Au XVIIe siècle, le royaume de France
est une puissance européenne qui
manifeste la vigueur et la force d’un État moderne. Ses armées sont redoutées,
son administration enviée. C’est le temps de Richelieu (1585-1642) et de
Mazarin (1602-1661), de Louis XIII (1601-1643) puis surtout de Louis XIV
(1643-1715). Notre pays brille aussi par l’éclat de ses élites et de ses
clercs. C’est l’époque de Saint Vincent de Paul (1581-1660), ou encore de
Bossuet (1627-1704). Brillante époque en effet dont nous gardons en notre
mémoire de brillants souvenirs...
Louis XIV demeure sans-doute le plus connu, le plus légendaire aussi. Sa présence est encore perceptible dans le somptueux château de Versailles qui symbolise à l’aurore du XVIIIe siècle ce temps français. Ses portraits encore vivaces en notre esprit expriment toute la majesté et la grandeur d’un roi sûr de sa puissance, haut dans son arrogance, imperturbable dans sa royauté. Comme d’autres personnalités de l’histoire, il symbolise l’État, il est l’État.
Ce
temps est aussi celui du redressement de
l’Église, d’une véritable renaissance au lendemain du concile de Trente
(1545-1563). Le trône pontifical brille par la sainteté et les personnalités de
papes tels Saint Pie V (1566-1572) ou Saint Innocent XI (1676-1689). C’est
aussi le temps de la reconquête et des missions, de nouveaux ordres et de
nouvelles communautés religieuses…
Ainsi
se dressent un État moderne, fort et
redoutable, sûr de lui-même, et une Église en plein essor. Or dans le
royaume de France, fort de ses « libertés
gallicanes », les gallicans s’opposent aux papes et à tout ce qui
vient de Rome. Qu’adviendra l’Église qui réside dans le royaume de France ? Une
telle situation est un beau champ d’étude pour notre sujet, toujours axé sur
les rapports qui peuvent exister entre l’État et l’Église et sur la primauté
pontificale…
Rappel
sur la réception du concile de Trente
Au
XVIe siècle, l’Église est animée d’une forte volonté de combattre les abus qui
l’affaiblissent et la dénaturent et de clarifier son enseignement face au
protestantisme. Le concile de Trente
est sans aucun doute un grand moment de son histoire. Il est incontestablement une réussite. Nul ne peut en douter. Par
ses décrets, clairs et fermes, il a permis de redresser l’Église et de lui
donner un visage plus rayonnant. De grands saints illustrent ce temps béni.
Cependant,
la réception de ce concile a donné lieu
à de débats farouches dans le royaume de France. Pire encore, en dépit des
efforts des papes et du clergé, il n’a jamais été reçu officiellement dans ce
pays très chrétien. Il a fait l’objet d’incessantes négociations en raison de
l’opposition des parlementaires et des « gens du roi ».
Néanmoins,
en 1615, l’assemblée du clergé décide
officiellement de recevoir le concile de Trente sans attendre l’autorisation de
l’autorité royale. Elle lui demande néanmoins de protéger l’Église et de la
soutenir dans l’application des mesures réformatrices. Leur attitude, si elle
soulève des protestations auprès des parlementaires gallicans, reçoivent
l’assentiment de la régente et du roi. Elle est en fait conforme à l’enseignement traditionnel de l’Église
selon lequel les pouvoirs religieux et temporel sont autonomes dans leur
domaine de responsabilité mais l’autorité religieuse peut demander à l’autorité
temporelle de la soutenir pour le bien de l’Église et donc de la société. Il y
a bien distinction des pouvoirs avec
des relations d’interdépendance fondées
sur le bon sens pour le bien des âmes. La difficulté réside alors dans la
concorde qui doit régir les liens entre l’Église et les princes sur les
questions où le temporel et le religieux sont étroitement mêlés.
Pourtant,
la déclaration de 1615 achève-t-elle le débat ? Les différents
gallicanismes vont-ils se soumettre ?
