Sacre Henri IV |
Les mots sont-ils
perfides ? Ils demeurent les mêmes au cours du temps alors que leur sens
peut changer. Et comme ils paraissent identiques à eux-mêmes au cours des
siècles, ils détiennent une grande autorité, celle que lui donne le poids du
passé, pour ceux qui sont sensibles à un tel héritage. Mais faut-il en vouloir
aux mots qui sont manipulés sans précaution ni connaissance ? Est-ce de
leur faute si des esprits malins les emploient pour tromper bien des
hommes ?
Le terme de « libertés gallicanes » pourrait
faire partie de ces mots qui égarent bien des esprits. Cette expression évoque des
souvenirs et peut réveiller des passions. Pourtant qui est capable de la définir,
non ce qu’elle désignait au XIXe siècle en plein débat sur le sujet ou encore aujourd’hui
en plein laïcisme, mais tout le long des siècles puisqu’elle est censée
les embrasser ? Il suffit de lire quelques ouvrages d’auteurs gallicans ou
de commentaires sur le « gallicanisme »
pour ne plus savoir quoi entendre sur ces mots. Certains prétendent même que
Charlemagne, Hugues Capet ou Saint Louis étaient de fervents défenseurs des
libertés gallicanes avant même Louis XIV ou Bossuet. Pourtant, les « libertés gallicanes » ont été définies au XVIe siècle.
Rappel sur les « libertés
gallicanes » jusqu’au XIIIe siècle
Comme nous l’avons évoqué
dans le précédent article, les « libertés gallicanes » jusqu’au
XIIIe siècle est considéré comme un ensemble de privilèges, d’immunités
fiscales ou juridictionnelles que les évêques et métropolitains de l’Église
gallicane veulent défendre contre les grands seigneurs du royaume. Les rois en sont
les défenseurs depuis qu’ils se sont engagés à les défendre le jour de leur
sacre. Les papes s’opposent aussi aux abus et aux violations dont elles font
l’objet. Les « libertés gallicanes »
comprennent aussi des canons des premiers conciles œcuméniques ou régionaux,
c’est-à-dire toute la législation
canonique connue ou présumée. Elles relèvent finalement d’un vaste domaine
difficilement discernable.
Nous sommes parfois dans le
domaine des coutumes telles qu’elles
sont ancrées dans la mémoire des générations. Or, au Moyen-âge, ce qui est
ancien est vénérable aux yeux de la population. Les coutumes ont force de loi.
C’est pourquoi toute innovation apparaît d’abord comme une violation.
Les « libertés gallicanes » sont enfin
liées à de nombreux intérêts, essentiellement financiers, ce qui explique aussi
les affaires passionnelles que leur violation peut générer. Dans quelques
affaires, elles ne sont que des
prétextes pour couvrir des ambitions et des fortunes.
Pierre Pithou et ses Libertés
de l’Église gallicane
Pierre Pithou (1539-1596) |
Au XVIe siècle, de nombreux
livres sont publiés pour défendre les libertés gallicanes. L’un d’entre eux est
resté célèbre, celui de Pierre Pithou
(1539-1596). Il est intitulé Les libertés de l’Église gallicane.
Dédié au roi Henri IV, il est publié en 1594.
Pierre Pithou est un avocat au parlement de Paris. Il
entre au barreau de Paris en 1560. Calviniste, il est au service du duc de
Bouillon puis du duc de Montmorency. En 1573, il abjure le protestantisme et
devient juriste du roi Henri IV. En 1581, il est procureur général dans la
chambre de justice de Guyenne. Il a écrit de nombreux ouvrages juridiques et
historiques. Il publie le Corps des canons de l’Église. Il
révise les capitulaires de Charlemagne, de Louis le Pieux et de Charles le
Chauve en 1588. En 1593, il collabore à la rédaction de la Satire Ménippée
contre la Ligue. En 1594, il écrit ses Libertés pour l’Église gallicane,
puis Les
preuves des libertés de l’Église gallicane dans lequel il réunit les
titres et les actes qui justifient et appuient chacun des articles. Cet ouvrage
est réimprimé en 1651 sous Louis XIV.
L’ouvrage de Pierre Pithou
est considéré comme le premier livre sur le sujet. Il a été réédité à de
nombreuses reprises et commenté par d’autres juristes comme Pierre Dupuy
(1582-1651), Durand de Maillane (1729-1814) ou encore Jacques Dupin (1783-1865).
