Le mal comme châtiment de nos péchés
Éliphaz
est le premier à parler. Il reprend Job et reproche son désespoir qui se
manifeste dans son dégoût de la vie, son impatience qui s’exprime par son
amertume et sa présomption qu’il exprime par sa protestation de son innocence.
D’abord, il l’accuse d’abandonner devant les épreuves qu’il endure les vertus de
force, de courage et de patience qu’il a lui-même enseignées. Il remet alors en
cause sa crainte de Dieu. Puis, reprenant l’enseignement de Job lui-même ainsi
que son expérience, Éliphaz défend l’idée de la rétribution dès ici-bas : les
adversités en ce monde n’arrivent qu’aux pécheurs alors que la prospérité
récompense les justes. Par conséquent, Job et sa famille ont été frappés
par des malheurs en raison de leurs péchés. Par une révélation secrète survenue
dans un songe, il apprend qu’aucun homme n’est exempt de péchés et qu’il ne
serait se justifier comparé à Dieu. « Un
mortel est-il pur face à son auteur ? » (Job, IV,
17) Des anges se sont même égarés dans la dépravation. Que dire alors des
hommes qui sont si fragiles et périssent pour toujours ? Ils se perdent
eux-aussi dans le péché, même s’ils l’ignorent. Job ne peut donc se dire
innocent. Il faut donc admettre que, bien qu’il ne se sache pas pécheur, lui et
ses enfants ont enduré des épreuves par suite de certains péchés.
Le
mal comme correction
Tout
n’arrive pas en effet sans cause puisque toute chose est déterminée à une fin.
Ainsi, le monde est régi par la divine providence sans laquelle les prières seraient vaines.
C’est pourquoi les humbles seront élevés et les oppresseurs rabaissés. Dieu
intervient en ce monde pour encourager et garder les justes, libérer les
pauvres et faire échouer les projets des méchants. « Il gardera l’indigent du tranchant de leur glaive et le pauvre
de la violence de leurs mains. » (Job, V, 15) Dieu fait subir des maux aux hommes non seulement
comme sanctions mais également comme correction
en vue de leur amendement. « Bienheureux
l’homme que le Seigneur reprend ». Par conséquent, Job ne doit pas rejeter
les maux qui l’accablent au point de haïr la vie. « Ne repousse donc pas l’avertissement du Seigneur. C’est le même qui
blesse et guérit ; s’il frappe sa main, nous soigne. » (Job, V, 17)
La
plainte légitime de Job
Job répond
à Éliphaz et défend sa cause. Il est convaincu que par la fragilité de la
condition humaine, tout homme est pécheur mais les péchés ne méritent pas tous
une même peine. Les épreuves qu’il endure en raison de ses fautes ne sont pas
proportionnées à leur gravité. Il reproche donc à Éliphaz d’oublier les
exigences de la justice divine. Or, il montre que des méchants subissent de
légères peines alors que lui, qui n’a pas commis de péchés graves, subissent
des maux terribles et innombrables.
Job
s’excuse aussi de son chagrin qu’il a exprimé dans ses paroles « pleines d’amertume » mais il le
justifie par la douleur qu’ont causée ses malheurs, qui, par leur soudaineté et
leur enchaînement rapide lui ont enlevé toutes forces ou consolation. Il craint
désormais que le Seigneur lui envoie d’autres afflictions. Il est naturel
que l’homme exprime sa souffrance et qu’il éprouve de la tristesse devant les
tribulations qu’il subit.
Mais
de peur que sa raison ne domine plus ses douleurs et qu’il commette le mal à
l’égard de Dieu, Job Lui demande de mourir. « Qu’il lâche sa main et qu’Il m’abatte ! » (Job, VI, 9) Il est en effet bien conscient de ses
faiblesses. « Mon courage n’est pas
dur comme pierre, ni ma chair n’est d‘airain. » (Job, VI,
9) Contrairement au discours d’Éliphaz, il montre qu’il n’abandonne pas…
Job
à la recherche de compassion
Job
récuse alors les reproches de son ami qu’il condamne et qui ne le convainc pas.
