Des mouvements protestants contestent pourtant la place qu’elle occupe dans l’Église et dans nos prières, voyant par là un ombrage pour l’œuvre de son Fils. Il est vrai qu’ils refusent de croire à toute intercession de saints auprès de Dieu, sans contester leur valeur, puisque Notre Seigneur Jésus-Christ demeurerait pour nous le seul et unique intermédiaire, le seul qui nous sauve. Il serait donc inutile, voire dangereux, d’interposer des saints entre nous et Lui, y compris Sainte Marie.
Avant
de poursuivre notre étude sur la mariologie, nous allons nous pencher sur la
doctrine du culte des saints. Si celle-ci est justifiée, il sera alors plus
aisé de la défendre. Comme nous l’avons souvent montré, la doctrine et la
dévotion chrétiennes forment un tout cohérent. Si nous en séparons un des
principaux éléments, l’ensemble vacille et perd de la cohérence…
Un culte inutile ?
Pour Jean Calvin et Zwingli, notre
salut se fonde sur la double prédestination : Dieu élit les uns pour être
sauvés, les autres pour être damnés. Par conséquent, la doctrine du purgatoire
et la prière pour les morts sont inutiles. De même, est inutile
l’intercession des saints pour nous. Selon leurs doctrines, il n’existe aussi
qu’un seul et unique médiateur, Notre Seigneur Jésus-Christ. Ils comprennent
alors que notre salut ne doit être entièrement et en totalité que son œuvre. La
moindre dévotion à l’égard des saints, le moindre pouvoir d’intercession remettent
en cause sa gloire et sa souveraineté.
Un culte impie et diabolique ?
Selon les fondateurs des
différents mouvements protestants, le culte des saints n’est pas seulement
inutile, il est encore et surtout impie et dangereux puisque, toujours selon
leurs écrits, celui qui cherche refuge dans l’intercession des saints dérobe au
Christ l’honneur de la médiation[1],
ou plus clairement, il n’illustrerait que la persistance d’un culte idolâtre ou
d’une forme de superstition. Luther y voit un « abus introduit par l’Antéchrist »[2],
qui détourne de l’honneur dû à Dieu. Calvin encore plus catégorique. « Nous rejetons l’intercession des Saints,
comme une superstition inventée des hommes contre l’Écriture vu même qu’elle ne
procède que de défiance que l’intercession de Jésus-Christ ne soit suffisante. »[3]
Dans une autre proposition de confession de foi, Calvin insiste sur l’invention
diabolique de l’intercession des saints, qui « n’est qu’abus et tromperie de Satan, pour faire dévoyer les
hommes de la forme de bien prier. »[4]
La doctrine de la communion des
saints
Qu’est-ce que la communion des
saints ? Il s’agit de la communion ou de l’union des saints entre eux et
leur commune participation aux biens spirituels ou aux choses de l’Église. Tel
est en effet les deux significations de l’expression que nous donne l’actuel
catéchisme catholique[6].
Retenons la première signification. Le terme de « saints » ne désigne pas seulement
ceux qui sont déjà justifiés et possèdent la vie éternelle. Il désigne les
fidèles encore vivants ici-bas, qui continuent leur pèlerinage sur la terre, et ceux, qui, ayant achevé leur vie se purifient encore, puis enfin ceux qui
demeurent dans la gloire. Ce sont ceux qui appartiennent à l’Église, vivants et
morts. Entre ces fidèles, il existe un lien qui les rattache les uns aux autres
et grâce auquel ils participent aux mêmes intérêts et aux mêmes biens
spirituels. Ou dit autrement, dans l’Église, sous ses trois états[7],
comme toute société bien organisée, ses membres sont solidaires les uns des
autres. Ils partagent les mêmes richesses, les joies et aussi les infortunes,
les revers ainsi que les tristesses. L’ensemble de ces fidèles forment un seul
corps uni à Notre Seigneur Jésus-Christ dont il est la tête. « La communion des saints n’est rien d’autre
en effet […] qu’une communication mutuelle de secours, d’expiation, de prières,
de bienfaits, entre fidèles qui sont soit déjà en possession de la patrie
céleste, soit sont livrés encore au feu de l’expiation, soit encore en
pèlerinage sur cette terre, et qui croissent ensemble pour former une seule
cité dont la tête est le Christ et dont la forme est la charité. »[8]
Écoutons encore Léon XIII sur la
réalité de la communion des saints. « Or
cela est établi par la foi : même s’il n’est permis d’offrir l’auguste
sacrifice qu’à Dieu seul, il peut cependant être célébré en l’honneur des
saints qui règnent aux cieux avec Dieu qui les a couronnés, afin de nous
concilier leur patronage et aussi, comme les apôtres l’ont enseigné, pour
effacer la faute des frères qui, déjà morts dans le Seigneur, n’ont pas encore
totalement expié… »[9].
