Mais
pouvons-nous nous taire :quand nous sommes témoins de tant de mensonges et
de perfidies qui divisent et sèment la discorde, quand nous sommes accablés par
tant d’erreurs et d’hypocrisie qui méprisent les intelligences et abaissent le
bon sens, quand l’arrogance se mêle à l’incompétence avec une telle
inconvenance au point de faire naître la colère et la violence ?
Depuis
mars 2020, nous subissons les décisions arbitraires et incohérentes d’un
pouvoir qui nous surprend par ses improvisations et ses contradictions, ses
audaces et ses reculades. Avec une régularité aussi étonnante, nous voyons le
même processus agir. La crise est en effet révélatrice. Tout commence par un
discours d’un président sûr de lui-même, un discours aux formules détonantes,
au ton alarmiste. Les principes et les détails se mêlent dans une longueur
parfois insupportable. Nous découvrons à notre stupéfaction que notre vie va
être bouleversée en très peu de temps. Le discours nous impose de nous mettre
devant nos responsabilités et nous impose une solution simple : le suivre ou périr. En
clair, tout dépend de notre civisme… Après la stupéfaction, la colère…
Nous
ne sommes souvent guère préparés à ces décisions si tranchées et pourtant si
bouleversantes au sens propre du terme. Pire encore. Les paroles heurtent
d’autres. Un discours précédent, aussi affirmatif et clair, avait pourtant dit
clairement le contraire devant des Français et les caméras. Paroles
insouciantes, paroles peu de valeur. Une fois, deux fois, … Si la situation
évolue souvent sans nous surprendre, elle ne peut justifier tant de volte-face.
La parole scientifique, toujours probable et restreinte par nature, ne peut non
plus justifier une parole aussi incertaine et contradictoire. S’il est plaisant
à un chef de plaire à ses interlocuteurs ou de s’abriter derrière des experts, nous
savons que des décisions et des choix contradictoires sur des points essentiels
abîment la confiance et éloignent le chef rapidement de ses troupes. Il peut
encore se croire le chef mais ses hommes l’ont abandonné en esprit et la guerre
venue, il sera définitivement délaissé…
Après
un tel discours, mille questions traversent notre esprit. Comment allons-nous nous rendre au travail ? Comment nos enfants vont-ils poursuivre leurs
études ? Comment allons-nous nous nourrir ? Des questions que nous ne
nous posions plus depuis plusieurs générations. Un discours suffit pour
remettre en cause subitement les actes les plus simples de notre vie
quotidienne ou encore nos habitudes les plus ancrées. Nous sommes naturellement
assaillies par de nombreuses questions auxquelles nous voulons rapidement des
réponses concrètes puisque notre existence concrète est remise en cause. Point
de palabres mais des solutions. Mais une décision si conséquente suppose une
préparation. En guerre, un ordre émane d’une réflexion et s’appuie sur une
stratégie, des moyens, une tactique…
Les
mesures tardent à venir. Mais rapidement, la décision nous paraît improvisée. Elle
nous semble être une réaction face à un événement, à des chiffres, à des alarmes, à des émotions. Comme nous
l’avons appris de source sûre, la parole du chef peut aussi surprendre le
gouvernement lui-même, qui de manière précipitée doit alors réagir et élaborer
un projet de loi dans la précipitation. Le confinement, quand l’a-t-il
su ? Quelques heures avant l’annonce ? Quel chef oserait donner des
ordres à une armée de milliers d’hommes sans prévoir les modalités
d’exécution ? Les heures sont longues dans le cabinet, les nuits courtes.
Et pendant ce temps, la population s’inquiète. Les questions se multiplient.