Au lieu de paroles éloquentes et creuses, il réclame un véritable enseignement.
Il se plaint de la dureté de ses paroles qui au lieu d’être utiles sont
irritables alors qu’il est déjà accablé par ses douleurs. Or, il y a un moment
propice à de tels propos. Lorsqu’on reprend un cœur consterné et disposé à la
colère, on prend le risque d’aggraver son état. Toutefois, prêt à les
entendre, il demande à ses amis de le répondre en toute justice. Il est alors
prêt à les entendre…
Contre
la rétribution de la vie ici-bas
Après
avoir condamné la dureté de ses paroles, leur inutilité et leur danger, Job
réfute l’opinion d’Éliphaz selon laquelle il faut attendre ici-bas le châtiment
des péchés et la récompense des justes. Il présente la vie de l’homme sur terre
comme un « combat »,
ses jours comme ceux d’un « mercenaire ».
Son existence est semée d’obstacles et
de dangers, de sueur et de travail afin qu’il se procure des biens nécessaires à la vie. Elle n’est
donc pas sans peine ni douleur, quel que soit son état de pécheur. La
félicité promise par Éliphaz ne réside donc pas dans notre monde.
Dans
sa tristesse, ne trouvant qu’afflictions dans le présent, Job ne songe alors qu’à
l’avenir. Il revient sur son horrible condition personnelle, marquée durement
dans sa chair et la perte définitive de ses biens. Il ne trouve aucune
consolation à ses souffrances, aucune libération dans sa tribulation. La nuit
est un cauchemar. C’est alors que sa plainte devient terrible. Il a perdu tout
espoir de retrouver une vie prospère. « Je suis au désespoir ; je ne puis vivre plus longtemps. »
(Job, VII, 16) Si la
rétribution se réalise ici-bas comme l’affirme Éliphaz, il est alors à craindre
que l’existence avec ses peines et ses douleurs conduise au désespoir et au
désir de mort.
Enfin,
Job semble interroger directement Dieu et lui demande pourquoi il montre tant
de sollicitudes à l’homme alors qu’il n’est rien par ses faiblesses et la
brièveté de sa vie. Aurait-Il tant d’attention à son égard pour ne point
lui offrir autres choses que la promesse d’une félicité terrestre ? Et
s’il a péché, que peut-il faire contre Lui ? Qui est-il pour obtenir le
pardon de ses fautes ? Par conséquent, Dieu ne pourra jamais l’épargner
s’Il ne lui l’enlève pas. Par ses interrogations, Job montre en fait l’absurdité
du discours d’Éliphaz.
Le
mal frappe aussi bien les justes que les pécheurs
Contrairement
à ce que dit Baldad, Job ne conteste pas la justice divine. Personne ne peut
contester avec Dieu tant « son
cœur est sage et solide sa force. » (Job, IX, 4) Qui
peut Le résister tant sa puissance infinie et sa sagesse d’une admirable
profondeur ? « Que suis-je donc
pour Le répondre ? » (Job, IX, 14)
Contre
ses deux amis, Job rappelle de nouveau que la mort frappe aussi bien les
bons que les méchants, les innocents que les pécheurs. Si la cause des
peines est le péché, Dieu châtierait-Il les justes sans aucun motif comme si le
châtiment Lui plaisait pour eux-mêmes ? Par conséquent, ce ne serait pas
simplement par injustice que Dieu les frapperait, mais aussi par malice.
Aurait-Il alors livré la terre à l’impie ? Et si « ce n’est pas lui, qui donc alors ? ».
Enfin,
Job défend sa justice et son innocence. Il a toujours craint le jugement
divin. Si les malheurs qui le frappent provenaient de ses péchés, ses craintes auraient
été inutiles. Il aurait peiné en vain. Certes, il ne peut contester devant Dieu
ses péchés puisqu’il ne peut être totalement pur, mais il peut contester le
jugement de l’homme.