Selon le magistrat Antoine Loisel (1536-1617) et procureur général à Paris, il
« sera trouvé un chef d’œuvre par
ceux qui le considéreront comme il faut. »[1]
Selon le chancelier Henri-François Aguesseau (1668-1751), « ce qui est au-dessus de tous ces
témoignages, est celui de M. Pithou, dans ses articles mêmes des libertés de
l’église gallicane, qui, quoique l’ouvrage d’un particulier, ont mérité
néanmoins une espèce d’autorité publique. »[2]
L’autorité de ce livre est si grande que « les maximes de Pithou ont, en quelque sorte, force de loi,
quoiqu’elles n’en aient pas l’authenticité. »[3]
Ainsi, le livre de Pithou est un ouvrage
de référence pour les gallicans au point que ces maximes sont citées comme
des règles à suivre dans des arrêts juridiques.
Les « libertés
gallicanes » relevant du droit commun
Pierre Pithou rappelle
d’abord le véritable sens du terme de « liberté ». Il ne faut pas l’entendre comme « des passe-droits ou privilèges exorbitants mais plutôt franchises naturelles et
ingénuités ou droits communs »(II). Il n’est pas nécessaire de trouver
des titres pour les légitimer. Elles se justifient par « la retenue et naturelle jouissance. »
puisqu’elles ont été « très
constamment maintenues » par nos ancêtres. En clair, la coutume fait force de loi. « Nos coutumes sont notre vrai droit commun »,
nous dit Charles Dumoulin (1500-1566).
Pourtant, la notion de
coutume a changé au XVIe siècle. Si jusqu’au XVe siècle, les coutumes valent
par leur durée, au siècle suivant, elles
n’ont de valeur que dans le consentement des États. Cette évolution s’explique
par une réaction contre le droit romain,
contre le droit écrit. Or, pour que le droit coutumier puisse remplir son rôle
de droit commun, il est nécessaire de rendre
claires et concises les coutumes puis de les unifier. Ainsi, au XVIe
siècle, le Parlement de Paris les rédige puis les réforme et les unifie,
notamment sous la direction de Christophe de Thou (1508-1582)[4],
premier président du Parlement de Paris. L’œuvre de Pierre Pithou est-elle
inscrite dans ce mouvement ?
Nous pouvons alors
comprendre ce qu’essaye de faire Pierre Pithou avec son ouvrage. Comme tous les
corps du royaume, le clergé a ses « libertés »,
ses « franchises »[5],
et ses « privilèges », donc
relevant des lois privées, et cet ensemble doit désormais devenir du droit
commun. Ainsi, faut-il les écrire de
manière à ce qu’elles puissent jouer ce rôle juridique.
Pierre Pithou énumère en
effet avec clarté et netteté les Libertés pour l’Église gallicane en
82 articles. L’ouvrage peut être divisé en quatre parties.
Les deux grandes maximes des
libertés gallicanes (I-IX)
Les « libertés gallicanes » semblent
nombreuses, « infinies »
(III) nous dit Pierre Pithou. Mais elles dépendent de « deux maximes fort connexes, que la France a
toujours tenues pour certaines. »[6](III) :
« Les papes ne peuvent rien commander n’y ordonner, soit en général ou en
particulier, de ce qui concerne les choses temporelles relevant des pays et des
terres de l’obéissance et souveraineté du roi très chrétien, et s’ils
commandent ou statuent quelque choses dans ce domaine, les sujets du roi, encore
qu’ils fussent clercs, ne sont tenus leur obéir. »(IV)
« Quoique le pape soit reconnu pour suzerain des choses spirituelles,
toutefois en France la puissance absolue et infinie n’a point de lieu, mais est
retenue et bornée par les canons et règles des anciens conciles de l’Église
reçus en ce royaume » (IV, V).
La première maxime défend l’indépendance du royaume de France
en matière temporelle et interdit
donc toute intervention du pape dans ce domaine. Le pape ne peut non plus
retirer aux sujets du roi, y compris les clercs, le devoir d’obéissance qu’ils
lui doivent sur ce sujet.
La deuxième maxime refuse toute puissance absolue au pape.
Elle ne peut aller à l’encontre des décisions prises dans d’anciens conciles et
acceptés comme force de lois dans le royaume. Elle s’oppose donc à la primauté du pape. Remarquons que Pierre
Pithou ne distingue pas la nature des conciles. Ils peuvent être aussi bien des
conciles régionaux qu’œcuméniques. Enfin, notons que selon Pierre Pithou, un
canon conciliaire n’a de valeur de lois que s’il est accepté par la législation
du royaume donc par le consentement du
Parlement et par la volonté du roi.
