La
mise en parallèle d’Ève et de Marie n’est pas une nouveauté. Elle ne date pas
de notre temps moderne. Dès les premiers siècles du christianisme, ces deux
femmes ont été rapprochées, donnant alors lieu à de belles pages de vérité qui
ont enrichi l’enseignement de l’Eglise. Par ce rapprochement, Saint Justin,
Saint Irène et bien d’autres Pères de l’Eglise nous aident à mieux percevoir l’œuvre de la Rédemption.
Ainsi, invitons ceux qui doutent encore du rôle de Sainte Marie dans notre
salut et de ses privilèges à les rejoindre et à les écouter librement …
Saint
Justin (v.100-v.165) : Ève, la mort, Sainte Marie, la vie
Dans
ce court passage, Saint Justin met en opposition
les dispositions d’Ève et de Sainte Marie, toutes deux vierges, Ève se
soumettant au démon et désobéissant à Dieu, Sainte Marie acquiesçant à l’ange
et faisant la volonté divine, dispositions
aux conséquences contraires, Ève conduisant Adam au péché et donc tout le
genre humain à la mort, Sainte Marie ouvrant la porte au Sauveur et donc à la
vie. Saint Justin met ainsi en parallèle leur responsabilité, négative d’Ève et positive de Sainte Marie.
Sainte
Irénée (v.140-v.202) : Sainte Marie, « cause de salut » et Mère
des vivants
Saint
Iréné rapproche ensuite Ève et Marie, toutes deux vierges, toutes deux sujettes
à un discours qui les posent devant un
choix à l’égard de Dieu. Sont alors mises en parallèle deux scènes, celle
de la tentation du serpent qui séduit Ève et celle de l’Annonciation où l’ange
annonce la bonne nouvelle à la Sainte Vierge. « De même donc qu’Ève, en désobéissant, devint cause de mort pour
elle-même et pour tout leur genre humain, de même, […], devint en obéissant, cause de salut pour elle-même et pour tout le
genre humain. »[6] Ainsi,
« de même que celle-là avait été
séduite de manière à désobéir à Dieu, de même, celle-ci se laissa persuader
d’obéir à Dieu, […] de même que le
genre humain avait été assujetti à la mort par une vierge, il en fut libéré par
une vierge »[7].
Comme
Adam est récapitulé en Notre Seigneur Jésus-Christ, Ève l’est aussi en Sainte
Marie. Comme le Christ et Adam sont liés, la Sainte Vierge et la première femme
doit l’être aussi. Puisque le péché est entré dans le monde par une femme
vierge, le Sauveur naît d’une vierge également afin d’obéir au commandement de
Dieu, « en naissant d’une femme, en
réduisant à néant notre adversaire et en parfaisant l’homme à l’image et à la
ressemblance de Dieu. »[8] Il en
conclut alors deux conséquences : Sainte
Marie peut porter Dieu et devenir l’avocate
de la première femme…
Saint
Irène insiste sur le rôle de la Sainte Vierge dans l’œuvre de la Rédemption. Il
montre que Sainte Marie coopère à
l’œuvre du salut entreprise par Notre Seigneur Jésus-Christ, le nouvel Adam.
Tertullien
(v.160-v.220) : reprise des responsabilités d’Ève et de Sainte Marie
Comme
Saint Justin et Saint Irène, Tertullien oppose « la crédulité mauvaise d’Ève et la foi de la Sainte Vierge, le caractère
néfaste de la responsabilité qui lie et rend esclave et le caractère libérateur
d’une coopération ordonnée au salut. »[12]
Nous
pouvons encore citer d’autres Pères de l’Eglise qui opposent Ève et Sainte
Marie dans leur responsabilité à l’égard des hommes. Pour, Origène, Ève a été
source de souffrance et Sainte Marie source de bénédiction et de joie[13]. Pour Saint
Jérôme, « la malédiction a été
brisée. La mort par Ève, la vie par Marie »[14]. Pour Jean
Chrysostome, une « vierge nous a
chassés du paradis, par une vierge, nous avons trouvé la vie éternelle. »[15]
Ainsi,
comme Ève est associée à Adam dans le péché originel et dans ses conséquences,
le rendant auteur de mort, et donc associée à la corruption de la nature
humaine et à la ruine du genre humain, Sainte
Marie est associée à Notre Seigneur Jésus-Christ dont l’œuvre n’aurait pas
pu avoir lieu sans la coopération de la Sainte Vierge. Le rapprochement entre
ces deux femmes souligne ainsi le rôle
actif de Sainte Marie dans notre Salut. Comme l’écrit encore Saint Ephrem
dans une de ses hymnes, au IVe siècle, « Ève ouvre les portes fermées de la mort ainsi que les portes fermées de
l’enfer ; elle ouvre une voie inconnue, celle de la tombe. […] L’origine de notre salut ; l’origine de
notre mort, c’est Ève »[16]. Enfin,
pour Saint Augustin, « Voyez encore
cet admirable mystère : le grand mystère : la mort nous était venue
par la femme, c’est par la femme que la vie devait nous être rendue »[17]
Conclusions
En comparant Ève et Sainte Marie, la scène de la séduction de la première femme et celle de l'Annonciation, nous pouvons entendre la Sainte Écriture qui nous fait ainsi saisir l'œuvre de la Rédemption au travers de deux épisodes clés de notre histoire. Les Pères de l'Eglise puisent en effet leur enseignement dans la Génèse, l'Évangile selon Saint Luc et les Épitres de Saint Paul. C'est ainsi que par la Sainte Écriture et la Tradition, l'Église nous transmet les vérités que nous devons connaître.