Léon XIII distingue bien le culte que nous devons rendre à Dieu et celui que
nous pouvons donner aux saints, culte qui se fonde notamment sur la communion
des saints. Ce sont deux cultes de motif et de nature différents.
Le pouvoir d’intercession des
saints selon l’Église
Dans le cadre de cette mutuelle
solidarité, les fidèles encore vivants ici-bas peuvent invoquer les saints, les
prendre comme intercesseur auprès de Dieu, les charger de Lui offrir leurs
prières et d’obtenir les secours dont ils ont besoin. C’est ainsi que l’actuel
catéchisme définit l’intercession des saints en reprenant la constitution
dogmatique Lumen Gentium [11] :
« étant en effet plus intimement
liés avec le Christ, les habitants du ciel contribuent à affermir plus
solidement l’Église en sainteté […] Ils
ne cessent d’intercéder pour nous auprès du Père, offrant les mérites qu’ils
ont acquis sur terre par l’unique Médiateur de Dieu et des hommes, le Christ
Jésus […] Ainsi leur sollicitude
fraternelle est du plus grand secours pour notre infirmité. »[12]
Le pouvoir d’intercession des saints n’enlève donc pas le rôle d’unique
Médiateur qu’assume Notre Seigneur Jésus-Christ auprès de Dieu le Père.
Conclusions
Et contrairement aux injures des
protestants, cette charité devrait faire frémir le diable, surtout quand le
fidèle connaît l’abîme qui sépare le culte qu’il doit rendre à Dieu avec le
culte par lequel il peut honorer ses saints, ses hommes et ses femmes qui ont
su croire et aimer ici-bas Notre Seigneur Jésus-Christ…
Enfin, s’il a existé des abus
dans le passé, abus qu’a condamnés l’Église et qu’elle a cherché à combattre
comme le rapporte le concile de Trente, notamment par un meilleur enseignement
des dogmes, ces abus ne justifient pas les propos condamnables des fondateurs
des protestants, qui, au lieu d’approfondir le dogme et de l’éclairer, ont sans-doute
choisi la solution la plus simple, celle de la condamnation. En outre, il est peut-être beaucoup plus simple pour eux de dénoncer un enseignement quand
celui-ci remet en cause des principes qu’ils prétendent être des vérités. Selon
un principe qui nous est cher, un abus d’un usage, même généralisé et
scandaleux, ne doit pas remettre en cause cet usage même, mais bien au
contraire, cet usage doit être davantage éclairé, justifié et encadré comme l’a
toujours fait l’Église. C’est ainsi que parfois elle avance, prenant davantage
conscience du trésor que Notre Seigneur Jésus-Christ lui a confié…
Notes et références
[1] Voir Institution
de la religion chrétienne, Calvin, 1541.
[2] Luther,
Articles sur Smalkalde, 1537.
[3] Confession
de foi de 1537, projet de foi présenté par Calvin et Farel à l’église
réformée de Genève, regard.eu.org.
[4] Confession
de foi de 1559, nouveau projet présenté par Calvin aux églises
réformées de France, qui deviendra la confession de foi dit de La Rochelle,
dans Histoire
de la Réforme protestante, Cottret, Paris, dans museeprotestant.org.
[5] Nous
pouvons citer une explication d’un symbole par Nicetas, évêque de Remesiana,
mort après 414, ou encore deux fragments d’un symbole gaulois cité par Fauste,
évêque de Riez (450-480). Voir Denzinger n°19, 25-26.
[6] Voir
Première partie, deuxième section, chapitre III, article 9, §5, La communion
des saints, n° 948, Catéchisme de l’Église catholique, vatican.va.
[7] Église
triomphante, que forment les saints qui ont gagné le ciel, Église souffrante,
ceux qui souffrent au Purgatoire, et Église militante ou combattante, ceux qui
sont encore sur la terre.
[8] Léon
XIII, encyclique Mirae Caritatis, 28 mai 1902, Denzinger n°3363.
[9] Léon
XIII, encyclique Mirae Caritatis, 28 mai 1902, Denzinger n°3363.
[10] Décret
sur l’invocation, la vénération et les reliques des saints, et sur les saintes
images, Concile de Trente, 3 décembre 1563, Denzinger n°1821.
[11]
Constitution dogmatique Lumen Gentium, 5e
session, 21 novembre 1964, 2ème Concile de Vatican, n°49.
[12]
Première partie, deuxième section, chapitre III, article 9, §5, La communion
des saints, n° 956.
[13] Saint
Dominique, dans livre 93, Saint Jourdan de Saxe, dans Catéchisme de l’Église catholique,
n°956.
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