À la
recherche des causes de ses malheurs
Ne
voyant aucune raison à ses châtiments, Job en demande la raison à Dieu. Ce n’est
pas ni par ignorance ni par malice qu’Il
le tourmente ainsi. Il n’est pas comme les
hommes qui, par ignorance ou faiblesse, agit mal envers d’autres et commette des injustices. De plus, puisqu’il est l’œuvre de
ses mains, est-Il encore possible qu’Il le châtie sans motif, oubliant la
bienveillance qu’Il a eue pour sa créature ? Les souffrances qu’il endure
lui semblent donc incompréhensibles.
Et
dans le cas où il n’est pas innocent, Job montre qu’il n’est pas puni pour ses
péchés. Comment Dieu, peut-Il en effet
châtier celui qu’Il a auparavant épargné ? Et s’il venait à être purifié
de ses péchés, contrairement aux discours de ses amis, il ne serait pas soulagé
par ses malheurs. Ses amis qui portent témoignage contre lui est un autre
tourment qui l’afflige.
Job
finit enfin son discours par la peinture de l’enfer, « la terre des ténèbres », là où « habite une éternel horreur » (Job,
XI, 22). Ainsi, en recherchant la cause de sa misère, Job montre qu’elle ne peuvent
pas venir de Dieu qui livrerait la terre aux impies, l’opprimerait
injustement, le punirait de ses péchés ou encore le châtierait par plaisir. Le
juste et le méchant sont tous éprouvés ici-bas. Il en vient alors à poser la
question d’une autre vie où chacun recevra ce qu’il mérite selon la justice
divine.
Gare
à l’orgueil qui élève l’homme !
C’est
alors au tour de Sophar de Naama de parler et d’accuser Job, reprochant sa
bavardise et son arrogance. Est-il capable de discuter avec Dieu, de Le comprendre
et de le juger, Lui « qui est
plus élevé que les cieux » et dont la sagesse est
incompréhensible aux hommes ? Connaissant toute chose, en particulier la
vanité humaine, Il ne peut ne pas punir les péchés dont Il est témoin. L’homme
est-il si orgueilleux qu’il se croit à l’abri de son jugement et de sa
justice ?
Sophar
accuse donc Job d’être si sûr de son innocence. Au lieu de la plaider, il
devrait renoncer à ses péchés et demander ensuite à Dieu de ne pas le punir.
C’est par cette prière qu’il pourrait,
dès cette vie, retrouver son bonheur et, dans la mort, se reposer en
paix et vivre dans la mémoire des vivants. S’il ne sépare pas de son iniquité,
comme tout impie, il sera en abomination auprès des vivants à cause de ses
péchés. Après cette vie, il n’y a donc rien attendre pour le juste si ce
n’est la paix dans la tombe ou dans les souvenirs.
La
fausseté d’un discours inutile
De nouveau, Job accuse ses amis de prononcer des
discours inutiles, orgueilleux et
méprisants au lieu de venir à son secours et de
compatir à ses misères. Ils ne sont pas en effet les seuls à connaître
les grandeurs de Dieu et la vanité humaine comme s’ils étaient les seuls sages
de ce monde, comme si lui-même était un insensé ignorant toutes ces choses. Ils
en sont alors ridicules. Job connaît en effet toute la grandeur de Dieu aussi
bien qu’eux. « Comme vous
connaissez, ainsi j’ai su moi aussi et je ne vous suis pas inférieur. »
Ses mots sont alors terribles, les accusant d’être des « artisans de mensonge » (Job,
XIII, 4).