Cela revient à subordonner la
législation de l’Église à une décision royale.
La première partie de
l’ouvrage s’achève par le rôle des rois
de France à l’égard des papes. Ils « les ont toujours reconnus pour pères spirituels, leur rendant de
franche volonté une obéissance non servile, mais vraiment filiale, et comme
disaient les anciens Romains en chose non du tout dissemblable »
(VIII). Il rappelle la primauté apostolique, c’est-à-dire « prééminence et supériorité de la part du
saint siège apostolique »(VIII) dans les choses spirituelles.
Les libertés relevant de
l’indépendance du pouvoir temporel du roi (X-XXXIX)
Dans une deuxième partie,
Pierre Pithou définit les libertés qui relèvent de la première maxime.
Citons-en quelques-unes…
Les rois sont libres de
convoquer des synodes ou conciles provinciaux ou nationaux au cours desquels
sont traitées « l’ordre et la discipline
ecclésiastique de leur pays dont
ils ont fait faire règles, chapitres, lois, ordonnances, et pragmatiques
sanctions sous leur nom et autorité » (X).
Henri II (1547-1559) |
« Le pape n’envoie pas en France des légats a laetare pour réformer,
juger, conférer, dispenser […] sinon à la demande du roi très-chrétien ou
de son consentement » (XI). Le légat ne peut rien entreprendre « qui puisse porter préjudice aux saints
décrets, conciles généraux, franchises, libertés et privilèges de l’Église
gallicane et des universités et études publiques du royaume. »(XI).
Les prélats de l’Église
gallicane ne peuvent quitter le royaume « sans commandement ou licence et congé du roi. »(XIII) Ainsi,
sans autorisation royale, l’évêque ne peut se rendre à Rome ou à un concile
œcuménique hors du royaume.
« Le pape ne peut lever aucune chose sur le revenu du temporel des
bénéfices de ce royaume sous prétexte d’emprunt, impôt, vacance, dépouille,
succession, […] sans l’autorité du roi et consentement du clergé »
(XIV). La fiscalité pontificale est ainsi remise en cause. N’est pas traité le
cas d’une levée d’impôt au profit du roi.
Le pape ne peut excommunier
les officiers du roi pour ce qui concerne l’exercice de leurs charges et
offices. Celui qui le fait est condamné et son temporel saisi (XVI).
« Le pape […] ne peut exercer juridiction sur les sujets du roi, même
avec leur consentement, en matière de pétition de dot, séparation de mariage
quant aux biens, crimes d’adultère, de faux, de parjure, sacrilège, usure, […], ni pareillement absoudre les sujets du
roi desdits cas, sinon quant à la conscience et juridiction pénitentielle
seulement. »(XXXI)
« Le pape ne peut connaître des crimes qui ne relèvent pas uniquement du
domaine ecclésiastique, et non mixtes, à l’encontre des purs laïcs, mais bien
seulement à l’encontre des gens d’Église ; contre lesquels il peut user de
condamnation selon les sanctions canoniques, décrets conciliaires et
pragmatiques conformément à ces cas. Et quant aux laïcs, pour les crimes qui
relèvent purement du domaine ecclésiastique, le pape ne peut user contre eux
des condamnations d’amendes pécuniaires, ou aucune concernant directement le
temporel. »(XXXIII)
Une monition octroyée ou
publiée, telle que l’excommunication, peut donner lieu à celui qui se prétend
victime à un recours auprès du roi pour y chercher protection (XXXVI).
« Un inquisiteur de la foi ne procède à une capture ou à un arrêt sinon
par l’aide et autorité du bras séculier. »(XXXVII)
« Le roi peut faire justice sur ses officiers clercs, pour quelque faute
que ce soit, commise en l’exercice de leurs charges, nonobstant le privilège de
cléricature. »(XXXVIII) Cette « liberté » s’oppose à la juridiction ecclésiastique.
Nul ne peut recevoir un
bénéfice dans le royaume s’il n’est pas français (XXXIX). Cela s’oppose à la
désignation de prélat étranger dans le royaume de France.
Les libertés relevant des
limites de la puissance pontificale (XL-LXXV)
Dans une troisième partie,
Pierre Pithou définit les libertés qui relèvent de la deuxième maxime.
