Nous nous interrogeons
devant cette gardienne des lois divines présider une justice que règlent des
lois humaines. Nous pourrions alors répondre, et avec vérité, qu’elle n’est
qu’une représentation de la justice telle qu’elle doit être exercée. Elle prône
l’impartialité, l’équité, la clémence et bien sûr la justice morale qui doit sanctionner.
Nous parlons en effet de morale. Thémis applique la loi et la morale qui
viennent des dieux. Tout est clair. Mais le juge de qui tire-t-il sa
morale ? De lui-même ? Sa justice devient alors subjective. Son
impartialité, sa clémence et son équité pourraient être considérées comme des signes
de faiblesses et des sources d‘erreurs. Pourtant, de son jugement sort un
coupable ou un innocent. De sa voix tranchante, une lame brisera une vie,
voire une âme. Une telle puissance aux mains d’un homme !
« La justice s'indigne et frémit partout où elle se voit entraînée par
ces hommes, dévorateurs de présents, qui rendent de criminels arrêts. »[1]
Nous entendons encore Hésiode s’écrier contre les jugements injustes et les
juges corrompus de son époque, apportant malheurs aux hommes et aux cités. Ils
n’ont pas jugé avec droiture, nous dit-il. Il en appelle à la bonté et à la
justice de Zeus qui saura les châtier. La justice ne peut pas être sans
morale.
Homme lui-même, le juge
agit selon la raison et sa conscience, c’est-à-dire selon des règles et des
principes, en fonction de ce qu’il entend et voit, c’est-à-dire selon une
morale. Certes, à ses côtés, se trouve l’imposant code pénal mais ce n’est pas ce
livre qui agit, c’est bien un homme qui juge et tranche derrière un tribunal.
La morale dépasse donc la justice des tribunaux. Mais d’où vient-elle
encore ? Comment doit-il exercer la justice ? Doit-il être
implacable, supprimant en lui tout ce qui est humain, ou cherche-t-il dans les
faits qui se présentent à lui ou dans les témoignages qu’il entend une certaine
humanité, atténuant les responsabilités du coupable ?
La morale, source de
questionnement
« Comment dois-je vivre ? » - « Comment vivre ? ». Ces questions sont sans aucun doute les plus essentielles que nous nous posons. Nous pouvons certes les ignorer et les évacuer de notre champ de réflexion mais elles reviennent inlassablement à notre esprit quand nous devons prendre une décision et agir, quand nous devons juger ou juger notre semblable. Un chef d’État, un chef militaire ou encore un chef d’entreprise, responsables d’autres hommes, peut-il se permettre d’ignorer cette question ? Ne pas y répondre est déjà une réponse.
Nous pouvons aussi rejeter toute idée de devoir ou d’obligation, vivant selon notre bon plaisir, comme si cette question n’en était pas une. Mais là aussi, dans notre vie quotidienne, nous y apportons des réponses. Il est interdit d’interdire, quelle plus grande règle que celle-là ! C’est en fait le propre de l’homme de s’interroger avant d’agir, surtout quand l’objet est d’une si grande importance. Il a besoin de principes pour se diriger dans sa vie et pour choisir parmi les voies qui se présentent à lui celle qu’il prendra. Car quoique nous puissions dire et penser, nous sommes obligés de faire des choix dans notre vie. Un non-choix est aussi un choix…
C’est aussi vrai pour toute
société quelle que soit sa dimension. La famille, l’association,
l’entreprise, l’État, l’Église et toute autre société ne peuvent en effet durer
sans règles qui établissent et régissent les relations entre ses différents
membres. Par conséquent, notre comportement social s’inscrit dans un
environnement régi par des règles, que nous l’acceptions ou le rejetions en
partie ou totalement. Les règles qui nous sont imposées ou auxquelles nous
adhérons plus ou moins consciemment ne peuvent nous laisser indifférents. Nous
nous interrogeons sur leur légitimité comme nous pouvons être interrogés sur
notre manière d’agir avec autrui.
C’est donc tout
naturellement que la morale fait l’œuvre de nombreux discours depuis bien des siècles. D’où
vient-elle ? D’où vient sa force ? Les règles qui la constituent
sont-elles fondées et légitimes ? Inévitablement, elle fait l’objet de
nombreuses études philosophiques. Elle est même à l’origine de la
philosophie puisque celle-ci est la science de la sagesse. Or, qu’est-ce
que la sagesse si ce n’est vivre sagement ? En comparant la morale avec
l’éthique, la déontologie ou encore le droit, nous avons déjà soulevé bien des
questions[2].
La morale, une nécessité
sociale et politique
Un des premiers grands philosophes
à traiter de la morale serait probablement Protagoras, philosophe et surtout
précepteur du Ve siècle avant Jésus-Christ (490-vers 420). Il est connu au
travers d’auteurs anciens, souvent critiques, notamment de Platon.