Job conseille
ses amis de se taire plutôt que de plaider en faveur de Dieu par de mauvaises
et fausses idées. Pour défendre la justice divine, ils l’ont
accusé d’avoir commis des péchés afin de ne point remettre en cause leur
doctrine alors qu’ils savent bien que les bons et les méchants sont réprouvés
en cette existence. Contre un fait manifeste, ils ont voulu être habiles
dans leurs paroles, trouvant n’importe quel prétexte pour défendre la
justice divine. En outre, ils peuvent discuter tranquillement de ces choses
puisqu’ils n’endurent aucune tribulation. Or ils devraient craindre que Dieu
les condamne pour leurs forfaitures. Reprenant alors les paroles de Sophar, Job
leur promet le mépris au-delà de la tombe…
La
fragilité de la nature humaine
Job rejette
l’idée selon laquelle Dieu punit pour montrer sa puissance puisque l’homme
n’est qu’une feuille emportée par le vent. Il récuse aussi toute sanction de
péché de jeunesse puisqu’il est un homme en sa vieillesse. Enfin, le punit-Il
parce qu’il a commis des négligences et des peccadilles ? Cela ne serait
guère raisonnable puisque selon leurs amis, l’homme se consume comme la
pourriture. Job décrit alors la fragilité de la condition humaine. Comme
une fleur qui grandit et se fane, il vit peu longtemps et il est comme l’ombre
qui passe. Sa vie est pleine de misère et elle ne connaît guère de repos. Job
s’étonne alors que Dieu ait tant souci de l’homme au point de l’amener au
jugement.
À sa
mort, l’homme n’a plus d’espérance. Il ne peut plus renaître comme l’arbre qui,
coupé, reprend vie et poussera comme s’il avait planté pour la première fois.
« L’homme une fois endormi ne se
lèvera pas » (Job, XIV, 12). Rien ne reste de lui après
sa mort. Son bonheur réside-t-il dans le souvenir des vivants ou dans la joie
de ses enfants ? Mais, comment le saura-t-il
s‘il disparaît totalement puisqu’il n’emporte rien dans sa tombe ?
Il
est donc chose horrible et déplorable pour l’homme de disparaître ainsi sans
jamais revenir à la vie. Il désire alors sa résurrection. Job espère alors que,
souvenant de tous ses actes, Dieu lui pardonnera ses péchés lorsqu’Il
l’appellera du lieu des morts. « Comme
enfermées en un sac, tu as scellé mes fautes mais tu as guéri mon iniquité. »
(Job, XIV, 17)
La
récompense des justes ou la punition des méchants résident finalement dans l’autre
vie, après la mort. Comme un mercenaire, l’homme doit attendre
le jour de sa paye. Il serait en effet injuste que l’homme soit comparable à
des choses destinées à la corruption qui se perd définitivement sans espoir de
retour alors qu’il diffère d’elle par sa force et son esprit. Finalement, la
vie n’est que douleurs si elle s’achève définitivement dans la mort…
Dans
la douleur, le regard tourné vers Dieu
À
plusieurs reprises, Job se plaint de la dureté des paroles de ses amis qui, au
lieu de le consoler, le condamne sévèrement et répète les mêmes paroles,
creuses et vexantes. Il leur est facile de discuter de ses malheurs quand ils ne
souffrent pas des douleurs qu’il éprouve. Il montre alors combien ses
souffrances dans sa chair et son cœur l’empêchent de parler comme le font ses
amis. Ainsi, il ne peut discuter d’égal à égal avec eux. Il rappelle aussi la
grandeur de son humiliation. Il connaît ses péchés et il sait qu’ils ne méritent pas de telles
peines. « Ma conscience est là-haut. »
(Job, XVI, 20) Job estime
alors suffisamment affliger pour ses péchés. C’est pourquoi il peut se
plaindre de son sort...
Au
milieu de sa détresse, Job tend son regard vers Dieu dont il attend le
secours. « Mon œil pleure vers
Dieu. » Il désire aussi se trouver en sa présence pour connaître les
raisons de son malheur et de ses jugements. Là réside son espoir, surtout lorsqu’il
est proche de la mort. Là se trouve aussi la consolation. Il ne réside pas dans
le retour de la prospérité comme le suggèrent ses amis. Ce serait même absurde
puisque tout est voué à la disparition. « Dans le plus profond des enfers iront tous mes biens. Pensez-vous qu’au
moins là sera mon repos ? » (Job, XVII, 16)
Job
se lamente donc de ses amis qui le frappent par leur bavardage. Leur cœur est
fermé à la sagesse. Ils ne mettent leur espoir qu’en des biens temporels. C’est
ainsi que leur perte est pour eux signe de châtiment. Il en est alors indigné.