Citons-en quelques-unes…
Le pape Alexandre III avec Henri II et le roi d'Angleterre |
« Les
conciles ne doivent assembler ni tenir sans le pape, clave non errante, reconnu
pour chef et premier de toute l’Église militante et père commun de tous les
chrétiens, et qu’il ne doit rien conclure ni arrêter sans lui et sans son
autorité ; toutefois, il n’est estimé être par-dessus le concile
universel, mais tenu à ses décrets et à ses arrêts, comme aux commandements de
l’Église épouse de notre Seigneur Jésus-Christ, laquelle est principalement
représentée par telle assemblée. » (XL). Cette « liberté »
est fortement empreinte de conciliarisme. Elle défend aussi une certaine idée
du concile, celle d’une représentativité de l’Église. Cet article concerne donc
le religieux et non le temporel.
« L’Église gallicane n’a pas reçu indifféremment tous les canons et
décrets, se tenant principalement à ce qui est contenu dans l’ancienne
collection appelée Corpus canonum,
même pour les épîtres jusqu’au pape Grégoire II. » (XLI) Cela signifie
qu’une décision d’un concile œcuménique est dépendante de l’acceptation d’une
église particulière.
« Le pape ne peut dispenser, pour quelque cause que ce soit, de ce qui
est de droit divin et naturel, ni de ce dont les saints conciles ne lui
permettent de faire grâce. »(XLII) Cet article remet en cause la
primauté pontificale.
« Bulles ou lettres apostoliques de citations exécutoires, fulminatoires
ou autres ne s’exécutent en France sans paréatis[7]
du roi ou de ses officiers ; et l’exécution qui peut en découler par la loi
après la permission, se fait par le juge royal ordinaire de l’autorité du roi,
et non par l’autorité apostolique, pour éviter distraction et mélange de
juridiction »(XLIV).
« Le pape ou son légat a laetare ne peuvent connaître des causes
ecclésiastiques, ni exercer juridiction sur les sujets du roi et demeurant en
son royaume, pays, terre, et seigneuries de son obéissance, soit par citation,
délégation ou autrement » (XLV).
« Le pape ne peut augmenter les taxes de provisions qui se font en cour
de Rome des bénéfices de France, sans le consentement du roi et de l’Église
gallicane. »(XLVI)
« Mandats de providendo, grâces expectatives générales ou spéciales,
réservations, translations, même de prélatures, dignités, et autres bénéfices
étant à la nomination du roi, ou présentation de patrons laïcs, et tels autres
usages de cour de Rome déclarés abusifs par les édits du roi et arrêt de son
parlement, ne sont reçus et n’ont lieu en France. »(XIV)
« Le pape ni son légat ne peuvent dispenser les grades des temps et cours
de leurs études, ni autrement, pour les rendre capables de nomination de
bénéfices, et tels autres droits et prérogatives. »(LVII) Cet article
protège les privilèges de l’Université de Paris. Remarquons que les « libertés gallicanes » existent bien
avant sa création.
Le pape ne peut aller à
l’encontre de certaines coutumes et statuts des églises collégiales ou des
collégiales du royaume (LXIV).
« Le droit qu’on appelle la régale[8],
approuvé par aucun saint décret, peut être compris parmi les libertés de
l’Église gallicane comme dépendant de la première maxime générale »
(LXVI).
« Peut aussi être mis dans le même rang le droit de donner licence et
congé de s’assembler pour élire, et celui de confirmer l’élection dûment faite,
dont les rois de France ont toujours joui tant que les élections ont eu lieu en
ce royaume, et en jouissent encore à présent en ce qui reste de cette ancienne
forme. »(LXVII)
Les exemptions de quelques
églises, chapitres, collèges, abbayes, monastères, etc. ne sont admises pas
comme des libertés gallicanes. « Nul
monastère, église, collège, ou autre corps ecclésiastique ne peut être exempté
de son ordinaire, pour se dire dépendre immédiatement du saint siège, sans
licence et permission du roi. » (LXXI)
« L’Église gallicane a tenu, et la cour de France jugé, que le pape ne
peut conférer à une même personne plusieurs bénéfices »(LXXIII).
