troisième
fois, Saint Pierre est attristé. Comment peut-Il encore poser une telle
question, Lui qui sait tout et qui sonde les cœurs ? Mais son triple
reniement ne nécessite-t-il pas une triple protestation d’amour afin que tout
s’efface ? Puis, Notre Seigneur Jésus-Christ lui annonce sa mort, son
martyre, tout imprégnée d’humilité. Il mourra pour Lui, glorifiant ainsi Dieu.
À
ses trois protestations d’amour, Notre Seigneur Jésus-Christ lui confirme sa
charge de pasteur auprès des agneaux et des brebis. Lors de la scène où Il
annonce qu’il sera la pierre de fondement de l’Église, Saint Pierre a professé
sa foi. Cette fois-ci, Il provoque une
attestation de charité. Le terme même de « paître » est important. Il est plus qu’un chef, plus qu’un
docteur. Il est un véritable pasteur
qui doit prendre soin de ses agneaux et de ses brebis, les nourrir, les
conduire, les ramener dans le seul troupeau. Or qui est le Pasteur si ce n’est
Notre Seigneur Jésus-Christ ? Ainsi Il le confirme dans la perpétuation de
son œuvre. Il lui remet le troupeau tout
entier, ainsi que les apôtres …
Conclusions
La
Sainte Écriture est d’une très grande clarté. Trois images nous décrivent
nettement la primauté de Saint Pierre. Il est le roc sur lequel s’élève
l’Église qui doit traverser les siècles. Il est aussi le détenteur des clefs,
le maître dans toute la maison de Dieu. Il est enfin celui qui lie et délie,
sur terre comme au ciel, manifestant ainsi un pouvoir et une responsabilité
suprême. Notre Seigneur Jésus-Christ
remet personnellement et directement à Saint Pierre la charge de diriger
l’Église en son nom. Il en est le fondement à cause de sa foi et de sa
charité. Ainsi, si les apôtres ont reçu pour mission de perpétuer l’œuvre de la
Rédemption, poursuivant ainsi son œuvre, Saint
Pierre en assure la primauté. Il est leur chef. Et soulignons : saint
Pierre est le chef de toute l’Église, et non celle réunie à Rome ou à Antioche.
Saint Ambroise le dira : là où sera Pierre, là sera l’Église[9].
Notre
Seigneur Jésus-Christ l’a désigné comme le pasteur de ses fidèles. Or ne
s’est-Il pas lui-même désigné par ce titre ? Ainsi, Saint Pierre doit agir
comme Il a agi envers ses brebis. Il lui
remet certes son Église mais pour la servir. Attentif et vigilant, il doit
donc assurer l’unité de son troupeau et
le défendre contre tout ce qui peut le menacer avec les mêmes dispositions
qu’Il nous a témoignées. Ainsi nul ne peut être uni à Notre Seigneur
Jésus-Christ s’il n’est pas uni à Saint Pierre. Les apôtres doivent donc être
unis à celui qui a été appelé Pierre. Il est le principe de leur unité.
Les
passages témoignant la primauté de Saint Pierre, notamment celui de Saint
Matthieu, ont souvent fait l’objet de critiques. Leur authenticité a été remise
en cause. D’autres interprétations ont été données, relativisant le rôle de
Saint Pierre. On n’a pas cessé ainsi d’attaquer ces passages pour remettre en
cause la primauté du pape. Les princes, les conciliaristes, les protestants,
les gallicans, les modernistes, etc. La liste est longue. Leurs attaques montrent l’importance ces paroles tout en les éclairant
davantage. Elles nous montrent surtout le lien entre Saint Pierre et ses
successeurs, les papes. Là demeure le point d’achoppement Si rares sont désormais ceux qui remettent en cause sérieusement la primauté
de Saint Pierre, point dorénavant indiscutable et primordiale après d’âpres luttes, la véritable question qui soulève les passions et les interrogations, est celle de la
primauté pontificale chez les successeurs de Saint Pierre.
Notes et références
[1] En grec, "képhas", en
latin "petrus", c’est-à-dire pierre en français.
[2] André-Marie Gérard, Dictionnaire
de la Bible, mot « Nom »,
Robert Laffont, 1989.
[3] Voir Émeraude, juin 2015, article "Le Messie, l'Oint de Dieu,: les titres messianiques".
[4] « Pierre » et « pierre »
désignent la même chose. « Si le
français, comme le latin, passe du masculin au féminin, il n'en est pas de même
du syro-chaldéen, langue dont se servait le Sauveur, ni de la plupart des
versions orientales ; là c'est absolument le même mot qui est répété : Tu es
rocher et sur ce rocher... »
[5] Lectoure, Supplément
au Dictionnaire de la Bible, dans Manuel d’Écriture Sainte, R. P. J.
Renié, S. M., Tome IV, Les Évangiles, n°376, Librairie
Emmanuel Vitte, 1943.
[6] Bossuet, Sermon
de l’unité de l’Église.
[7] Innocent III, lettre Apostolicae Sedis au patriarche
de Constantinople.
[8] R. P. J. Renié, S.
M., Manuel
d’Écriture Sainte, Tome IV, Les Évangiles, n°377.
[9] Sant Ambroise, Enn. in Ps. 40,
30: PL 14,1134.
Exégèse de Matthieu XVI, 18 et réponses aux objections : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2016/01/23/les-fondements-bibliques-de-la-papaute-1-matthieu-xvi-18-le-christ-fait-de-pierre-la-pierre-de-fondement-de-son-eglise/
RépondreSupprimerL'enseignement des Pères de l'Eglise : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2015/10/05/lenseignement-des-peres-de-leglise-sur-tu-es-pierre-et-sur-cette-pierre-je-batirai-mon-eglise/
Les auteurs non-catholiques avouent : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2015/11/07/des-erudits-non-catholiques-reconnaissent-que-pierre-est-la-pierre/
Exégèse de Matthieu XVI, 19 : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2016/01/23/les-fondements-bibliques-de-la-papaute-2-matthieu-xvi-19-le-christ-donne-les-cles-du-royaume-des-cieux-a-saint-pierre-et-en-fait-ainsi-son-premier-ministre/
Exégèse de Luc XXII, 32 : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2016/01/23/les-fondements-bibliques-de-la-papaute-3-luc-xxii-32-le-christ-donne-a-saint-pierre-le-charisme-dinfaillibilite/
Exégèse de Jean XXI, 15-17 : https://philosophieduchristianisme.wordpress.com/2016/01/31/les-fondements-bibliques-de-la-papaute-4-jean-xxi-15-17-le-christ-confie-a-saint-pierre-la-charge-de-son-troupeau/