Non seulement leurs paroles ne parviennent pas à l’écarter de sa voie mais
elles renforcent sa détermination. L'impiété irrite l’innocent et
l’affermit. « Le juste gardera
sa voix. Le courage grandit pour ceux qui sont purs. » (Job,
XVII, 9)
L’appel à la pitié et à l’espérance
Job
se lasse des discours de ses amis qui se répètent sans le convaincre, fautes
d’arguments, et par leur verbiage manifestent davantage leur malice. Baldad
l’accuse d’être ignorant sans comprendre que l’état dans lequel il est ne
lui permet guère de raisonner. Il leur montre de nouveau que ses maux
dépassent ce qu’il aurait pu attendre de la justice divine en les énumérant
dans le détail.
Dans
ses peines, il ne trouve aucun remède ni consolation dans son entourage et sa
maison, et auprès de ses proches, lui enlevant toute espoir comme un arbre
qu’on a arraché. « Je crie à la
violence et personne n’entend. » Il invite alors ses amis à la
pitié puisque tous l’ont abandonné. Cependant, il n’a pas perdu
l’espérance. Son espoir ne réside pas dans les biens temporels et dans les
hommes mais en Dieu. Il est en effet certain de voir son rédempteur et de
ressusciter. « Je le verrai moi-même
et mes yeux le contempleront, et non une autre espérance repose en mon sein. »
(Job, XIX, 27) Et sa cause sera alors entendue. Job demande alors
à ses amis de craindre le jugement de Dieu.
Dans
son deuxième discours, Sophar ne contredit pas les paroles de Job concernant
l’espérance de la vie future, les rétributions et les punitions en fonction des
mérites mais il persiste dans l’idée que Dieu punit les méchants et récompense
les justes dès cette vie présente. Il écoute sa doctrine sans abandonner la
sienne. Il est convaincu que sur cette terre, le pécheur est l’objet de la
vengeance et de la colère de Dieu même s’il semble croire aussi à ses
châtiments après la mort.
L’appel
à l’expérience
Après
ce discours, Job aborde avec sérieux et crainte à une question importante et
demande donc à ses amis de l’écouter avec attention. Pourquoi l’impie vit-il si
longtemps ? Pourquoi est-il comblé de richesse et parvient-il à
s’élever ? Il énumère alors les biens qu’il réussit à acquérir ici-bas en
dépit de ses péchés et décrit sa postérité jusqu’à leur mort sans avoir mérité
de la part de Dieu. « La verge de
Dieu n’est pas sur eux. » (Job, XXI, 9) Il méprise Dieu
et son jugement. Et puisqu’il connaît la fortune et ne subit pas de châtiment,
il n’y aucun motif de s’éloigner du mal. Mais lorsque Dieu le frappe dans ses
biens, il est plus durement touché que le juste puisque leur espérance repose
uniquement sur leur richesse.
Pourtant,
Dieu connaît l’impie et ses péchés. Aucune malice ne lui est cachée même
si le pécheur vit dans la prospérité. Dieu a besoin de personne pour être
instruits des méchancetés et des bontés des hommes, pour juger les grands de ce
monde. Job rappelle alors que quelle que soit leur prospérité ou leur misère, tous
les hommes sont égaux devant la mort. « Ils dormiront ensemble dans la poussière » (Job,
XXI, 26), quelles que soient leurs mérites. C’est pourquoi Job s’oppose à
l’idée selon laquelle la diversité des vies dépendent de la diversité des
mérites. Il précise qu’il ne dit rien de nouveau.
Dans
son dernier discours, Job montre qu’il n’est pas contraire à la providence
divine que des méchants prospèrent et que des justes soit affligés dans ce
monde puisqu’après cette vie, chacun recevra ses peines et ses
récompenses. Il est donc inutile aux pécheurs d’être riches en biens
naturels s’ils perdent leur âme. En outre,
la prospérité est d’une grande fragilité. Le plus grand bien préférables
à tous les biens de la terre réside dans la sagesse dont la source est Dieu. Celle-ci
consiste à Le craindre et à fuir le mal. Et ce bien est accordé aux justes.
