Pouvons-nous
imaginer les premiers chrétiens à Corinthe, à Rome et dans d’autres cités de
l’empire romain au temps du paganisme avant que l’empire ne devienne
chrétien ? Aujourd’hui, en dépit des siècles qui nous séparent d’eux, nous chrétiens,
nous pouvons peut-être éprouver les ressentiments qu’ils ont dû connaître.
Comme eux, nous vivons dans une société
bien étrangère à la morale chrétienne. Chaque jour paraît comme une
épreuve, comme une douleur renouvelée. La croix a surtout dû être lourde pour
ceux qui servaient des maîtres païens. Quel regard portaient-ils sur leur société
et leurs contemporains après avoir été convertis ? Pouvons-nous aussi imaginer
leurs difficultés à vivre selon les commandements de Dieu dans un monde qui l’ignorait ?
Nous pouvons aussi nous poser les mêmes questions sur ceux qui ont vécu parmi
les barbares païens ou en un temps peu propice à la morale chrétienne.
Aujourd’hui,
il est bien commode de mépriser la
morale chrétienne et de l’accuser de tous les maux. C’est oublier notre passé avec ses malheurs,
ses déclins, ses misères. C’est aussi ignorer la part de responsabilité de
l’homme dans les souffrances qu’il supporte ou fait endurer. C’est surtout
croire que notre société est née de nulle part. Généralement, ce ne sont pas
les plus malheureux qui réclament une plus grande libération des mœurs. Ils
savent trop bien le prix de la vie. Ils n’en ont pas non plus les moyens de
vivre dans l’excès et la luxure. Souvent, ce mépris à l’égard de la morale
chrétienne cache des motifs bien peu
avouables. Nous allons donc revenir au temps des premiers chrétiens, non pour
égrener les plaies et les ressentiments mais pour sentir, peser, saisir la
force de la morale chrétienne.
La
conversion, transformation des mœurs
Revenons
donc aux chrétiens des trois premiers siècles de notre ère. Face aux menaces
qui pèsent sur eux en raison de leur foi, ils connaissent aussi le prix de la
vie. Ils vivent dans une société dirigée
par une autre moralité que la leur. Sans-doute, aujourd’hui, nous avons
bien des difficultés pour imaginer l’esprit qui y règne en dépit des
connaissances que nous pouvons avoir sur cette époque. C’est un temps où les
esclaves ne sont que des objets, où le sort de l’enfant à naître ou qui vient
de naître n’est pas non plus enviable, où les pratiques sexuelles expriment
plutôt la domination sociale au sein de la population.
Comme
aujourd’hui, les chrétiens sont en minorité au sein d’une population bigarrée
aux multiples confessions. À cette époque, l’homme
devient chrétien plutôt à l’âge d’adulte après une conversion. En raison de
ses conséquences, ce choix n’est ni simple ni hasardeux. Il ne peut qu’être mûrement volontaire. Les conversions sont nombreuses. Quelques
communautés chrétiennes se développent dans de nombreuses villes de l’empire
romain et au-delà, en Orient et en Occident. Le christianisme touche toutes les catégories sociales, les esclaves,
les affranchis, les hommes libres, les nobles, y compris dans l’entourage de
l’empereur.
Selon
les témoignages les plus anciens, les chrétiens « ne distinguent pas des autres hommes ni par le pays, ni par la langue,
ni par les usages… »[1] Ce n’est
ni par les vêtements ni par un signe distinctif qu’ils se séparent des autres
hommes. Ils ne se retranchent pas non plus dans des ghettos. Ils ne fuient pas
leur cité pour en bâtir une autre. Pourtant, ils sont différents des autres.
Leurs différences portent sur leur conduite ou plutôt sur une transformation de
leurs mœurs. Leur comportement est tel
que le païen est étonné et réagit, par le mépris, la persécution ou au
contraire par l’acquiescement et finalement par la conversion.
Une
volonté ferme
Un
autre point frappe les païens. C’est la
résistance des chrétiens à toute forme de pression, de calomnie ou de
tortures dont ils sont victimes pour qu’ils abjurent leur foi. Ils préfèrent plutôt les supplices et finalement la
mort. Précisons qu’ils ne la recherchent pas. Non seulement, ils refusent tout
suicide mais ilis ne se jettent pas non plus dans les bras de leurs bourreaux.
Ils les laissent œuvrer avec dignité. « Il en est qui déclarent que c’est pure démence de préférer l’entêtement
au salut, quand nous pouvons sacrifier au moment même et partir sains et saufs,
tout en conservant intérieurement nos opinions. »[4] Ils
préfèrent mourir que de trahir leur conscience par des actes contraires à leur
foi. Ils appliquent finalement ce que Socrate demandait, c’est-à-dire la
cohérence entre la pensée et l’acte. Mais quel philosophe antique l’a-t-il
observée avec une telle force et respect ?...