Dans un dialogue transmis
par Platon, Socrate rencontre Protagoras et lui demande la finalité de son
enseignement. Protagoras lui répond qu’il enseigne « l'art de prendre des décisions dans les
affaires privées comme dans les affaires publiques, c'est-à-dire de savoir
comment gérer au mieux sa maison et comment être le plus apte à diriger la cité
par les actes et la parole. »[3]
Il s’agit de former de bons chefs de famille et de bons citoyens.
Socrate doute que son art soit enseignable, prétextant les dispositions naturelles
de l’homme. Il oppose ainsi l’art, qui est l’acquisition d’une compétence en
termes technique, à la vertu, qui est plutôt une excellence.
Pour répondre à son
interlocuteur sceptique, Protagoras raconte le mythe de Prométhée selon
lequel les hommes ont reçu des dieux l’ensemble de leurs capacités sauf l’art
politique. Or, Zeus fait un terrible constat : les hommes ne peuvent
pas vivre durablement en cité. Certes, ils se rassemblent pour se défendre
contre les mêmes prédateurs et ennemis mais le danger passé, ils se lèsent
réciproquement, finissant par se disperser et périr. De nouveau, ils deviennent
la proie de leurs adversaires. Craignant la disparition de l’espèce humaine, Zeus
envoie Hermès auprès des hommes pour leur apporter la pudeur et la règle,
ou encore le respect et la justice selon les traductions[4],
afin que groupés en cités, ils ne se querellent plus. C’est ainsi qu’ils
acquièrent des liens d’amitiés et des principes d’ordre.
La morale est
ainsi présentée comme des règles régulant les rapports entre les hommes au
sein de la société et entre les cités afin de garantir leur coexistence et
finalement l’existence de toutes. Elle est donc nécessaire pour une vie en
société ou une vie politique. Selon Polycrate, la morale est donc utilitaire. Sans
l’intervention divine ni vertu, les hommes seraient asociaux, la société, un
enfer. L’identité des intérêts en commun ne suffit pas pour les unir. Ils ont
besoins de règles plus contraignantes. Cela nous renvoie aux maximes des sept
sages de Delphes[5],
qui définissent des principes qui proviennent de leur expérience en tant que
législateurs.
Nous constatons aussi que la
morale se répartissent en deux catégories, l’une sous forme de pudeur, de
respect, d’amitié, c’est-à-dire de manière positive et sous forme
relationnelles, l’autre sous forme de règles, de contraintes, de sanctions. L’une
relève plutôt du devoir, l’autre du droit.
Toujours selon Protagoras, la
morale provient de deux manières, par les dieux comme l’évoque le mythe
de Prométhée, par la nature de l’homme. Celui-ci se signale en effet par
une prédisposition morale. Néanmoins, les qualités morales sont aussi
inculquées de manière positive et au travers des châtiments, par la
nourrice, les parents, les précepteurs et les différents maîtres. L’aptitude
morale des hommes est enfin acquise par l’éducation, de manière soit
formelle, soit implicite par les relations avec autrui ou par la vie en commun,
selon les capacités de chacun.
La morale, une qualité d’âme
Héraclite
Johannes Moreelse (vers 1630)
|
Deux points semblent
caractériser sa conception de la morale. Elle ne se réduit pas à des
rapports sociaux. Il s’interroge plutôt sur les relations entre connaissance
et sagesse. Il nous renvoie alors à la fameuse maxime « Connais-toi toi-même ». Sa morale est
plus tournée vers l’individu en lui-même. Héraclite considère en effet
que ce n’est pas la société qui est l’objet de la morale mais l’être. Il s’agit
en effet pour l’homme d’acquérir de la sagesse considérée comme une vertu.
La morale se présente donc comme une qualité d’âme.
La morale d’Héraclite
consiste à obéir à la nature. « La
plus haute vertu, c’est la sagesse ; et la sagesse, c’est de dire et de
faire des vérités selon la nature en écoutant sa voix. »[6] Or, « c’est aussi obéir à la loi que
d’obéir à la volonté de l’Un. »[7]
La sagesse consiste donc en l’obéissance à la loi naturelle qui elle-même se
ramène à l’obéissance à l’Un, c’est-à-dire à la loi fondamentale, le principe
de toute chose, « lui qui seul est
sage »[8],
ce qui nous renvoie à une certaine idée de Dieu. La morale est donc d’abord obéissance
à des exigences d’origine divine inscrites dans la nature.