Les justes ont aussi l’avantage d’être exaucés de Dieu au temps de leurs
épreuves, ce qui est exclu pour les impies, et d’être joyeux en Dieu lorsque
leur manque la consolation temporelle. La louange divine retentira toujours
dans leur bouche.
Job
rappelle enfin sa propre prospérité passé dont il usait vertueusement, ensuite
la grandeur de ses maux où il est tombé et qui l’ont dépouillé de tout, et
enfin il revient sur son innocence afin qu’on ne croit pas que son malheur
provient de ses péchés. Il en appelle au témoignage de Dieu, Lui qui
connaît et juge, alors que ses amis le condamnent injustement.
Le
dernier discours
La
réponse de Job met fin au dialogue entre lui et ses amis. C’est alors
qu’intervient un nouveau personnage, Eliud. Il justifie son intervention par
son indignation contre Job parce qu’il se disait juste et contre ses amis, qui
en dépit de leur vieillesse, n’ont su que le condamner sans le convaincre de
ses erreurs. Mais parce que l’âge n’est pas une cause suffisante de sagesse, il
se permet d’intervenir, malgré sa jeunesse, en raison de sa science.
Eliud
commence par un réquisitoire contre Job. Il ne lui répond pas pour le calomnier
ou l’affliger mais pour manifester la vérité d’un cœur simple. Attentif à ses
paroles, il lui reproche de se dire indemne de péchés, pur et sans tâche,
et d’accuser Dieu de jugement injuste. Or cette accusation est une
offense faite à Dieu. Il est très présomptueux de vouloir discuter avec Lui
comme s’il était son égal et de se plaindre qu’Il ne lui réponde pas. Pourtant,
Dieu lui parle par la raison naturelle, par les songes et par la maladie qu’il
subit. Eliud la voie non seulement comme la rançon du péché mais aussi comme
une correction. Pour être libéré de ses souffrances, Job doit évoquer Dieu et
prier pour lui-même comme son ange gardien parle aussi pour lui. Sa prière sera
efficace s’il reconnaît humblement son péché et se confesse. Il verra alors sa
face et connaîtra la joie imparfaitement en cette vie et parfaitement dans
l’autre.
Dieu,
juste et bon
Eliud
commet la même erreur que les amis de Job en interprétant mal ses paroles. Il
l’accuse en effet d’avoir reproché Dieu d’être injuste à son égard et donc de
remettre en cause son jugement et sa justice. Il dénonce alors ses paroles
médisantes et son orgueil. Il montre alors qu’il ne peut y avoir d’injustice
en Dieu. Il se tourne vers Dieu pour que Job puisse reconnaître ses
défauts...
Car Dieu
prend soin des hommes. Il écoute et exauce les justes comme les opprimés, et
non les méchants, puisqu’Il hait le mal et le bien lui plaît. Est-ce que c’est
en raison de sa fortune que Dieu l’a puni ? Dieu ne punit pas un homme en
raison de sa prospérité ou de sa puissance mais en raison de ses
iniquités. Il punit les puissants qui oppriment les pauvres. S’ils sont justes,
Il leur accorde des bienfaits et raffermit leur puissance. Et aux iniques, Il
leur fait reconnaître leurs péchés afin qu’ils les reconnaissent pour qu’ils reviennent
de leur iniquité par la pénitence. Pour ceux qui s’amendent de leurs fautes,
ils ne seront pas libérés de leur châtiment. Par conséquent, Dieu apporte le
salut dans les épreuves tant aux pauvres qu’aux riches, aux faibles qu’aux
puissants. Job peut donc avoir confiance en Lui s’il se repent de ses fautes.
Enfin, Eliud revient sur les accusations de Job. Comment peut-il juger Celui
qui lui est supérieur en puissance et en grandeur ? Qui est-il alors que
les voies de Dieu sont impénétrables pour l’homme ? « Dieu est vraiment grand, il l’emporte sur
notre science. » (Job, XXXVI, 26) Eliud décrit les
nombreuses merveilles de la Création qui manifestent la grandeur des œuvres
divines qui dépassent la raison humaine. Il reproche Job de charger la
justice de Dieu alors qu’il ne peut comprendre ses œuvres.