L’angoisse monte…
Enfin,
le projet de loi est publié, parfois dans des détails qui frisent le ridicule. Il
devient force de loi. Volontaires et civiques, nous essayons alors d’appliquer
les mesures dans notre vie quotidienne. Mais il nous faut peu de temps pour y
déceler des incohérences et contradictions, voire des stupidités. Dans l’actuel projet,
le gouvernement refuse de préciser ce qu’il entend par « transport sur
longue distance » mais impose aux personnes atteintes du virus de les
isoler et de leur autoriser une sortie entre 10h et 12h ! Des voix porteuses
d’incompréhension s’élèvent alors pour les dénoncer. Le gouvernement se raidit,
affermit sa position et les rejette. Les protestations augmentent, souvent par
catégorie professionnelle ou communauté d’intérêts. Mais peu à peu, cette
résistance s’effrite. Le gouvernement finit par alléger des mesures au point de
les vider de toute substance et d’accroître l’incohérence au risque de
s’opposer à l’intention du projet. Le but est de défendre le texte. Après de
vives réclamations, les restaurateurs ne contrôleront pas finalement l’identité
des porteurs de pass-sanitaire, alors ce contrôle est supprimé au moment même
où des faux circulent. Qui est dupe de cette mascarade ? Mais, le pouvoir
a réussi à les contenter…
Pourtant, le gouvernement, est sûr de lui. Tout est bon pour montrer la pertinence et l’efficacité des mesures. Mais, nous
avons appris à nous méfier des mots et des chiffres tant l’esprit est habile à
les manipuler pour répondre à des desseins souvent peu avouables. Le mensonge
est évident. La dialectique est puissante pour faire avaler l’inconcevable. Que
les sages grecs avaient raison ! La démagogie étale toute son efficacité…
Revenons à l’assemblée nationale à la lecture du projet de loi. Les amendements se suivent et se succèdent pour supprimer des articles ou les rendre plus souples, plus applicables. Inflexible, soutenu par une
majorité silencieuse et soumise, ils sont les uns après les autres rejetés. La
majorité sait qu’elle est toute puissante. Et comme elle est majoritaire, elle
est convaincue qu’elle a raison. Les élections sont derrière elle. Les
prochaines sont encore loin. Dans un moment de faiblesse, un amendement réussit
à passer mais ressaisie, la majorité parvient finalement à le rejeter en fin de
séance. Assistant à ce nouveau jeu, où la fonction de chacun se vide, nous ne
pouvons qu’être indignés. Pourtant, que de paroles sages, que de réalisme chez
certains députés pour essayer de rendre des mesures applicables. Ils sont à
l’écoute de leur administré. Mais à la fin, opposants ou non, le discrédit
tombera sur tous…
Le
projet devient loi si le conseil constitutionnel parvient à le valider. Et en
dépit des bonnes intentions et d’une parole toujours inflexible, le réal dicte pourtant sa loi. Nous constatons peu à peu que les mesures tant défendues
et élaborées dans un cabinet ne sont finalement guère appliquées, ou plutôt
elles sont appliquées par ceux qui le veulent, de moins en moins nombreux, au
fur et à mesure que les contrôles se relâchent, les contrôleurs eux-mêmes peu
convaincus. La peur de l’amende s’estompe. Les zones de non-droit se
multiplient. Le pouvoir se complaît de la désobéissance passive, du silence apparent…
Mais
le processus se poursuit. Des citoyens ont l’audace d’appeler au gardien du
temple pour faire cesser des injustices. Le conseil constitutionnel finit par
annuler des mesures. Le mécontentement s’élève, souvent par communauté
d’intérêt. Les uns sont écoutés, les autres rejetés. La loi se vide ainsi encore
plus de sa substance. Il suffit de crier tout en étant moralement correct …
Et
l’épidémie finit par cesser. Les chiffres baissent, les lits se vident. Le
pouvoir politique se relâche. La pression diminue. Et dans une insouciance bien
compréhensible, tous oublient le proche passé sans imaginer qu’il n’est qu’une
pause. Au-delà des frontières, le mal est encore présent, plus virulent. Mais
qui s’inquiète de ce qu’il se passe au loin. Cela ne nous regarde pas. Et comme
aux premiers jours, nous refusons de comprendre que le mal nous touchera. La
tempête reviendra…
Si nous n’ignorons pas la complexité de la situation qui rend toute décision difficile, la crise met en valeur un processus souvent joué par le pouvoir :
- une décision arbitraire non préparée, souvent perçue comme une solution improvisée, une réaction souvent disproportionné à un événement, refusant de dire clairement les intentions réelles, n’hésitant pas à contredire d’autres paroles aussi affirmatives ;
- un projet de loi hâtivement élaborée, peu réaliste et incohérent, sûre d’aboutir en raison d’une majorité de députés soumis ;
- des mesures progressivement vidées de leur substance à force de répondre aux mécontentements, souvent soutenus par une communauté d’intérêt ;
- des mesures peu suivies en raison d’une applicabilité limitée, peu adaptée à la réalité et à la diversité des circonstances.
Que de tartufferie et de faux-semblants ! Et
pourtant, l’enjeu est de taille : la résolution d’une épidémie. Le
processus que révèle la crise actuelle n’est non plus sans conséquence à moyen
terme. Il accentue le discrédit des autorités politiques, divise la population,
nourrit la colère, y compris chez les plus sages et les plus prudents, les plus
dociles. La colère gronde aussi chez ceux qui doivent protéger le pouvoir et
assurer la sécurité de la nation. Sommes-nous conscients de la situation de
plus en plus instable et dangereuse en raison d’un pouvoir qui réagit aux événements au
lieu de traiter les problèmes ? … Nous craignons le pire...
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