Ainsi, les règles de pudeur
et de justice ne sont pas à appliquer parce qu’elles sont utiles aux cités et
aux sociétés mais parce qu’elles viennent de la loi naturelle qui provient elle-même
de Zeus. L’obéissance se fonde finalement sur leur origine divine parce que la
morale s’inscrit dans l’ordre de la nature. Mais faut-il encore connaître la
loi de la nature comme il faut aussi se connaître. Ainsi, selon Héraclite, la
morale est d’abord connaissance avant d’être un ensemble de règles qu’il
faut appliquer. La finalité est d’être conforme à la loi naturelle venant
des dieux…
À la recherche de la paix
intérieure
Démocrite
Antoine Coypel, musée du Louvre
|
Démocrite s’interroge sur la
nature des biens qu’il faut rechercher. Pour répondre à sa question, il hiérarchise
les différents biens et en distingue deux sortes, les biens de l’âme et les
biens du corps, la première étant supérieure à la seconde. « Rechercher les biens de l’âme, c’est
rechercher des biens divins ; se contenter des biens du corps, c’est se contenter
des biens humains. »[9]
Il explique cette
distinction par un lien de causalité entre la morale et des idées religieuses.
« Certains hommes ne savent pas que
la nature mortelle se décompose. Parce qu’ils ont conscience d’avoir mal agi pendant
leur vie, ils passent le temps de leur existence dans les terreurs et les
craintes, forgeant des mythes erronés au sujet du temps qui suit la mort. »[10]
Ainsi, pour apaiser leur conscience tourmentée par des comportements et actions
qu’ils jugent mauvais, des hommes refusent de considérer la mortalité de l’homme
et invente un au-delà dans lequel ils pourront faire l’objet d’un jugement et
se faire pardonner. Parce que l’homme sent qu’il a mal agi, il invente des
fables sur un au-delà. Les idées de sanction et de mérite qu’il éprouve en
lui, ce que nous appelons remords ou scrupules, seraient à l’origine des idées
religieuses.
La morale que Démocrite semble
défendre est alors la recherche de la tranquillité intérieure, c’est-à-dire
la fin des scrupules et des remords. Les idées religieuses ont pour but
d’apaiser la conscience des hommes. Néanmoins, selon ses maximes, les
efforts qu’il doit mener pour atteindre cette tranquillité ne doivent pas
dépasser les limites humaines. L’homme doit se confier aux dieux…
La philosophie de Démocrite
manque de cohérence. D’une part, sa conception matérialiste ne
peut concevoir un au-delà dans lequel l’homme recevrait les sanctions ou la
repentance du mal qu’il a commis. Et d’autre part, il demande aux hommes de se
confier aux dieux et de rechercher des biens divins ! L’idée même de Dieu
n’est pas pensable dans sa conception matérialiste du monde et de l’homme telle
qu’elle apparaît dans ses fragments.
La morale, des obligations
d’origines humaines
D’autres philosophes suivent
les pas de Démocrite mais de manière plus cohérente et encore plus étendue.
Citons par exemple Critias d’Athènes. Il est né vers 460 et mort en 430
avant Jésus-Christ. Il considère en effet purement invention humaine la
crainte des dieux, censée modifier l’homme en son intérieur, mais aussi la
loi sociale, qui le change par rapport aux autres hommes. « Il y eu un temps où la vie des hommes était
désordonnée et sauvage, et esclave de la force, alors qu’il n’y avait aucun
récompense pour les bons, aucun châtiment pour les méchants. Et il me semble
que c’est par la suite que les hommes ont établi des lois punitives, afin que
la Justice devînt souveraine de tous, également, et s’asservit de la force. […]
Ensuite, parce que les lois empêchaient
bien de faire en public des actes de violence, mais qu’on en perpétrait en
cachette, alors, me semble-t-il, un homme prudent et sage inventa pour les
humains la crainte des dieux. »[11]
La morale s’apparente donc comme un ensemble de contraintes intérieures et
extérieures, qui, complémentaires, ont pour but d’assurer la paix et la justice
aussi bien dans l’homme que dans la cité.
Antiphon |
Mais de nature et de
finalité différentes, ces deux lois sont-elles compatibles ? Un
autre sophiste, Thrasymaque, né vers 459 avant Jésus-Christ, poursuit le
raisonnement d’Antiphone. Il rajoute en effet que « la justice selon la nature n’est que l’utile du plus fort ; la
justice selon la loi n’est que l’utile des plus faibles ». Et ainsi ce
qui paraît juste au plus fort est finalement juste selon la nature. « Le
juste n’est rien d’autre que l’intérêt du plus fort »[12],
c’est-à-dire à celui qui a le pouvoir dans une cité et la gouverne. Par
conséquent, la loi est l’instrument des puissants.
La morale : la vérité
en vue du bonheur
Socrate est
postérieur aux philosophes que nous venons de citer. Il est né vers 470/469 et mort en 399 avant Jésus-Christ. Il
est reconnu comme le fondateur de la philosophie morale. Pour comprendre
sa pensée, il est utile de revenir sur sa méthode. Elle consiste à poser de
bonnes questions à son interlocuteur pour le mettre en contradiction. Par ce
moyen, Socrate cherche en fait à montrer qu’il est nécessaire de rendre
cohérente la pensée et de réaliser l’unité de la pensée et de l’action. C’est
une sorte de principes de vie, donc de morale. Pour y parvenir, il est
nécessaire de se connaître. La connaissance de soi est donc fondamentale.