Certes,
les chrétiens pourraient mentir et simuler une piété telle que le souhaitent les
païens pour être tranquilles et poursuivre leur existence sans difficulté. Ils pourraient
nier lorsqu’ils sont interrogés. Ces faux-semblants suffiraient pour les
satisfaire. Mais « nous ne voulons
pas acheter la vie au prix du mensonge. »[5] Ils ne
peuvent offrir des sacrifices à leurs dieux tout en n’y croyant pas. Il y a donc
une volonté ferme de coïncider ce qu’ils
croient avec ce qu’ils font, refusant tout simulacre et hypocrisie mais
aussi vains discours. L’unité de pensée et d’action est ainsi réalisée en dépit
de ses conséquences qui peuvent conduire à la souffrance et à la mort.
Une
vie consciente et responsable
Toutefois,
les chrétiens ne sont pas calomniés et maltraités dans le silence, ni dans
l’indifférence ni dans un certain fatalisme. Ils refusent ce qu’ils subissent. Ils dénoncent les offenses qui les frappent
et se défendent contre les maux qui les accablent. Ils refusent l’injustice
dont ils sont victimes, mais sans
violence ni haine.
Devant
les accusations que les païens leur porte, ils n’hésitent pas à se défendre, à
protester, à écrire. S’ils acceptent de souffrir pour leur foi, ils ne veulent
point en effet mourir sans se faire entendre, sans proclamer leur innocence. Au mépris même du danger que représentent
leurs initiatives, des apologistes, comme Saint Justin ou Tertullien, demandent
à leurs accusateurs de ne pas les juger selon les préjugés, les ragots et les
infamies mas selon la justice. Il
demande en outre de ne pas juger de leur foi mais de leurs actes. « S’il y a erreur, c’est notre affaire et non
celle d’un autre, tant que nous ne serons pas convaincus de crime. »[6] En
outre, « il faut dire la vérité »[7], nous
dit Saint Justin.
En
entendant leur plaidoirie, leurs
accusateurs n’agissent pas par ignorance mais en connaissance de cause. « Si, une fois éclairés, vous n’observez pas
la justice, vous serez désormais sans excuse devant Dieu. »[8] Au
contraire, s’ils les laissaient dans l’ignorance, les chrétiens se jugeraient
responsables de leurs fautes. « À
nous d’exposer aux yeux de tous notre vie et nos enseignements, de peur que,
pour n’être pas fait connaître de vous, nous ne soyons pas responsables devant
notre conscience. »[9] Ainsi,
les chrétiens mettent en exergue le sens
des responsabilités. Nul ne peut agir sans assumer ses actes…
Loyauté
et fidélité
Un
comportement égal envers tous
« Nous
faisons le bien sans acception de personnes »[12]. À
l’égard de l’empereur, du citoyen romain ou de l’esclave, les chrétiens agissent de la même façon tout en prenant soin du respect
dû à leur rang. Cela est encore vrai à l’égard de leurs ennemis. Or, cette
manière de penser et d’agir est une
véritable révolution. La société antique se fonde en effet sur des rapports
de force et donc sur des distinctions qui induisent domination pour les uns,
soumission pour les autres.
Les
chrétiens n’agissent pas ainsi par faiblesse ou par un vain sentiment
d’humanité ou d’altruisme. Ils le font pour
eux-mêmes par égard à Dieu. « Nous
faisons le bien sans acception de personnes parce que nous le faisons
pour nous-mêmes, car ce n’est
pas d’un homme que nous attendons d’être payés par des louanges ni par une
récompense, mais de Dieu, juge et rémunérateur d’une bienveillance qui ne fait
pas aucune distinction. »[13] Les
chrétiens agissent donc sous le regard de Dieu. Ne nous trompons pas. Ils
vivent mieux non pour se prévaloir devant les hommes ou par humanisme mais par obéissance et par amour à l’égard de
Celui qui leur a demandé de vivre ainsi.
Une
morale par la peur et les récompenses ?
Les
chrétiens agissent de la même façon à l’égard de tous car comme le souligne
Tertullien, ils seront jugés par Dieu sur leur comportement ici-bas. Leur regard est en effet fixé sur leur
salut. Toutes leurs pensées et leurs actions sont dirigées selon ce motif,
selon le souci du salut éternel. Ainsi, les maux de cette vie, les souffrances
qu’ils doivent endurer pour leur foi, leur misère ne sont rien devant cette
préoccupation constante. Cela explique aussi leur obéissance à l’égard de la
loi civile. Tant qu’elle ne remet pas en cause leur salut, les chrétiens se
montrent fidèles et obéissants.