La conservation des libertés
gallicanes (LXXXVI-LXXXII)
Enfin dans une dernière
partie, Pierre Pithou indique les moyens pour conserver les libertés gallicanes
et les privilèges, c’est-à-dire :
-
« par
conférences amiables avec le saint père, ou en personne, ou par ambassadeur »(LXXVI) ;
-
« en
observant soigneusement que toutes bulles et expéditions venant de Rome fussent
vues, pour savoir si elles portaient en elles quelques préjudices, en quelque
manière que ce fut, aux droits et libertés de l’Église gallicane, et à
l’autorité du roi »(LXXVII) ;
-
« par
interpellations interjetées au futur concile »(LXXVIII) ;
-
« par
appellation précises comme d’abus, que nos pères ont dit être quand il y a
entreprise de juridiction ou attentat contre les saints décrets et canons reçus
en ce royaume droits, franchises, libertés et privilèges de l’Église gallicane,
concordats, édits et ordonnances du roi, arrêt de son parlement, bref contre ce
qui est non seulement de droit commun, divin ou naturel, mais aussi des
prérogatives de ce royaume, et de son Église. »(LXXXIX). Ces
appellations se jugent « par la
grande chambre du parlement, qui est le lie et le siège de justice du
royaume »(LXXIX).
Comme nous le constatons, le
clergé du royaume n’est guère associé à ses moyens. Ces derniers ne sont
considérés essentiellement que sous le regard parlementariste et juridique.
Conclusions
Louis XIV |
Les
« libertés gallicanes » du
XVIe siècle sont-elles les mêmes que celles défendues jusqu’au XIVe
siècle ? Après la lecture du traité de Pierre Pithou,
la réponse est claire. Deux conceptions
différentes se font face.
Dans la conception la plus
ancienne, l’expression désigne les
particularités de l’Église gallicane, faites d’immunités, de prérogatives
et de privilèges. Elles sont menacées par les ambitions des grands seigneurs ou
par des interventions jugées abusives du Pape.
Dans l’autre conception, l’expression
désigne les droits du roi au sein de
l’Église gallicane. D’abord considéré comme le défenseur de l’Église
gallicane, le roi en est devenu le tuteur, voire le véritable maître.
Selon
Hincmar, l’État devait aider l’Église. Avec Pithou, l’Église est subordonnée au
roi. Fénelon pourra alors dire sans exagération : « Les libertés de l’Église gallicane sont de
véritables servitudes… Le roi dans la pratique est plus maître de l’Église que
le pape en France : nos libertés à l’égard du pape [sont des]
servitudes envers le roi»[9]
Contrairement aux principes
de l’Église établis au moins depuis le Ve siècle, le pouvoir temporel l’emporte clairement sur le pouvoir religieux dans
l’ouvrage de Pierre Pithou. La primauté n’appartient ni aux évêques ni au pape
mais aux autorités civiles, au parlement, aux princes, au roi. Finalement, que
sont les libertés gallicanes au XVIe siècle sinon la capacité au roi d’exercer une libre autorité dans l’Église dit gallicane ?
Notes et références
[2] Henri-François
D’Aguesseau, Œuvres complètes du chancelier d’Aguesseau, tome 9, 1800.
[3] Charles-Jean-François
Hénault, Nouvel abrégé chronologique de l’Histoire de France contenant les
événements de notre histoire depuis Clovis jusqu’à la mort de Louis XIV,
seconde partie, 1748.
[4] Le fils de Christophe
de Thou et Pierre Pithou sont de réels amis. Ce sont des défenseurs de la
royauté et farouches gallicans.
[5] Franchise :
privilèges accordés par le seigneur à des communautés, qui suppriment les
droits que celui-ci exerçait auparavant de manière arbitraire. Elle donne lieu
à une charte de franchise qui énumère les droits accordés par le seigneur à la
communauté.
[6] Les citations
proviennent de Pierre Pithou, Les libertez de l’Église gallicane,
imprimeur Mamert Patisson, 1594. Traduit par nos soins en français
contemporain. Les chiffres entre parenthèses correspondent au numéro de
l’article.
[7] Lettre de
chancellerie par laquelle le roi ordonne l’exécution d’un jugement dans un lieu
qui n’est pas du ressort de la juridiction ou à ce jugement a été rendu.
[8] La régale est un droit revendiqué par le roi de France, consistant à percevoir les revenus d'un évêché vacant et à nommer aux bénéfices dont l'évêque défunt avait la collation.
[9] Fénelon, Lettre
au duc de Chevreuse du 3mai 1710, dans Œuvres de Fénelon, vol.23, Tables
des Œuvres de Fénelon, librairie d’Adrien Le Clere et cie, 1830. Voir
aussi Mémoires particuliers, novembre 1711, article Église, Histoire
de Fénelon, Cardinal de Bausset, 4e édition, Tome IV,
n°VIII, libraire Gauthier, p.291, 1830.
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