Une
situation fragile
En
1626, le Père Santarelli publie un traité de théologie dans lequel nous pouvons
lire par exemple que « le pape peut,
même dans le domaine des choses temporelles, diriger les princes vers leur fin
spirituelle ; s’ils s’en détournent, les punir, et pas seulement en les
excommuniant, mais en leur infligeant des peines temporelles, telles que leur
priver de leur royaume et délier leurs sujets de leur serment de fidélité. »[12] De telles déclarations soulèvent la colère des gallicans. La Sorbonne condamne même
l’ouvrage. Pourtant, les princes qui se
prétendent chrétiens ne demeurent pas hors de l’Église comme nous le
rappelle Saint Ambroise. Ils sont donc soumis en tant que tels aux mêmes régimes
que tout chrétien. L’affaire finit par se calmer grâce au cardinal Richelieu. La
publication de l’ouvrage de Pierre Dupuy (1582-1651) sur les « libertés gallicanes » fait encore
renaître le débat. C’est au tour de l’assemblée du clergé de le condamner.
Ainsi les relations entre le Siège
apostolique et l’État font encore l’objet de vives passions au sein du
royaume. La crainte de voir ériger une Église autonome est grande. En 1640,
dans un libelle[1],
Charles Hersent (1590-1660 ou 1662) prétend que le cardinal Richelieu veut
instituer un patriarcat national, indépendant de Rome.
Plus
tard, en 1663, le parlement de Paris interdit dans toutes les universités toute
thèse de doctorat qui tend « à élever
la puissance du pape au- dessus des conciles généraux, au-delà des bornes qui
ont toujours été très saintement conservées dans l'Église gallicane »[2]. Cette
décision soulève l’indignation de la Faculté de théologie par l’empiétement du pouvoir laïc dans des
affaires doctrinales. C’est bien aux docteurs de définir le droit.
La
concorde entre l’État et l’Église selon Pierre de Marca (1594-1662)
Pour
se défendre et mieux exposer les rapports entre les deux pouvoirs et les clarifier,
le cardinal de Richelieu demande à Pierre
de Marca de reprendre la question. Tel est l’objet de son œuvre intitulé De
Concordia sacerdotii et imperii. Ce n’est pas un livre de théologie
mais de droit. Il « doit se
comprendre comme une tentative de codification sur un terrain sensible où
s'affrontent ordinairement la puissance du roi et celle du pape. »[3] Il doit
être finalement un livre de référence
pour la Cour, le parlement, le clergé, etc. Il est censé contenir finalement la doctrine officielle de la monarchie.
Qui
est ce Pierre de Marca ? Il mène une brillante carrière politique et
ecclésiastique. Intendant de justice puis président au parlement de Navarre, il
est un homme engagé en faveur du roi, notamment pour l’unification de la
Navarre au royaume de France. Conseiller du roi Louis XIII et membre du conseil
privé de Louis XIV, il est écouté et
estimé par les rois. Évêque de Couserans en 1642 et archevêque de Toulouse
en 1652, il est promu archevêque de Paris en 1661. Pierre de Marca est
l’exemple d’un gallican modéré d’un
gallicanisme dit royal.
La
République chrétienne selon Pierre de Marca
Pierre
de Marca expose des principes qu’il
justifie juridiquement et
historiquement. Il s’agit donc d’établir
rationnellement des « maximes ».
L’ouvrage surprend par la définition qu’il utilise pour définir le gallicanisme.
Il ne s’agit plus de décrire une exception française mais de proposer un modèle universel d’une « République chrétienne », fondé
sur l’équilibre des puissances temporelle et religieuse dans un cadre du
développement d’États modernes et de la fin de l’idéal d’un empire chrétien
unifié.
Dans
son premier livre, intitulé L'autorité souveraine et spirituelle du Pape,
Pierre de Marc définit la primauté du
pape dans l’Église comme établie de droit divin. Il rejette donc le
conciliarisme et le richerisme[4].