Après
avoir entendu les Pères de l’Eglise,
unanime dans leur enseignement, il
nous est bien difficile de comprendre la position des protestants qui refusent
de croire au rôle privilégié de Sainte Marie dans l’œuvre de la Rédemption.
Luther lui-même n’a pas osé clairement la remettre en question. Comme se
fait-il alors que comparant Ève et Sainte Marie, ils ne puissent pas arriver à
la même conclusion ? Et encore récemment, une théologienne qui se disait
catholique s'offusquait de la place qu'occupe Sainte Marie dans l'Église ! Pourtant,
ce que nous croyons, nous ne l’inventons pas, nous le recevons. « Cause de salut » pour Saint Irénée,
« trésor de notre félicité »
pour Saint Ephrem, « unique
espérance des pécheurs », pour Saint Augustin. La vérité est dite.
Nous préférons suivre la Sainte Tradition qu’accepter la voie de
l’orgueilleuse et insolente nouveauté ! Nouveauté qui passe ...
« Salut,
étoile de la mer, ô très sainte mère de Dieu, toi qui est vierge à tout jamais,
ô bienheureuse porte du ciel, toi qui accueille cet Ave de la bouche de
Gabriel, affermis nos cœurs dans la paix : tu as inversé le nom
d’Ève.»[18]
Notes et références
[1] Hymne moderne reprenant les
paroles d’un hymne ancien Tota pluchra est.
[2] Constitution sur l'Église, Lumen
Gentium, n°63, Vatican 2, 21 novembre 1964.
[3] Pie XII, Munificentissumus Deus, constitution apostolique, 1er novembre 1950.
[4] Saint Justin, Dialogue
avec le Juif Tryphon, C, 4-6,
trad. M. de Genoude, 1848.
[5] Saint Irénée, Contre
les Hérésies, V, 19, 1.
[6] Saint Irène, Contre
les hérésies, Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur,
III, 22, 4, trad. Adelin Rousseau, les éditions du Cerf, 2001.
[7] Saint Irénée, Contre
les Hérésies, V, 19, 1.
[8] Saint Irénée, Contre
les Hérésies, V, 19, 1.
[9] Saint Irénée, Démonstration
de la prédication apostolique, 33.
[10] Saint Irénée, Contre
les Hérésies, III, 22, 4.
[11] Tertullien, Traité de la chair de
Jésus-Christ, Chapitre XVII, 1844.
[12] B. Sesboué, Les Signes du Salut, Troisième
partie, Chapitre XVII, I, 3, Desclée, 1995.
[13] Voir In Lucam, Origène,
fragment 12, SC 87, In Mattheum, homélie, 1, 5.
[14] Saint Jérôme, Epître
XXII.
[15] Saint Jean Chrysostome, In
Psalmis, 44, 7.
[16] Saint Ephrem, Semon
exegeticus, 2 dans La Sainte Vierge d’après les Pères,
l’Abbé Barbier, tome III, chap. CL, 1867.
[17] Saint Augustin, Le
Combat chrétien, chap. XXII, 1024, 24, trad. de M. Thénard, dans Œuvres
complètes de Saint Augustin, sous la direction de M. Raulx, 1869, Tome
XII.
[18] Hymne Ave, maris stella.
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