La dialectique, c’est-à-dire l’usage de la raison, en est le moyen.
Socrate assigne aussi une
fin à la morale : le bonheur de soi. Les biens tant convoités par les
hommes ne sont en effet que des moyens pour parvenir à cette fin ultime. Tout
s’y rapporte en effet. La valeur qu’ils leur donnent n’est donc que relative ou
apparente puisqu’ils tirent de la valeur du véritable bien auquel ils doivent
servir. Socrate donne donc à la philosophie la mission de déterminer cette fin
ultime qu’est le bonheur de soi. La raison est donc capable de définir la
morale.
Est ainsi morale ce qui
permet à l’homme d’atteindre son bonheur. Mais « nul ne fait le mal volontairement »[13],
nous dit Socrate. L’homme ne recherche que ce qui lui apparaît comme un bien. Cela
signifie que s’il agit mal, c’est par ignorance. Il attribue à des
objets ou à des êtres une valeur de bien alors qu’ils n’en ont pas. La
connaissance du véritable bien est donc la condition de toute morale. La
vérité en est donc une condition nécessaire. La morale ne se réduit pas à une
prise de conscience de ses actes ou encore à la volonté. Il s’agit d’assurer la
cohérence entre les pensées et l’unité de pensée et d’action afin d’atteindre
le bien ultime. La morale garantit finalement ces cohérences sans lesquelles il
ne peut y avoir de bonheur. Elle n’est donc pas seulement transmission de
règles que nous devons appliquer de manière machinale. Elle implique aussi la
connaissance de soi et de ses actes ainsi que celle de notre finalité.
Toujours selon Socrate, le
bonheur est conditionné par trois vertus que sont la sagesse, la
tempérance et le courage. Il refuse d’inclure dans la philosophie la piété et
la justice. La pitié est de rendre aux dieux le culte qui leur est dû alors que
la justice est l’obéissance à la loi. Elles sont donc avant tout des
obligations d’ordre social ou politique. Elles sont donc différentes selon les
sociétés et les cités. Elles ne peuvent donc faire l’objet de la raison. Cela
ne signifie pas qu’elles sont exclues de la morale. Socrate ne traite
que de la partie rationnelle de la morale, c’est-à-dire ce qui est connaissable
par la raison seule, qui l’objet même de la philosophie. Finalement, Socrate
distingue deux sortes de morales, celle qui s’impose à l’homme par
obligation religieuse et sociale et celle qui s’acquiert par la
connaissance rationnelle du véritable bonheur.
La morale, la contemplation
de bien
Platon et Aristote en conversation, 1437 marbre de Luca della Robbia musée Dell'Opera Di Santa Maria Del Fiore à Florence |
Pour tendre vers le bien, il
faut donc se détacher de son corps et fuir les passions. Le vrai bonheur
réside donc dans la contemplation du bien et du beau. Nous retrouvons en
fait le monde des idées cher à Platon. Celui-ci entrevoit en effet au-delà
de la mort une vie meilleure, une ascension vers le ciel, loin de toute
passion, là où demeurent les Idées, là où réside la pure
contemplation du bien.
Cependant, cette élévation
n’est pas accessible à tous. Elle n’appartient qu’à l’élite des sages. Pour les
autres, le bonheur réside dans la justice, qui consiste à maintenir l’harmonie
au sein de la cité par l’obéissance à ses règles, y compris par la contrainte. Nous
retrouvons donc la distinction entre la morale individuelle et la morale sociale,
distinction qui s’explique désormais par le niveau de capacité intellectuelle
de l’individu.
La « loi de toute action », selon toujours
Platon, est d’imiter l’idée du bien après l’avoir contemplée puis de reproduire
le modèle divin par « amour ».
Ce qui appelle « amour »
est un intermédiaire entre l’homme et les dieux. C’est lui qui éduque les âmes
et invente les lois de la cité. La contemplation de l’Idée du bien est ainsi
féconde. C’est pour cela qu’il demande aux philosophes de gouverner la
cité.