Néanmoins, il précise que le pape ne peut innover, étant « gardien des canons ». Remarquons
qu’il considère que le droit canonique découle du droit romain. Le pape est
donc soumis à la loi canonique qu’il ne peut modifier. Le pape est finalement un souverain au sein de l’Église mais de
nature tempérée, guidé par le sens du consensus et par la tolérance.
La
« République chrétienne »
est formée de deux corps, qui ont chacun à leur tête un « chef » dont l'autorité souveraine est de droit divin. À ce titre,
la « République chrétienne est une
société des deux puissances, nommée en France Église gallicane »[13]. Ces deux
puissances sont « égales au droit de
commander, mais inégales en la dignité des choses qui leur sont commises […]
sans que la liberté de l'un doive être violée par l'autre ». Le pouvoir royal est conféré immédiatement par Dieu,
c’est-à-dire sans médiation, au roi.
Il distingue la fonction, instituée de façon « immédiate » et la personne, de façon « médiate ». Ainsi, le peuple ne
délègue pas un pouvoir au roi puisqu’il ne le possède pas. Cela est aussi vrai
pour le pape. Il est désigné par les cardinaux réunis en conclave mais c’est bien Dieu qui lui confère la
puissance pontificale.
Entre
les deux pouvoirs, il y a une distinction nette qui devient en fait une séparation absolue. Le pape n’a
aucun pouvoir direct ou indirect sur le roi. De même, ce dernier ne peut
intervenir dans toutes les choses religieuses telles que la foi, les sacrements,
les cérémonies. Cette « distinction »
a été instituée par Notre Seigneur Jésus-Christ. Pierre de Marca défend donc l’autorité absolue du prince, l’indépendance
du temporel. Néanmoins, le roi a
reçu de droit divin la protection de l’Église. « C'est par ce droit que le roi joue un rôle essentiel dans la «
publication » des lois ecclésiastiques, procédure normale et indispensable
héritée du droit romain pour que toute loi soit applicable dans le royaume. »[5] Le roi
doit en outre veiller à ce que toute loi ne soit « dommageable ou inutile au public », car « la fin de la royauté est le Bien et le salut des sujets ». Ainsi
contrairement aux lois ecclésiastiques,
qui doivent être reçues, c’est-à-dire acceptées ou encore consenties en raison de leur nature tempérée, les lois royales peuvent être prises sans
le consentement du peuple et contre son gré en raison de sa nature absolue
ou coercitive.
Pierre
de Marca affirme en effet qu’« une
loi de l’Église n’est complète et obligatoire que si à la volonté du
législateur s’ajoute le consentement du peuple qui doit l’appliquer. »
En clair, une décision pontificale ou conciliaire ne peut être impliquée dans
le royaume si elle n’est pas acceptée par le royaume et donc en pratique par le
gouvernement. C’est donc une remise en question de la décision du clergé de
1615 mais aussi un retour des « libertés gallicanes » telles
qu’elles sont définies par Pierre Pithou. Pierre de Marca les considère comme
le « cadre légal des relations entre
les deux pouvoirs »[6],
temporel et religieux. L’ouvrage regroupe aussi des critiques classiques sur la
centralisation des pouvoirs dans l’Église, la mainmise de Rome sur les
bénéfices, ou encore sur le rôle du pape dans les nominations ecclésiastiques. Le livre de Marca est finalement condamné
par le pape et mis à l’Index.
Ces
différentes affaires ont pu être résolues sans qu’elles ne débouchent sur de
tragiques et violents débats grâce
sans-doute à la concorde qui existe entre l’autorité royale et celle de
l’Église. Le cardinal de Richelieu les apaise, voire les étouffer. Mais
qu’adviendra-t-il si cette concorde finit par disparaître, si l’équilibre entre
ces deux pouvoirs se casse ?