Quand
nous évoquons la volonté des chrétiens de se sauver, nous entendons parfois surgir
moquerie et mépris. Les beaux esprits se gaussent avec joie. Quelle
morale ! Les chrétiens n’agissent que par crainte de l’enfer ou pour
gagner une récompense comme un âne avançant, cherchant à croquer une carotte qui
lui est pourtant inaccessible. Nous entendons leurs rires. Il est vrai que ces
mobiles paraissent bien peu élevés. Cependant, ils ne sont pas non plus
mauvais. Faut-il en effet condamner une personne qui agit bien en raison de la
peur de sa damnation ou font-ils plutôt le laisser commettre un mal ?
Croire aussi que l’homme ne peut que faire du bien et éviter le mal pour le
plaisir du bien, c’est bien méconnaître
la nature profonde de l’homme et sa diversité. Parfois, elle-seule suffit
pour empêcher l’irréparable tant nous sommes faibles devant certains plaisirs.
Une loi sans sanction est déjà bien difficile à faire appliquer dans le domaine
de la vie naturelle. Nous le savons trop bien. Certains ont besoin de la peur
du gendarme pour rester sur le droit chemin. Mais, au fur et à mesure de son
apprentissage dans le bien, le chrétien
apprendra à agir moins par crainte et plus par amour.
Il
est vrai qu’une morale désintéressée nous paraît très noble mais est-elle
possible ou n’est-ce qu’une idée bien
abstraite sans ancrage dans la réalité ? Elle n’est possible que pour
des hommes fictifs sans chair ni âme. Elle n’a aucune emprise sur les passions
et les drames qui nous heurtent et qui nous bousculent. Elle ne sert donc à
rien pour l’homme réel tel que nous le sommes, en proie aux doutes et aux
dangers qui le menacent. Elle est bien inutile pour nous aider à surmonter les
obstacles qui ralentissent nos pas et nous font bien hésiter. Elle nous renvoie
aux morales des philosophes antiques bien impuissantes à faire changer le monde
et les hommes. La morale n’est pas pure
idéale, elle doit être bien humaine pour être efficace. Et comme un enfant
tâtant le monde, faisant ces premiers pas, il a besoin parfois de la crainte
pour éviter les chemins périlleux comme de l’espoir d’une récompense pour aller
de l’avant. Devons-nous être comme ces hommes antiques voués à une sorte de fatalisme,
et donc au pessimisme et finalement nous dire au fond de nous-mêmes :
« Mieux vaut pour l'homme n'être
point né ; et s'il est né, de rentrer le plus vite possible dans le royaume de
la Nuit »[14] ?
Des
mobiles d’action bien plus hauts
Faut-il
aussi croire que la crainte de l’enfer
ou la recherche de récompenses célestes ne sont que les seuls motifs d’action
des chrétiens ? Ce ne serait finalement qu’une morale de l’intérêt,
qui donne que pour recevoir, qui agit par pur égoïsme. Mais que vaut cette
crainte par rapport à la peur réelle des premiers chrétiens devant les bûchers
prêts à les consumer ? Est-elle suffisante pour faire taire le cri de la
chair et l’effroyable souffrance de l’âme ? Certains ont défailli, les
plus nombreux ont résisté. Et mieux encore ! Parmi ceux qui ont succombé,
certains se sont relevée et sont revenus devant leurs bourreaux pour connaître
le sort qu’ils ont refusé. L’homme a
besoin d’une autre force, celle de l’espérance et de la foi.
La
crainte des peines de l’enfer et l’espoir d’une récompense comme seuls mobiles
d’action pour les chrétiens n’expliquent guère leurs attitudes au cours des
siècles et encore moins leurs œuvres qui font l’admiration de tous. Lorsque
nous entrons dans une de ses petites chapelles qui peuplent nos campagnes ou la
cathédrale de Chartres, nous éprouvons tous un profond émerveillement. Or cet
étonnement qui nous élève peut-il naître de la crainte de l’enfer ou de
l’espoir d’une récompense céleste ? Non. De tels mobiles d’action sont
bien insuffisants pour expliquer la réalité.
Une
exigence morale élevée
De
tels sentiments nous semblent en effet bien peu efficaces pour expliquer les
nombreux renoncements que les chrétiens acceptent. Leur morale ne se limite pas
à des gestes, à une attitude, à des paroles. « Vouloir du mal, faire du mal à qui que ce soit, dire du mal, penser du
mal de qui que ce soit nous est également défendu. »[15]
L’intention d’un acte, la pensée même font l’objet de toute leur attention.