Le bonheur, c’est réaliser
sa fin selon Aristote
Dans son ouvrage intitulé Éthique
à Eudème, Aristote (384-322) définit aussi le bonheur comme l’objectif
de la morale. Il souligne que l’homme moral se caractérise par le choix
libre de sa fin et par l’accomplissement, toujours libre, de toutes ses actions
selon cette fin. La liberté est donc indissociable à la morale. Pour
faire ce choix en connaissance de cause, il faut savoir en quoi consiste le
« bien vivre ». Aristote souligne en effet que l’important est de
savoir « de quoi » sont faites les choses, et non de connaître
leur définition. S’opposant ainsi à Socrate, il insiste sur la morale
pratique. Il est en effet bien plus utile de prendre les moyens pour
réaliser ce qu’il faut faire que d’en avoir uniquement la science. La
connaissance du bien en soi est donc inutile. L’idée du Bien chère à Platon
n’apporte aucun secours effectif dans la vie. Il veut plutôt chercher en
quoi consiste le bonheur. Il relève donc de l’ordre de l’action, le
définissant comme « le meilleur dans
l’ordre de l’opérable »[15].
Finalement, Aristote conclue que l’homme tend, comme tout être, à un état où
il réalise sa fin.
Dans l’Éthique à Nicomaque, Aristote
fonde la morale sur sa philosophie de la nature et sur sa métaphysique.
Selon la première, toute nature tend vers une fin. Selon la seconde, l’être
changeant tend à imiter l’être immuable. Or l’homme est une nature mobile.
Ainsi, la nature humaine tend vers une fin qui ne pourrait être ni humaine
ni purement naturelle.
En tant qu’elle est une
nature, la nature humaine obéit à la loi de toute activité selon laquelle
l’activité est déterminée et spécifiée par sa fin, et cette fin n’est autre
chose que le bien de la nature considérée. La question est donc de savoir
ce qu’est ce bien ou cette fin qui donne sens à l’activité de l’homme.
Or, les hommes conçoivent différemment cette fin ou ce bien. Il y a en fait une
multitude de biens puisqu’il y a une multitude de catégorie d’êtres. Il s’agit d’abord
de distinguer dans chaque domaine les biens primaires, ceux qui sont une
fin voulue pour elle-même, et les biens secondaires, qui ne sont voulus
que comme moyens pour acquérir les biens premiers. Or pour être par soi, les
biens primaires doivent être parfaits, suffisants et absolument préférables à
tout le reste. Aristote demande donc quelle espèce de réalité peut vérifier ces
trois conditions. En interrogeant sur l’activité humaine, il en vient à montrer
que c’est dans une activité de la raison ou exercée par la raison que
l’homme peut trouver sa fin. Le moyen nécessaire est la vertu,
c’est-à-dire l’idée de qualité par quoi l’on excelle.
La morale : la
recherche de l’équilibre …
Dans son Traité
de la Vertu, en étudiant la nature humaine, Aristote distingue deux
sortes de vertus : les vertus intellectuelles, qui intéressent
la raison, et les vertus morales qui règlent les démarches de la partie
animale de l’homme qui seule peut résister à la raison ou s’y soumettre. Il
s’agit en fait d’éviter deux écueils : l’excès et le défaut. Ni trop,
ni trop peu. Aristote définit ainsi le rôle de l’éducation qui doit permettre,
par des récompenses et des châtiments, d’engendrer de bonnes habitudes. C’est
aussi le rôle de la société d’habituer l’homme à maîtriser ses actes.
Pour Aristote, la vertu n’est
ni émotion, où la passivité domine, ni puissance naturelle mais une
habituation à l’acte digne d’éloge ou de blâme et provenant d’un choix réfléchi. Pour
définir si elle est correcte, il faut revenir au principe : « ni trop ni trop peu », principe qui
n’a de sens que par rapport aux besoins de chacun. C’est la recherche du
milieu, de l’équilibre, que recherche l’homme prudent. « La vertu est donc une habituation à choisir,
qui se tient dans un milieu relatif à chacun de nous, déterminé par la raison
et tel que le prudent le déterminerait. »[16]
Mais toujours porté par l’aspect pratique de la morale, Aristote sait bien que
cela est bien difficile d’atteindre la juste mesure. Pour y arriver, l’homme
doit s’examiner lui-même. S’il constate sa nature la nature l’emporte d’un
côté plus violemment, il se portera vivement du côté opposé.
La nécessité de l’acte
libre
Aristote précise ce
qu’est un choix libre qu’est l’élément essentiel de la vertu et de l’acte
vertueux. Le choix nécessite d’abord des actes volontaires, c’est-à-dire
ceux venant de celui qui agit en tant qu’il prévoit les résultats auquel mène
ses actes. Nous ne devons pas agir sous la contrainte. S’ajoute une délibération
qui porte sur les moyens en tant qu’ils dépendent de nous.
Ainsi nul ne commet
sciemment le mal au sens que nul ne choisit que ce qu’il estime être bien
pour lui. Cependant, les mêmes objets ne paraissent pas bons à des
individus différents. Un objet conforme à la raison est bon réellement mais il
ne paraît pas bon à une volonté vicieuse. Or c’est volontairement et
librement que l’homme devient vicieux. Par conséquent, nous sommes
nous-mêmes responsables de nos habituations et, une fois que nous sommes tels
ou tels, nous nous proposons telle ou telle fin.