La
monarchie de droit divin, la monarchie absolue
Mgr Bossuet (1627-1704) |
Le pouvoir royal vient directement de
Dieu et par conséquent, le roi ne relève que de Dieu. Bossuet
va plus loin encore. « On ne doit
pas examiner comment est établie la puissance du prince : c’est assez
qu’on trouve établi et régnant – Au caractère royal est inhérente une sainteté
qui ne peut être effacée par aucun crime. » La personne du roi est donc sacrée. Les conséquences sont alors
évidentes. « Les rois exercent
ici-bas une fonction toute divine. La volonté de Dieu est que quiconque est né
sujet obéisse sans discernement.»[9] Ainsi,
tout naturellement, « l'indépendance
absolue des rois est un corollaire du pouvoir de droit divin. »[10] Quiconque
se soustrait alors à sa souveraineté est considéré comme l’ennemi du pouvoir
royale. Telle est la doctrine à laquelle le roi Louis XIV adhère. Telle est la
doctrine qu’il va aussi appliquer au cours de son règne. Telle est aussi celle
qui est enseigné. Dans le Catéchisme royal de l’évêque Godeau,
nous pouvons lire « que votre
Majesté, à tout instant, se souvienne qu’il est Vice-Dieu. » C’est
parce que l’autorité du roi ne relève d’aucun pouvoir et qu’il n’a pas de
contrainte que la monarchie est dite alors absolue.
Au
début du XVIIIe siècle, la Sorbonne
défend l’indépendance absolue du roi dans le domaine temporel et affirme
qu’elle a toujours tenu cet enseignement. Dès 1663, elle publie une Déclaration
en six articles. Pour le prouver, en 1720, elle publie un recueil
regroupant, « en latin et en français,
toutes les censures, conclusions et déclarations qu'elle a faites et données en
différents temps concernant l'autorité souveraine des Rois et la conservation
inviolable de leur personne et de l'État »[11] Parmi
les éléments de sa doctrine, nous pouvons citer la négation du pouvoir direct
et indirect du pape et de l’Église sur les rois. Or, ces preuves ne sont guère
anciennes. Elles datent de la fin du XVII. Nous savons en effet qu’elle
défendait plutôt le conciliarisme, admettant la subordination du pape au
concile. Avant 1682, elle n’a jamais interdit l’intervention de l’Église et du
pape dans les affaires du royaume.
Ainsi,
les défenseurs des « libertés gallicanes » du XVIe siècle, tels les
parlementaires, les tenants de la monarchie absolue partagent le même intérêt.
Des légats, dont Bossuet, s’associent à leur entreprise. Toute affaire pouvant remettre en cause la souveraineté du roi est
prétexte à un conflit, voire à une crise aigüe. Une thèse tente de défendre
les pouvoirs du pape ou affirme que les privilèges de certaines églises ont été
accordés par les papes, et de violentes protestations s’abattent sur le
malheureux bachelier.
Des
relations orageuses entre le royaume de France et Rome
L’une
de ces affaires mérite que nous nous y attardions. Il s’agit de l’affaire de la régale. Le roi dispose
d’un droit très ancien, dit droit de régale, qui lui autorise à toucher le
revenu de tout évêché et de quelques abbayes lorsque le siège est vacant,
jusqu’à l’installation du nouveau titulaire, et de nommer des titulaires aux
bénéfices ecclésiastiques du diocèse qui sont à la collation de l’évêque. La
régale est dite dans le premier cas « régale
temporelle », dans le second cas, « régale spirituelle ». La régale temporelle rapporte peu d’argent
au roi puisque depuis 1676, elle est affectée à des aides bien précises. La régale spirituelle est plus intéressante
puisqu’elle permet au roi d’offrir à ses protégés un bel revenu. Cependant, ce
droit n’existe pas dans les diocèses du midi puisqu’il n’était pas appliqué
lorsqu’ils ont été rattachés à la couronne capétienne. En 1274, un concile tenu
à Lyon réaffirme cette exemption contre les prétentions du parlement. En 1673, un édit royal soumet le droit de
régale à l’ensemble des diocèses du royaume sans exception. Parmi les cent
trente évêques, seuls deux protestent, les évêques d’Alet et de Pamiers. Le
premier mort, le second résiste seul avec le soutien du pape. Deux fois,
l’archevêque de Toulouse le condamne, deux fois, le pape casse sa décision. La
troisième est de trop. Elle provoque un nouveau conflit.