La
réponse de Dieu
Dieu
reproche aussi à Job d’avoir invoqué sa propre justice, ce qui aurait pu
paraître comme une atteinte à la justice divine. Or l’excellence de Dieu est
au-dessus de tout homme, excellence qui se manifeste dans ses œuvres qu’Il
opère chez les hommes et les anges. Ne se montre-t-Il pas juste avec les méchants et le diable ? Sans son
aide, peut-il triompher de Satan ? Si celui-ci s’élève en abusant de la
puissance que Dieu lui a donnée sans cependant l’user contre sa volonté, Dieu
ne peut être accusé du mal qu’il commet. Peut-Il être accusé de cruauté
puisqu’Il veut ne pas perdre l’homme mais le sauver et que par bonté,
Il accorde gratuitement à l’homme des bienfaits ? Pourrait-Il vouloir
faire du mal à l’œuvre qu’Il a créée, qu’Il gouverne et qu’Il conserve ?
Dieu en vient ensuite à décrire le démon et à présenter ses activités. Sa
malice s’affermit au fur et à mesure que Dieu le frappe mais en fin de compte,
il sera vaincu. Satan s’attaque à l’homme qui ne peut guère résister à ses
assauts comme le monde en est profondément et durablement troublé.
Avec
une véritable humilité, Job confesse l’excellence divine quant à sa puissance
et à sa sagesse. Il s’en prend à tous ceux qui nient la
providence divine, ceux qui, présomptueux et insensé, pensent que les desseins
des hommes échappent à la connaissance de Dieu. Rien ne lui est caché. Il
repent d’avoir « follement parlé de choses qui dépassent » (Job,
XLII, 3) sa science.
Puis,
Dieu se tourne vers Éliphaz et ses amis. « Ma colère s’est allumée contre toi et tes deux amis parce que vous
n’avez pas parlé correctement en ma présence comme l’a fait mon serviteur. »
(Job, XLI, 7) Si Job a parlé par légèreté, ses amis ont
commis des erreurs et se sont écartés de la vérité. Ainsi, doivent-ils expier
leurs fautes par un sacrifice. Et par la prière de Job et en considération pour
lui, en raison de sa foi, ils recevront satisfaction. Enfin, Dieu rend à Job sa
situation et lui restitue sa prospérité, une prospérité encore plus grande que
celle qu’il a perdue.
Conclusions
Job
nous rappelle deux vérités. D’une part, notre propre expérience témoigne que les
épreuves touchent autant le juste que le méchant, eux-mêmes égaux devant la mort,
que le bon peut endurer ici-bas de nombreux maux et que le méchant peut aussi connaître
la prospérité. D’autre part, créé par Dieu et différent de toutes les autres
créatures, l’homme fait l’objet de soins particuliers de son Créateur, Lui
qui est sagesse et puissance infinies, Lui qui connaît tout et lit dans notre
âme. Job établit alors, contrairement à la doctrine de ses amis, qu’une
sanction sera exercée à l’homme après sa mort pour ses actions bonnes ou
mauvaises. L’espérance ne réside donc pas en ce monde ni en des biens temporels
mais au-delà de la mort, là se trouve le véritable bonheur. C’est parce que
nous y mettons nos joies et notre espèrance que les maux que nous endurons nous
paraissent alors des malheurs insurmontables et sans égal.
L’histoire
de Job nous rappelle aussi qu’éprouvés par la souffrance, l’homme ne peut guère
saisir la volonté de Dieu. Sa raison est parfois impuissante à surmonter les
douleurs. Il parle alors avec légèreté, osant même parfois remettre en cause la
providence divine comme s’il était capable de juger Dieu. Ce n’est pas le
moment non plus de le raisonner, nous qui n’éprouvons pas ses souffrances, mais
plutôt de compatir à ses peines et de l’aider à porter sa croix, à
soulager sa misère, finalement à tourner son regard vers Dieu, là où
réside la seule et véritable espérance.