À la recherche de
l’excellence
Le bonheur est donc une
activité, souhaitable pour elle-même, conforme à la vertu la plus parfaite,
c’est-à-dire à la partie la plus excellente dans l’homme, c’est-à-dire à
l’intelligence. Une telle vertu ne peut qu’être contemplative. Par conséquent,
l’activité la plus élevée, agréable, suffisante ou indépendante, et la seule
que nous puissions aimer est la contemplation. Celle-ci constitue le bonheur
parfait, pourvu qu’elle dure pendant la vie complète. « Une telle vie serait sans-doute supérieure à
ce qui est selon la nature de l’homme ; car, ce n’est pas en tant qu’homme
qu’il vivra de cette façon, mais en tant que quelque chose de divin lui
appartient. »[17]
L’exercice contemplatif est donc seul à réaliser de manière pleine et
entière la fin de la nature humaine.
La nécessité d’une cité
juste
Aristote donnant une leçon particulière
à Alexandre le Grand
|
La vie vertueuse s’acquiert
dès la jeunesse avant que les habitudes mauvaises soient
contractées et acquises et pour que les caractères puissent agir suivant des
lois bonnes. C’est pourquoi des lois doivent être instituées pour régler avec
fermeté la manière d’élever et d’occuper les jeunes, plus par la crainte des
châtiments que par le sentiment du bien en raison du principe que la
majorité se décide plus par la nécessité que par la raison. Selon Aristote,
seule la loi possède à la fois le caractère nécessitant et celui de
l’intelligence. Il s’agit donc de substituer à l’éducation familiale
l’éducation sociale. Pour cela, le législateur doit être préparé par l’étude de
la question. Ainsi la morale est l’objet de la politique, le seul moyen
pratique pour la rendre concrète.
Le rejet de la philosophie
spéculative au profit de la seule philosophie morale
La morale selon Socrate,
Platon et Aristote n’est qu’une partie de leur philosophie. Elle est la
conséquence de leur système philosophique, qui se préoccupe aussi de
l’être, de l’âme, de la connaissance, etc.
Après Aristote, la
philosophie semble vouloir rejeter la pure spéculation pour être plus pratique
au point qu’elle ne devienne que pure morale. Elle cherche plus à
affirmer qu’à démontrer. Cependant, elle n’abandonne pas la spéculation. En
outre, elle ne semble pas non plus chercher à construire un système
philosophique bien qu’ils soient soucieux de clartés.
Après Aristote, trois
philosophies s’affirment : le scepticisme, l’épicurisme et le
stoïcisme. Au temps d’Aristote, quelques tendances les annoncent déjà. Nous
allons en retenir deux.
Selon l’école cyrénaïque,
la sensation est le seul critère du vrai, même dans le domaine de l’action. Or
le bien perceptible à la sensation est le plaisir. Par conséquence, l’école
prône l’hédonisme. Il est même prudent de souffrir pour jouir.
Cependant, il existe une hiérarchie de valeur entre les plaisirs. La règle est
alors de dominer le plaisir pour ne pas se laisser dominer par lui.
L’école cynique
rejette tout intellectualisme, ne cherchant qu’une seule vertu, celle qui
consiste à se libérer des besoins. Cette liberté est par ailleurs le
souverain bien. Elle méprise donc toute convention, toute loi.
Dans les deux cas, il y a refus
de toute idée universelle. Il n’y a de réalité que de l’individu. Par
conséquent, la morale prescrit d’être l’individu que l’on est, d’en
manifester toutes les capacités, sans se fondre ni dans les plaisirs ni
dans les conventions de la société.
La morale sceptique
Selon les sceptiques[18],
il est impossible de savoir ce que les choses sont, ou encore si les choses
sont telles qu’elles apparaissent. Car nous ne connaissons les choses que
par leurs apparences et non selon leur réalité. Il y a bien une différence
entre l’apparence et la réalité. Selon les multiples représentations, elles
apparaissent différemment, ce qui explique les multiples disputes sur tout. En
outre, considérant que ce qui est parfait n’est pas accessible, rien n’est
concevable. L’ordre du monde n’est pas parfait donc il n’existe pas. Du
fait que la vérité n’est pas facile à connaître, elle n’est pas connaissable.
Puisque seule compte finalement l’apparence et donc la représentation que nous
en avons, le sceptique vit sans dogme selon la commune pratique de la vie.
Cependant, le scepticisme
définit une ligne de conduite et donc un idéal à atteindre. « Nous disons que la fin du sceptique est
l’imperturbabilité dans les choses qui touchent l’opinion et la modération dans
les affections qui découlent d’une nécessité »[19].