De
nos jours, cela nous paraît évident. Or, la morale qui se dégage des récits
homériques ou des textes antiques est bien différente comme nous l’avons déjà
évoqué dans un article précédent[16]. L’acte
en lui-même a toute son importance pour la société antique. Le bien est de
réaliser son destin quels que soient les moyens utilisés. La fin a plus
d’importance que les moyens. La morale chrétienne est bien différente. Le chrétien voit déjà le bien et le mal en
lui-même avant qu’ils ne se manifestent en des actes bons ou mauvais. C’est
bien l’homme intérieur qui est objet
de jugement et non tel qu’il apparaît ou veut apparaître. Mais comment cela
est-il possible d’accéder à cette
intimité ?
Ne
nous méprenons pas dans nos paroles. Le chrétien ne juge pas son prochain. Il
juge bien ses actes. Ce qu’il juge, c’est son propre intérieur, là où aucun
homme ne peut accéder.
Justice
et miséricorde
Il
est donc inutile de tricher et de tromper. Au contraire, devant un Juge qui
accède à notre conscience et porte un jugement toujours droit, nous n’avons pas
besoin de jouer un rôle, de nous cacher ou de nous protéger. Nous n’avons plus
peur d’être et d’agir comme nous l’entendons puisque nous sommes et agissons
devant Dieu.
La
justice de Dieu paraît alors terrible. Elle l’est en effet. Une chute nous
condamnerait. Un moment de faiblesse nous conduirait inévitablement au
désespoir et donc au mal. C’est parce que certains ne voient aucune lumière
devant eux qu’ils vivent dans la nuit et agissent comme des fauves blessées.
Mais
Dieu est notre Père. Et nous
connaissons le prix de son amour pour nous. Notre Seigneur Jésus-Christ nous a
témoigné par sa vie et son exemple l’étendue de cet amour, un amour qui ne connaît
aucune limite, un amour divin. Quel plus bel amour pouvons-nous alors espérer ?
C’est même incompréhensible. Cela dépasse notre imagination et nos plus beaux
rêves. Nous n’avons pourtant rien mérité. Au contraire, tout nous condamne.
Nous ne sommes même que misère. Or, c’est bien Lui qui nous a aimés le premier.
Dieu n’est donc pas seulement justice,
Il est aussi miséricorde.
Les premiers chrétiens connaissent la
miséricorde de Dieu. Il n’est pas besoin
de l’avoir vue en réalité, d’être directement témoins des gestes de Notre
Seigneur Jésus-Christ ou de le percevoir dans les pages admirables des Évangiles.
Leur conversion est signe de la miséricorde divine. Elle la manifeste. Elle en
est un témoignage que le converti ne peut oublier. Et quand les larmes abondent
d’un cœur désireux de pardon, l’homme tombé peut en effet espérer le pardon de
son Père. Si la justice divine est implacable dans sa droiture, elle est douce
et miséricordieuse.
Qui
peut finalement résister à une telle espérance quand le bonheur est le fruit d’un jugement et d’un amour sans faille ? « Notre espérance n’est pas de ce monde »,
nous dit encore Saint Justin. Pourquoi ? Parce que Dieu nous connaît et connaît notre misère. Notre Seigneur
Jésus-Christ, son Fils bien-aimé, est venu parmi les hommes. Mieux encore. Le
Verbe s’est fait chair. Il a connu notre existence, notre misère. Il nous a
aimés jusqu’à souffrir la Croix et en mourir par l’injustice des hommes. Qu’un
meilleur juge pouvons-nous avoir !
Un
Juge vainqueur
Enfin,
tout est déjà joué. Quand une armée
est déjà assurée de sa victoire, elle ne craint plus son ennemi. Son ardeur est
décuplée, sa fureur sans limite. Même des signes de défaillance n’affaiblissent
pas son élan et ne détournent pas de son objectif. Notre Seigneur Jésus-Christ
a vaincu du haut de sa Croix, apportant salut et donc espérance. L’avenir est donc désormais possible pour
tous les hommes. Il n’est plus réservé à un peuple particulier. Il est
accessible à tous, sans exception, riche et pauvre, maître et esclave, homme et
femme.
Et
puisque les promesses tant annoncées ont
été réalisées, qui peut alors douter des récompenses ainsi que des châtiments
promis ? Qui pourrait aussi douter des temps et du jugement
dernier ? Quand nous savons que le mal sera puni et le bien récompensé,
quelles que soient les apparences, notre vie prend une nouvelle tournure. Que
la volonté de Dieu soit faite !