L’affaire
des régales soulève une question fondamentale : le roi peut-il de sa propre autorité s’emparer de droits matériels et
spirituels appartenant à l’Église ? Or, dans ses Testaments, Louis XIV
est très claire : « tout ce qui
trouve dans l’intérieur de nos États, de quelque nature que ce soit, nous
appartient ». Et évidement, selon ce principe, il dispose aussi pleinement
des biens ecclésiastiques.
En
outre, le roi mène une politique jugée
scandaleuse. Il fait la guerre contre des États catholiques, n’hésitant pas
à s’allier avec des Turcs, et annexe des terres en pleine paix.
En
1676, est élu pape Saint Innocent XI.
Sans craindre la puissance du roi, il monte le ton à l’égard de Louis XIV. Dès
1678, il l’écrit à trois reprises de manière prudente, évoquant de manière
implicite les armes spirituelles dont il dispose. Des rumeurs circulent sur une
possible excommunication ou encore sur une éminente intervention de l’armée
royale sur Rome. En 1689, l’assemblé du clergé proclame sa fidélité à l’égard
du roi, une fidélité intégrale, sans réserve. Le ciel est menaçant…
Finalement,
l’orage éclate lors d’une autre affaire. Le gouvernement nomme une cistercienne
à la tête des religieuses augustines de Charonne sans informer Rome
contrairement au concordat de 1516. Selon ce dernier, le roi doit en effet proposer
la nomination au pape. De plus, les religieuses refusent et élisent une autre
supérieure. Des forces de l’ordre finissent par intervenir. Le couvent est
fermé et les religieuses sont dispersées. Le pape proteste avec indignation.
À
la demande de Louis XIV, Harlay, l’archevêque de Paris, convoque l’assemblée du
clergé. L’un des sujets qu’elle doit traiter est l’extension du droit de régale
à tout le royaume. Au cours des débats, il défend avec violence la souveraineté
du roi. En dépit d’intervention prudente et nuancée de Bossuet, le parti gallican radical domine les débats.
Louis XIV demande à l’assemblée de fixer la doctrine officielle de l’Église
gallicane ainsi que les limites des deux pouvoirs spirituel et temporel.
La
doctrine de l’Église gallicane : la Déclaration des quatre articles
Les
débats sont particulièrement enflammés. Dans un long rapport, l’évêque de
Tournai énumère les empiètements et les erreurs de Rome. Les prélats en
viennent à remettre en question le pouvoir du pape. La question de l’infaillibilité
pontificale est même l’enjeu des discours. Mais toujours prudent, Bossuet
modère les discours et rédige une Déclaration en quatre articles. Les
soixante-douze membres l’approuvent à l’unanimité. Qu’affirme-t-elle ?
- La totale indépendance du pouvoir temporel envers les chefs de l’Église.
- Le conciliarisme.
- Les privilèges spéciaux de l’Église gallicane.
- Le rejet de l’infaillibilité pontificale.
- Une certaine primauté au pape dans les questions de foi.
Le
risque de rupture…
Un
incident absurde provoque de nouveau une véritable tempête. Innocent XIV
supprime le droit de franchise à l’ensemble des ambassadeurs résidant à Rome.
Il s’agit du droit d’asile étendue à tout le quartier entourant l’ambassade,
rendant ainsi impuissante la police dans la ville. Le droit d’asile est
désormais réduit à la seule ambassade. Seul Louis XIV refuse. À la mort de son
ambassadeur, Innocent XI l’avertit qu’il ne recevra pas son nouvel ambassadeur tant
qu’il persistera dans son refus. Le roi répond en envoyant le marquis de
Lavardin escorté d’une troupe armée. Le nouvel ambassadeur est excommunié.