Le but est finalement de ne point être troublé. Cette morale se fonde sur la
suspension de jugement ou encore son abstention. « Celui qui est incertain sur la nature du
bien et du mal ne fuit ni ne poursuit rien avec ardeur, et, pour cette raison,
il est sans trouble. »[20]
Cependant, vivant nécessairement
en société, les sceptiques se rendent compte que la suspension authentique
du jugement est impossible. Ils se contentent alors du plausible ou du
probable. Finalement, les nécessités même de l’action ou encore le contact avec
le réel obligent les sceptiques à s’interroger sur les opinions reçues,
c’est-à-dire là commençaient tous les philosophes antérieurs.
La morale épicurienne
Épicure |
Le repos ou le calme est
donc le bonheur à rechercher. Ils viennent de la privation ou de la
suppression de la douleur. Cependant, en nous-mêmes, nous constatons
diverses craintes, celle des dieux, de la mort et de la fatalité. Tant qu’elles
subsistent, l’absence de trouble est vaine. Pour nous délivrer de ces craintes,
nous devons avoir recours à la spéculation philosophique. C’est par la
philosophie et donc par la connaissance qu’elles se dissiperont. Il en appelle
à une conception matérialiste du monde et de l’homme, à une vision des
dieux qui ne s’occupent pas de notre monde. C’est donc en bannissant tout motif
de craintes que le sage jouit d’un plaisir stable, vivant finalement comme
un dieu.
La morale stoïcienne
Zénon de Kition |
Mais, qu’est-ce qui peut
nous troubler ? « Ce qui tourmente les hommes, ce n'est pas la
réalité mais les jugements qu'ils portent sur elle. »[24]
Car le monde est harmonieux, correspondant à un ordre divin. Ce qui nous paraît
mal en ce monde ne résulte que de nos impressions et de notre regard sur lui,
et non de ce monde en lui-même. L’homme doit donc se mettre en accord avec l’ordre
du cosmos, s’accorder avec l’harmonie qui y règne. Il faut donc accepter le
monde tel qu’il est et accorder notre volonté avec la nature. Ainsi, il ne se
trouble plus de désirs impossibles, apprenant à changer ses désirs plutôt que
l’ordre du monde. Le bonheur consiste donc à mettre en harmonie nos désirs
avec le réel. La morale est donc fataliste.
Conclusions
Mosaïque de l'Académie de Platon 1er siècle avant Jésus-Christ - Wikipédia |
Pour tous les philosophes, la
finalité de la morale est bien la recherche d’un bien. L’homme n’agit pas
au hasard. Mais de quel bien ? Si à l’origine, elle est pensée comme une
nécessité sociale, c’est-à-dire convention sociale, voire contre-nature, les
philosophes insistent ensuite surtout sur la morale individuelle. Est-elle
purement spéculative, c’est-à-dire connaissance du bien, contemplative ou
encore active ? Quittant le monde des Idées, Aristote concilie l’agir, qui
est l’objet de la morale et l’être, qui en est la finalité. Après Aristote, le
bien est décrit comme l’absence de trouble en soi. La morale consiste donc en
supprimer tout motif d’inquiétude. Dans le système platonicien, aristotélicien,
sceptique, épicurienne ou stoïcien, la morale est intimement liée à la
connaissance. Le mal prend sa source dans l’ignorance. La morale se fonde aussi
sur la droite raison. Il s’agit toujours pour l’homme de discerner le bien
parmi tout ce qui peut saisir. Socrate a finalement vu juste. La
question est d’ordre de la connaissance.
La morale sociale n’y est
pas oubliée. Mais contrairement au temps présocratique, la
cité n’en est pas la finalité. Les philosophes justifient la pertinence des
lois politiques et sociales au point de donner un rôle au pouvoir dans la
recherche du bien individuel. La société a en effet pour rôle de donner aux hommes
des règles de conduite conformes au bien pour les inculquer plus facilement ou
les imposer. Seule la loi de la cité a en effet la force de les contraindre
à agir bien. Ainsi, notamment pour Platon, le philosophe doit la diriger
puisque lui-seul connaît le bien. Concernant l’origine de la morale, les avis
sont divergents. Sont-elles humaines, naturelles ou divines ?
Mort de Socrate |
En effet, la morale s’impose
par son universalité comme une sagesse inhérente à l’homme. Cependant, elle
est fortement dépendante de la conception que le philosophe se fait de l’homme.
Seules les conceptions matérialistes semblent lui dénier une nature
universelle. Mais justement, c’est parce qu’elles s’appuient sur une vue étroite
de la vie qu’elles ne peuvent accéder à l’universalité. Tournées vers le sol,
comment peuvent-elles embrasser l’univers ?