Quand
un chrétien entend alors la sentence mortelle d’un juge païen, il ne cherche donc
pas à fuir tant sa joie est grande. Certes, il peut craindre de défaillir
devant les flammes ou dans la douleur, mais il sait qu’il n’est pas seul et que la victoire lui est assurée s’il demeure auprès de Notre Seigneur
Jésus-Christ. Encore un peu de temps.
Notre
Seigneur Jésus-Christ, un modèle efficace
C’est aussi une erreur de croire que la
morale chrétienne ne se réduit qu’à son contenu, c’est-à-dire à des obligations et à des commandements.
Les règles par elles-mêmes demeurent insuffisantes si elles ne sont pas animées
par une force qui les dépasse. C’est pourquoi ce ne sont que « des maximes […] brèves et concises »[21]. Ce ne
sont pas en effet de longs discours, encore moins des démonstrations. Elles ne
sont ni secrètes ni livrées après de multiples initiations.
Conclusions
La vie des premiers chrétiens a radicalement
changé après leur conversion puisqu’elle a pris un sens nouveau. Cela est encore vrai aujourd’hui. Nous en sommes témoins.
Et ce changement a touché tous les hommes et les femmes, quelle que soit leur
condition, pauvres ou riches, instruits ou ignorants, gouverneurs ou esclaves. Ce
changement dépasse même leur propre personne. Progressivement, sans combattre ni violence, ils ont changé,
transformé la société dans laquelle
ils vivaient. Les martyrs, les vierges, les confesseurs, les ermites, les
moines, les simples croyants, ce sont eux qui ont terrassé l’empire païen et ses
mœurs. Leur témoignage est suffisamment clair pour montrer l’efficacité et la force de la morale chrétienne.
Toute
critique à l’égard de la morale chrétienne ne peut donc ignorer les changements
qu’elle a produits concrètement en nous et dans notre société. Elle ne peut
faire fi de l’histoire. Les systèmes philosophiques, les sciences ou encore les
discours rationnels ont remis en cause la morale chrétienne. Pourtant celle-ci dépasse la raison. Elle
élève la raison.
Nous
allons revenir dans nos prochains articles sur la révolution morale qu’a produite le christianisme et dont nous
sommes redevables. Mais comme le montre notre époque, les valeurs qu’il a
réussi à inculquer aux hommes et à la société semblent disparaître par
ignorance ou mépris. Devant une telle situation, les beaux esprits en appellent encore à une morale laïque,
indépendante de toute Dieu ou notion religieuse. Mais notre temps montre toute
la vanité et l’échec d’une telle morale ! Faut-il être bien aveugle et
sourd pour ne point constater le niveau moral de notre société et en
percevoir les causes ? …
[2] Tertullien, Apologétique, III, 3.
[3] Saint Justin, Première
apologie, XIV, 2, trad. par Louis Patigny, Textes et documents pour l’étude
historique du christianisme publiés sous la direction de H. Hemmer et P. Lejay,
Alphonse Picard & Fils, 1904, gallica2.bnf.fr.
[4] Tertullien, Apologétique, XXVII, 2.
[5] Saint Justin, Première
apologie, VIII, 2.
[6] Saint Justin, Première
apologie, IIX, 5.
[7] Saint Justin, Première
apologie, V, 9.
[8] Saint Justin, Première
apologie, IV, 4.
[9] Saint Justin, Première
apologie, IV, 4.
[10] Tertullien, Apologétique, XXV, 5, trad. par Jean-Pierre
Waltzing, 1929, collection des universités de France, société d’édition Les
Belles Lettres.
[11] Tertullien, Apologétique, XXVI, 2.
[12] Tertullien, Apologétique, XXVI, 3.
[13] Tertullien, Apologétique, XXVI, 3.
[14] Théognis de Mégare (VIe siècle avant Jésus-Christ), Élégies,
1ère livre, vers 425, dans Introduction à Théognis,
Jean Carrière, Pallas, 18/1971, www.persee.fr.
[15] Tertullien, Apologétique, XXVI, 4.
[16] Émeraude, janvier 2020,
article « La morale antique (1) - Homère, Hésiode et les sages de
Delphes - Une morale tirée d'une conception religieuse, de l'expérience et de
la connaissance des hommes ».
[17] Tertullien, Apologétique, XLV, 5.
[18] Saint Justin, Première
apologie, XII, 1.
[19] Saint Justin, Première
apologie, XII, 3.
[20] Saint Justin, Première
apologie, VIII, 3.
[21] Saint Justin, Première
apologie, XIV, 5.