Avignon est alors occupée par des troupes françaises, le nonce apostolique
séquestré. Louis XIV en appelle aussi à
un concile. L’affaire est donc grave. Trente-cinq
diocèses sont sans évêque. Sous le pontificat d’Alexandre VIII, la bulle Inter
multiplices est publiée. Elle condamne les actes de l’assemblé du
clergé de 1682. Finalement, sous le
pontificat d’Innocent XII, le roi cède et se rétracte… tout en obtenant
l’élargissement de la régale dans tout son royaume…
Conclusions
Or
depuis la restauration de la paix dans le royaume de France, la souveraineté du
roi, considérée comme seule garante de l’unité et de l’ordre, s’est considérablement
affermie. La monarchie est désormais de droit divin. Elle est dite absolue.
Plus fort, le pouvoir temporel a alors tendance à soumettre tout pouvoir
religieux, y compris dans le domaine spirituel. Car voulant être maître dans
son royaume, de tous ses biens et de ses sujets, le roi finit par insérer l’Église dans l’État. Il ne
peut alors éviter le risque de césaropapisme qu’ont connu bien des empereurs
romains, carolingiens et germaniques. Mais ses prétentions se sont brisées
contre la résistance du pape Innocent
III. La forte personnalité d’un pape consciencieux de ses droits et de ceux
de l’Église devient alors le dernier
rempart contre une puissance politique aux tendances hégémoniques. Il met
finalement le roi devant ses responsabilités de chrétien. La foi ou encore la
fidélité à l’égard de Rome empêchent finalement la rupture. Mais que se
passera-t-il le jour où l’État ne sera plus guidé par la religion ?
Notes et références
[2] Voir Autour de l'histoire du Gallicanisme (suite et fin), Amann E. dans Revue des Sciences Religieuses, tome
22, fascicule 1-2, 1948, www.persee.fr.
[3] Thierry Issartel, Pierre de Marca, le gallicanisme et la République chrétienne
(1594-1662), 2009.
[4] Voir Émeraude,
avril 2019, article « Le richerisme,
une forme du gallicanisme : une nouvelle conception de l'Église ».
[5] Thierry Issartel, Pierre de Marca, le gallicanisme et la République chrétienne
(1594-1662).
[6] Benoist Pierre, La
bure et le sceptre : la congrégation des Feuillants dans l’affirmation des
États et des pouvoirs séculiers (vers 1560-vers 1660), Publications de
la Sorbonne, 2006.
[7] Mgr Bossuet, Politique
tirée des propres paroles de l’Écriture.
[8] Voir Émeraude,
mars 2019, article « Les libertés
gallicanes au XVIe siècle - Pierre Pithou ».
[9] Louis XIV, Mémoires
et Testament.
[10] Mgr Martin Victor,
L'adoption du gallicanisme politique par le clergé de France, dans Revue
des Sciences Religieuses, tome 6, fascicule 3, 1926, www.persee.fr.
[11] Jean-Baptiste
Delespine, Censures et conclusions de la Sacrée Faculté de Théologie de Paris,
touchant La souveraineté des Rois, la fidélité que leur doivent leurs sujets,
la sûreté de leurs personnes et la tranquillité de l’État, tome II dans
L'adoption
du gallicanisme politique par le clergé de France, Mgr Martin Victor.
[12] Antonio Santarelli, Tractatus de haeresi, schimaste, apostasia, sollicitatione in sacramento paenitentiae, et de potestate romani pontificis in his delectis puniendis, dans L'adoption du gallicanisme politique par le clergé de France (suite), mgr Matin Victor, dans Revue des Sciences Religieuses, tome 7, fascicule 2, 1927, www.persee.fr.
[13] Pierre Marca, La Concorde et la sacerdoce et de la royauté, tome I, dans Le gallicanisme et la République chrétienne (1594-1662), Thierry Issartel.
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