De l’union de Zeus avec
Thémis naît Diké, déesse des jugements. Contrairement à sa mère, Dikè s’occupe
des hommes et plus précisément de leurs querelles, soit en leur donnant les
moyens de conciliation et de paix, soit par des sanctions et la sévérité des
peines. Elle constate en effet que les hommes sont peu propices à la recherche
de paix par le consensus ou l’amiable. Ainsi, Diké finit par représenter la
sévérité vengeresse et par symboliser finalement la justice, celle qui doit
présider à l’ordre de la société. Parce que l’homme ne sait pas vivre
ensemble que la justice s’applique sur lui, suppléant ou soutenant finalement la
moralité. Car Dikè est fille de Thémis. Elle est aussi sœur d’Eunomia et
d’Eréiné, symbolisant la bonne organisation et la paix…
[2] Voir Émeraude,
décembre 2019, article « Morale, éthique, déontologie, droit ».
[3] Platon, Protagoras, trad. par
Monique TREDE et Paul DEMONT, Livre de
Poche, 1993 dans Le Paradigme de Protagoras,
Antoine Bevort, , Socio-logos, 2, 2007, mis en ligne le 29
mars 2007, http://journals.openedition.org.
[4] La version grecque
utilise deux termes « aidôs » et « dikê ». « Aidôs
est cette tenue, à la fois bonne tenue et retenue, qui caractérise ce qu’on
appelle parfois « les civilisations de la honte » provoquée par le respect pour
le sentiment ou l’opinion des autres, le respect de l’opinion publique, et du coup le
respect de soi (…) De même dikê, avant d’être la justice donc le procès et le«
châtiment », c’est la règle, l’usage », la procédure. »
[5] Voir Émeraude,
janvier 2020, article « La morale antique (1) - Homère, Hésiode et les
sages de Delphes - Une morale tirée d'une conception religieuse, de
l'expérience et de la connaissance des hommes ».
[6] Héraclite, Fragment
112 dans Histoire de la philosophie ancienne, Paul-Bernard Grenet, Beauchesne, 1960.
[7] Héraclite, Fragment
33 dans Histoire de la philosophie ancienne, Paul-Bernard Grenet.
[8] Héraclite, Fragment
32 dans Histoire de la philosophie ancienne, Paul-Bernard Grenet.
[9] Démocrite, Fragment
37 dans Histoire de la philosophie ancienne, Paul-Bernard Grenet..
[10] Démocrite, Fragment
297 dans Histoire de la philosophie ancienne, Paul-Bernard Grenet.
[11] Critias d’Athènes, Fragment
B, 88, 25, Die Fragmenter der Vorsokratiker,
II, Berlin, 1952 dans Histoire de la philosophie ancienne, Paul-Bernard Grenet.
[12] Thrasymaque, selon Platon
dans La République, I, 338c, traduit par Georges Leroux,
Flammarion.
[13] Principe cher à
Socrate que nous retrouvons dans les textes de Platon, Protagoras (38
cd), Gorgias (509e), Ménon (78ab), Lois
(IX).
[14] Platon, Protagoras,
chap. XXXV.
[15] Paul-Bernard Grenet,
Histoire de la philosophie ancienne, selon Aristote, Éthique
à Eudème, chapitre VII.
[16] Paul-Bernard Grenet,
Histoire de la philosophie ancienne, selon Aristote, Éthique
à Nicodème, chapitre II.
[17] Paul-Bernard Grenet,
Histoire de la philosophie ancienne, selon Aristote, Éthique
à Nicomaque, X.
[18] Les principaux sceptiques
grecs sont Pyrrhon (365-275) et Sextus Empiricus (v. 160-v.210). Aristoclès est
un adversaire des sceptiques.
[19] Aristoclès, cité dans
Préparation évangélique, Eusèbe de Césarée, XIV, 18, dans Histoire
de la philosophie ancienne, Paul-Bernard Grenet.
[20] Aristoclès, cité dans
Préparation évangélique, Eusèbe de Césarée, XIV, 18, dans Histoire
de la philosophie ancienne, Paul-Bernard Grent,.
[21] Épicure, Lettre
à Ménécée, X, 129, trad. Octave Hamelin, Revue de Métaphysique et
de Morale, 18, 1910, wikisource.
[22] Les principaux
stoïciens : Zénon de Kition (332-262), Sénèque (v. 4 avant Jésus-Christ. –
65), Épictète (50-135).
[23] Chrisippe dans Denis, Histoire des doctrines morales de l'antiquité,
t. I.
[24] Arrien de Nicomédie
(v.50-v.130), Manuel d’Épictète, V, version électronique, Les
Échos du Maquis, janvier 2011.
[25] Antiphon le sophiste, Fragment, 87, B, Die Fragmenter der Vorsokratiker, II, Berlin, 1952 dans Histoire de la philosophie ancienne, Paul-Bernard Grenet.
[25] Antiphon le sophiste, Fragment, 87, B, Die Fragmenter der Vorsokratiker, II, Berlin, 1952 dans Histoire de la philosophie ancienne, Paul-Bernard Grenet.
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